La guerre en Ukraine entre dans une «nouvelle phase»

KYIV, Ukraine — La Russie a intensifié sa bataille pour le contrôle du cœur industriel de l’est de l’Ukraine, multipliant les assauts contre les villes et les villages le long d’un front de plusieurs centaines de kilomètres dans ce que les responsables des deux côtés ont décrit comme une nouvelle phase de la guerre.

Après qu’une poussée russe vers la capitale n’ait pas réussi à prendre la ville, le Kremlin a annoncé que son objectif principal était la capture de la région orientale du Donbass. En cas de succès, cette offensive donnerait au président Vladimir Poutine un élément vital de l’Ukraine et une victoire dont il a tant besoin, qu’il pourrait présenter au peuple russe au milieu des pertes croissantes de la guerre et des difficultés économiques causées par les sanctions de l’Occident.

Ces dernières semaines, les forces russes qui se sont retirées de Kyiv se sont regroupées en vue d’une offensive totale dans le Donbass, où les séparatistes soutenus par Moscou combattent les forces ukrainiennes depuis huit ans et ont proclamé deux républiques indépendantes reconnues par la Russie.

Alors que le président ukrainien et d’autres responsables ont annoncé que l’offensive avait commencé, les observateurs ont noté que ce n’était que le début d’une nouvelle attaque massive.

L’armée ukrainienne a indiqué mardi matin qu’une «nouvelle phase de guerre» avait commencé un jour plus tôt lorsque «les occupants ont tenté de percer nos défenses sur presque toute la ligne de front». Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré dans une interview qu’«une autre phase de cette opération commence maintenant».

Dans ce qui semblait être une intensification des attaques, le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général de division Igor Konashenkov, a annoncé que des missiles lancés par air avaient détruit 13 emplacements de troupes et d’armes ukrainiens, tandis que l’armée de l’air avait frappé 60 autres installations militaires ukrainiennes, y compris des dépôts de stockage d’ogives de missiles. L’artillerie russe aurait touché 1260 installations militaires ukrainiennes et 1214 concentrations de troupes au cours des dernières 24 heures. Les affirmations n’ont pas pu être vérifiées de manière indépendante.

Le Pentagone a présenté la campagne renforcée comme des «opérations de façonnage» ouvrant la voie à une offensive plus large dans la région du Donbass, majoritairement russophone.

Les États-Unis estiment que les forces russes «continuent de définir les conditions de ce qu’elles pensent être un succès éventuel sur le terrain en mettant en place plus de forces, en mettant plus de facilitateurs, en mettant en place plus de capacité de commandement et de contrôle pour les opérations à venir», a déclaré lundi le porte-parole du Pentagone, John Kirby.

Les assauts ont commencé le long d’un front qui s’étend sur près de 500 kilomètres, du nord-est de l’Ukraine au sud-est du pays.

La Russie a annoncé avoir frappé plusieurs zones avec des missiles, dont la ville de Kharkiv, dans le nord-est, ainsi que des zones autour de Zaporijjia et de Dnipro à l’ouest du Donbass. Cinq civils ont été tués dans un barrage sur Kharkiv, a déclaré mardi le gouverneur Oleh Synyehubov.

Les troupes de Moscou ont pris le contrôle d’une ville du Donbass lundi, selon le gouverneur de Lougansk, Serhiy Haidai. La percée à Kreminna rapproche un peu les Russes de leur objectif apparent d’encercler les troupes ukrainiennes dans la région en avançant vers elles du nord et du sud et en les acculant au le territoire détenu par les troupes de Moscou à l’est.

Oleksiy Danilov, secrétaire du Conseil de sécurité nationale ukrainien, a assuré que la ligne défensive avait tenu ailleurs.

La prise de Kreminna rapproche également les Russes de la ville de Sloviansk, dont la perte par les séparatistes soutenus par la Russie a représenté un revers humiliant pour Moscou au début du conflit séparatiste en 2014.

La clé de la campagne pour prendre l’Est est la chute de Marioupol, une ville portuaire de la région que les Russes ont assiégée depuis les premiers jours de la guerre.

Les bombardements se sont poursuivis là-bas et la Russie a lancé mardi un nouvel ultimatum aux troupes ukrainiennes retranchées pour qu’elles se rendent, affirmant que ceux qui sortiront «garderont leur vie». Les Ukrainiens ont ignoré de telles offres antérieures.

Sécuriser Marioupol libérerait des troupes russes pour se déplacer ailleurs dans le Donbass, priverait l’Ukraine d’un port vital et achèverait un pont terrestre entre la Russie et la péninsule de Crimée, saisie à l’Ukraine à partir de 2014.

Denys Prokopenko, le commandant du régiment Azov de la Garde nationale ukrainienne qui garde la dernière poche de résistance ukrainienne connue à Marioupol, a annoncé dans un message vidéo que la Russie avait commencé à larguer des bombes anti-bunker sur l’aciérie d’Azovstal où le régiment se terre.

On pense également que des civils s’abritent à l’usine, qui couvre un territoire d’environ 11 kilomètres carrés.

Lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré dans une allocution vidéo qu’une «partie importante de toute l’armée russe» est désormais concentrée sur la bataille pour le Donbass.

«Peu importe le nombre de soldats russes, nous nous battrons, a promis M. Zelensky. Nous nous défendrons.»