Le Bloc veut la révocation du mandat du rapporteur spécial sur l’ingérence

OTTAWA — Le Bloc québécois demande la révocation du mandat de rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère confié à l’ex-gouverneur général David Johnston.

Le chef du parti, Yves-François Blanchet, en a fait l’annonce lundi en insistant, à nouveau, sur son appel au déclenchement immédiat d’une commission d’enquête publique et indépendante,comme aussi réclamé par les conservateurs et néo-démocrates.

À son avis, l’indépendance de M. Johnston est «au mieux incertaine compte tenu de sa proximité tant avec la famille du premier ministre (…) qu’avec le régime de la République populaire de Chine».

Les libéraux de Justin Trudeau n’ont vraisemblablement pas l’intention de démettre M. Johnston de ses nouvelles fonctions puisqu’ils ont défendu, tout au long de leurs interventions en Chambre, le choix de cet «éminent Canadien». Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a souligné à maintes reprises qu’il avait été nommé gouverneur général, en 2010, par l’ex-premier ministre conservateur Stephen Harper.

Son collègue Dominic LeBlanc, aux Affaires intergouvernementales, a vanté la feuille de route de celui qui assumera le rôle de rapporteur spécial. «(Il) va travailler d’une façon indépendante à préparer des recommandations, à regarder l’ensemble des mesures que nous avons mises sur pied comme gouvernement et de faire des suggestions sur ce que nous pouvons continuer d’améliorer», a-t-il dit durant la période des questions.

Le gouvernement s’est engagé à respecter les recommandations qui seront formulées par M. Johnston et qui pourraient inclure celle d’une commission d’enquête. Mais l’ensemble des partis d’opposition demande le lancement d’une telle enquête dès maintenant, sans avoir à attendre un potentiel feu vert du rapporteur spécial.

Le leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique (NPD), Peter Julian, a signalé que son parti amènera mardi, sur le plancher de la Chambre des communes, une motion réclamant cette commission. Au début du mois, une demande similaire a été entérinée en comité par les partis d’opposition, mais cela ne contraint pas le gouvernement Trudeau de s’y plier.

La nécessité d’une enquête publique est aussi mise en lumière, aux yeux de M. Blanchet, par une lettre ouverte d’un employé du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) publiée durant le week-end dans les pages du «Globe and Mail». Ce dernier explique avoir fait le choix difficile et risqué de parler aux médias des efforts d’ingérence menés par Pékin puisqu’il était inquiet d’une inaction du gouvernement face à une menace grandissante.

«Pour que, dans un service de renseignement dont la culture (et) l’ADN en est un de secret, quelqu’un décide de rompre le secret (…), il faut qu’il considère que c’est extrêmement grave ou qu’il soit extrêmement écœuré qu’après plus de 20 ans d’intervention (et) d’avertissements, aucun premier ministre canadien n’ait pris cela au sérieux à date et n’ait posé de gestes», a dit le chef bloquiste.

Lundi, les conservateurs ont en outre lancé une nouvelle tentative visant à faire témoigner en comité la cheffe de cabinet du premier ministre, Katie Telford, sur les allégations d’ingérence de la Chine dans les deux dernières élections fédérales.

L’équipe de Pierre Poilievre a utilisé sa journée d’opposition pour forcer la tenue d’un débat sur une motion en ce sens.

Les conservateurs souhaitent que Mme Telford soit assignée à comparaître pendant trois heures au comité de l’éthique de la Chambre des communes. Ils tentent depuis des semaines de faire adopter une motion similaire devant un autre comité, celui de la procédure, mais les libéraux y siégeant ont empêché la tenue d’un vote en discourant durant de longues heures.

«Que sait (Mme Telford) que le premier ministre veut cacher aux Canadiens?», a lancé le député conservateur Michael Cooper.

L’élu et ses collègues ont continuellement tourné les projecteurs vers le NPD, tout au long de la journée de lundi, invitant la formation politique à les aider à «obtenir les réponses que les Canadiens méritent» plutôt que de «soutenir un gouvernement corrompu».

Le vote sur la motion conservatrice doit avoir lieu mardi après-midi. L’appui des bloquistes est assuré, mais les néo-démocrates ont maintenu le flou, jusqu’à présent, sur la façon dont ils voteront.

Durant le débat sur la motion, ils ont insisté sur le fait qu’ils aimeraient que les parlementaires se penchent aussi sur les tentatives d’ingérence menées par d’autres pays, comme la Russie et l’Iran.

«On est préoccupés par le fait qu’on se concentre juste sur l’État chinois. Oui, il y a des allégations très, très sérieuses, mais ça fait en sorte que ça stigmatise un petit peu les Québécois et les Canadiens qui sont des ressortissants chinois aussi», a fait valoir le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice.

Le choix du NPD pourrait se complexifier si les libéraux décidaient de désigner le vote comme étant une question de confiance envers le gouvernement.

En vertu de leur entente avec les troupes de Justin Trudeau, les néo-démocrates ont promis de soutenir le gouvernement «sur les questions de confiance et de budget».

Appelé à préciser si ce vote en serait un de confiance, le leader parlementaire des libéraux, Mark Holland, a laissé entendre qu’il était trop tôt pour le dire, indiquant qu’il y avait «des discussions en ce moment même» et un «dialogue».