Utilisation d’ingrédients laitiers: les fermes laitières centricoises menacées

PRODUCTION LAITIÈRE. Lors d’un point de presse tenu lundi, des intervenants ont démontré l’important consensus de la filière agroalimentaire du Centre-du-Québec et de ses partenaires pour exiger du gouvernement fédéral qu’il règle le problème des importations de lait diafiltré «rapidement et une fois pour toutes».

C’est que l’importation des produits laitiers au Canada est limitée par des tarifs douaniers, un contrôle essentiel au bon fonctionnement de la gestion de l’offre, le moyen par lequel les producteurs de lait établissent le meilleur équilibre possible entre l’offre et la demande de leurs produits et qui leur permet de tirer leur revenu entièrement du marché, sans subventions.

Or, depuis la fin des années 1990, des ingrédients laitiers entrent au pays sans tarifs en utilisant des failles du classement tarifaire pour contourner les limites d’importation. Les intervenants ont souligné que le cas actuel le plus grave est celui des isolats de protéines laitières (IPL) et du lait diafiltré, des concentrés de protéines laitières qui remplacent de plus en plus la protéine du lait frais canadien dans la fabrication de certains produits laitiers.

À la frontière, le lait diafiltré est classé comme ingrédient laitier (concentré de protéines laitières de plus de 85 % sur une base sèche) et exempté de tarifs. Une fois au Canada, l’ACIA le considère comme du lait et non comme ingrédient laitier dont l’ajout est plafonné dans les recettes de fromage.

La filière agroalimentaire de la région estime que les importations d’IPL atteindront 32 000 tonnes en 2016, causant un manque à gagner de plus de 200M$ aux producteurs, l’équivalent de 15 000$ à 20 000$ par année par ferme centricoise. Aux dires des intervenants, les conséquences sont majeures pour l’économie agricole de la région, non seulement pour les producteurs laitiers, mais également pour les transformateurs comme les fromageries.

«Cette problématique de contournement des contrôles frontaliers par l’importation sans limites et sans tarifs du lait diafiltré a pris des proportions très inquiétantes. Si rien n’est fait à court terme pour mettre fin à ce contournement, la gestion de l’offre et l’avenir des fermes laitières canadiennes sont menacées», a signalé Denis Morin, président des producteurs de lait du Centre-du-Québec.

L’agriculture est l’industrie numéro un au Centre-du-Québec. «La production laitière est un secteur économique très important pour la région, poursuit-il, soit 835 fermes et 16 entreprises de transformation, ce qui totalise une activité économique de plus d’un milliard de dollars.»

Engagement du gouvernement

En février, La Terre de chez rapportait que le gouvernement a formellement reconnu l’existence du problème. Le journal a publié le contenu d’un courriel du bureau du ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Lawrence MacAulay. «Nous sommes conscients des préoccupations de l’industrie concernant l’utilisation du lait diafiltré dans la fabrication du fromage. Selon les normes compositionnelles du fromage, il n’a jamais été dans les intentions que le lait diafiltré soit utilisé au lieu du lait. Nous travaillons afin d’assurer que les règles sont claires pour tous. Le Canada reconnaît l’importance de mesures de contrôle efficaces des importations et gère ses importations conformément à ses obligations en matière de commerce international», pouvait-on lire.

«Malgré des engagements répétés de la part du gouvernement fédéral, aucune mesure concrète n’a encore été annoncée par le gouvernement deux mois plus tard», déplore M. Morin.

À son avis, si cette brèche n’est pas colmatée, cela peut clairement menacer la pérennité de la politique agricole canadienne pour le secteur laitier. «Le problème est connu des autorités gouvernementales depuis au moins deux ans, mais n’est toujours pas réglé. La solution au problème des importations de lait diafiltré est politique. Le gouvernement libéral a montré, dans plusieurs dossiers, qu’il est capable d’agir rapidement, alors on croit qu’il faut qu’il règle ce problème rapidement.»

«Ces produits sont choisis pour l’importation puisqu’ils permettent à la fois d’éviter les tarifs douaniers et par manque de cohérence entre l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), ils permettent aussi d’éviter la limite d’utilisation prévue par les normes de composition des fromages au Canada», ajoute le président des producteurs de lait du Centre-du-Québec.

Rappelons qu’en 2007, afin de limiter les dommages liés à l’importation de concentrés de protéines laitières et à la suite d’une grande mobilisation des producteurs laitiers, le gouvernement a mis en place des normes de composition des fromages. Ces normes établissent un pourcentage minimum de protéines (caséines) qui doivent provenir du lait dans le fromage et limitent l’ajout d’ingrédients laitiers tels les IPL pour compléter la recette de fabrication. Le problème semblait ainsi réglé jusqu’à l’arrivée du lait diafiltré, en 2013.

Appui des députés

Présents à la conférence de presse, les députés Louis Plamondon (Bécancour-Nicolet-Saurel) et Alain Rayes (Richmond-Arthabaska) ont offert leur appui inconditionnel aux producteurs laitiers dans cette démarche. Ils entendent posé les questions adéquates au gouvernement actuel et déplorent que le discours du trône n’ait fait aucune mention du milieu rural et du domaine agricole. «On espère que le gouvernement entende raison dans ce dossier, d’où le problème est essentiellement d’ordre administratif et bureaucratique.»

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