Carney s’annonce officiellement et promet de réévaluer la taxe sur le carbone

OTTAWA — L’ex-gouverneur de banques centrales Mark Carney, qui souhaite se poser en politicien «outsider», a officiellement annoncé jeudi qu’il tentera de succéder au premier ministre sortant, Justin Trudeau, promettant de réévaluer la politique phare des libéraux de tarification du carbone.

«Je sais que je ne suis pas le suspect habituel quand on parle de politique, mais ce n’est pas le temps pour la politique comme on en a l’habitude», a-t-il déclaré en anglais dans un discours prononcé depuis Edmonton, en Alberta, où il était accompagné d’un des deux seuls députés libéraux fédéraux de la province de l’Ouest, George Chahal. Il a ponctué son allocution de plusieurs phrases en français.

M. Carney a, à nouveau, laissé croire qu’il tentera de prendre ses distances avec le gouvernement profondément impopulaire de M. Trudeau.

«Je sais que je ne suis pas le seul libéral au Canada qui croit que le premier ministre et son équipe ont trop souvent laissé leur attention errer de l’économie. Je vais rester concentré», a dit celui qui a insisté sur le fait qu’il est né à Fort Smith, ville des Territoires-du-Nord-Ouest située tout près de l’Alberta, et qu’il a grandi à Edmonton.

Répondant à des questions de journalistes, il a ensuite soutenu qu’«il faut juger l’efficacité de tous les outils» visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), «y compris la tarification du carbone» pour les consommateurs, communément appelée «taxe sur le carbone».

«Depuis longtemps, j’ai observé que, si on enlève quelque chose, quelque initiative comme ça, il faut, à mon avis, la remplacer avec un autre outil qui est plus efficace, plus effectif en ce qui concerne la compétitivité de nos sociétés, les coûts pour les ménages canadiens et qui, en même temps, (va) avoir l’impact sur nos émissions», a-t-il offert comme réponse en français.

L’aspirant chef a fait savoir qu’il compte présenter «un plan comme ça» complet sur ce sujet, utilisant le mot anglais «comprehensive», au cours des prochaines semaines.

«C’est facile – c’est comme un  »soundbite » (clip audio) – d’enlever simplement la tarification du carbone. Il faut remplacer avec quelque chose d’autre, à mon avis, et il faut rendre (aux) ménages canadiens leur pouvoir d’achat.»

Le message lancé par M. Carney s’inscrit dans la même lignée que ses propos tenus dans une entrevue accordée lundi soir à l’animateur américain du «Daily Show», Jon Stewart. Il avait laissé flotter l’idée, très présente durant l’entretien humoristique, qu’il allait briguer la chefferie du PLC, ajoutant que les émissions de GES doivent baisser «de manière à ce que les Canadiens n’en paient pas le prix aujourd’hui».

M. Chahal, comme d’autres élus libéraux, n’a pas attendu l’annonce officielle de M. Carney pour lui exprimer publiquement son appui. La Québécoise Sophie Chatel ainsi que les députés de l’Ontario Francesco Sorbara et Salma Zahid avaient aussi fait de même.

Il en va de même du Néo-Brunswickois Wayne Long et du Britanno-Colombien Patrick Weiler.

L’élu de l’île de Montréal Sameer Zuberi et celui du Yukon Brendan Hanley étaient parmi d’autres députés présents durant l’événement à Edmonton, au cours duquel M. Carney a voulu lancer un message d’unité.

«Bâtir le Parti libéral à long terme»

Questionné à savoir s’il comptait rester chef libéral advenant qu’il remporte la course à la chefferie, puis perde la prochaine élection fédérale, il a sous-entendu que oui, «peu importe le résultat de la prochaine élection fédérale». L’ex-banquier a soutenu qu’il est investi tant dans ce qui peut «être fait pour les Canadiens» que dans les efforts sur «comment renforcer et comment bâtir le Parti libéral à long terme».

«Ça fait beaucoup partie de l’engagement que je prends aujourd’hui», a poursuivi celui qui n’a pas encore décidé dans quelle circonscription il souhaite se présenter.

Les conservateurs ont, quelques heures avant l’annonce attendue de M. Carney, dévoilé une nouvelle publicité pour rappeler des moments où l’aspirant chef libéral a défendu la tarification du carbone dans sa forme actuelle. Selon les troupes de Pierre Poilievre, celui qu’ils surnomment «Carbon Tax Carney» est tout simplement la copie conforme de M. Trudeau.

En riposte, M. Carney n’a pas manqué de lancer de multiples flèches envers le chef conservateur et ses «slogans à trois mots».

Quant au seul autre député libéral de l’Alberta, l’ancien ministre Randy Boissonnault, il a annoncé qu’il se rangera plutôt derrière l’ex-vice-première ministre Chrystia Freeland, dont la candidature devrait être annoncée au cours des prochains jours.

Dans ce camp, on retrouve aussi les appuis de l’actuel ministre de la Santé, Mark Holland, le président du caucus du Québec, Stéphane Lauzon, le député du Manitoba Ben Carr et celui de Terre-Neuve-et-Labrador Ken McDonald.

D’autres membres du caucus, comme le ministre de l’Immigration, Marc Miller, ont refusé de révéler leur préférence.

L’Alberta pourrait se transformer en un théâtre d’affrontements intenses entre M. Carney et Mme Freeland, celle-ci ayant aussi grandi dans cette province de l’Ouest.

Jeudi, l’ancien maire d’Edmonton, Don Iveson, était présent à l’annonce de l’ex-gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre.

Bien que la plupart des électeurs albertains, à tendance conservatrice, ne soient pas susceptibles d’aider les libéraux à éviter le désert politique après le départ de Justin Trudeau, la province sera une cible clé pour les candidats à la direction du parti en quête de soutien.

– Avec Kyle Duggan