À la chasse aux mines dans les champs de l’Ukraine

PEREMOHA, Ukraine — Un sentier court entre des rangées d’arbres au milieu d’un vaste champ très plat. On remarque plusieurs petits piquets jaunes anodins, mais ils ne le sont pas.

Trois explosions ont été rapportées ici, dont une mortelle, qui a complètement détruit un véhicule militaire.

Chacun des piquets indique l’emplacement d’une mine antichar trouvée par les équipes de déminage.

Nous sommes à une heure de route du centre-ville de Kyiv, à Peremoha. Les Russes ont poussé leur offensive jusqu’ici et ils se sont retirés le 30 mars, laissant derrière eux des champs de mines antichar ou antipersonnel, comme partout où ils sont passés en Ukraine.

Ces dispositifs explosifs ont à la fois une vocation défensive, mais empêchent aussi l’usage et l’occupation du territoire. Il y a des millions de mines enterrées en Ukraine actuellement, estime-t-on.

L’organisme The HALO Trust, financé notamment par le Canada à hauteur de 2 millions $, s’active à déminer Peremoha, mètre par mètre, mais aussi Tchernihiv, à Soumi, et d’autres zones ravagées par l’agression russe.

C’est un matin froid où l’air est cristallin et on suit en silence les superviseurs en marchant le long d’un tracé bien précis, libéré de tout engin explosif.

Toutes sortes de piquets de différentes couleurs codifiées délimitent les zones, qui longent d’abord une tranchée creusée par les Russes, à la sortie du village, derrière une station-service.

Tout le travail se fait ici à la main et à pied. Il faut effectuer une première vérification de tout indice de petite mine antipersonnel cachée, prête à être déclenchée avec un fil de détente discret, et débroussailler avant d’entreprendre la «décontamination», le retrait des mines antichar.

«C’est bénéfique pour ma patrie, pour rendre le terrain plus sûr», a indiqué une jeune femme, Alla, qui s’activait comme une jardinière à faire de l’élagage.

Pour détecter les mines antichar, une équipe emploie un dispositif qui ressemble à un grand cadre rectangulaire entouré d’un câble relié à un détecteur de métal.

Il faut deux personnes pour déplacer ce cadre au-dessus du sol, sur un périmètre précis, au fur et à mesure. En cas de sonnerie, on investigue plus précisément avec un autre détecteur plus courant, avec un manche.

«Dans le contexte actuel, c’est (le déminage) probablement la job la plus en demande en Ukraine», a commenté un chef d’équipe, Danylo Kudriavtsev.

«Il faut être bien préparé psychologiquement et en bonne forme pour faire ce travail, il faut être très responsable», a expliqué celui qui travaillait avant la guerre dans une entreprise qui produisait du verre.

Si l’équipe a bien détecté une mine antichar, on s’appliquera à la déterrer avec délicatesse. Mais ce n’est pas l’organisme qui s’occupera de la faire détonner ou de la désamorcer. C’est l’armée ou les autorités compétentes qui seules peuvent prendre en charge cet explosif, et non un organisme non gouvernemental.

Le HALO Trust emploie du personnel à 98 % ukrainien, ce qui permet à plus de 600 personnes d’avoir du boulot, dans ce pays où le chômage est important: beaucoup ont perdu leur emploi à cause de la guerre.

L’organisme a perfectionné ses méthodes de dépistage de champs de mines, notamment en ayant recours aux sources ouvertes, aux croisements de témoignages et de comptes-rendus de citoyens.

Cependant, Il y a énormément de «contamination», notamment autour de Kharkiv, une grande ville de l’Est libérée récemment par les Ukrainiens.

Il y a des mines partout où il y a eu ou où il y a encore des combats. Des accidents sont souvent rapportés, parfois impliquant des enfants intrigués par les objets métalliques.

HALO a organisé pas moins de 630 activités de sensibilisation auprès de la population, mais cela ne suffit pas encore.

«Les gens prennent des risques, ils pensent que c’est pas dangereux, souvent des hommes, parce qu’ils s’intéressent aux armes», a précisé Olesia Fesenko, porte-parole de HALO.

Si une personne trouve une mine dans son jardin, elle peut appeler les services d’urgence ukrainiens qui vont intervenir.

Mais pour ratisser des portions de territoire, le HALO Trust prend la relève puisque l’état Ukrainien a beaucoup d’autres chats à fouetter actuellement.

À raison de quelques centaines de mètres carrés par jour, le HALO Trust en a encore pour plusieurs années.