«Prochaine station: World Trade Center»

TÉMOIGNAGE. Il est 8 h du matin à New York le mardi 11 septembre 2001. La Québécoise Kathleen Payette prend place dans la rame de métro qui doit la mener à son bureau du World Financial Center, tout juste en face des tours jumelles.

Par Raphaël Beaumont-Drouin

Âgée de 24 ans, la jeune femme est alors chargée de projet pour l’événement Québec New York 2001, une imposante délégation qui a pour but de faire rayonner les talents de la Belle Province dans la mégalopole américaine.

À une station de distance du terminal du World Trade Center, le métro s’immobilise. Terminus, tout le monde descend. Confuses, Kathleen et sa collègue Andrée obtempèrent. Un murmure passe entre les passagers. On parle alors d’explosion dans l’une des tours. On discute, on spécule, on tente d’assembler les morceaux du puzzle. «La Ville, raconte-t-elle, était devenue comme une sorte d’immense radio.»

Alors que les deux femmes émergent du souterrain, un deuxième avion perfore le second bâtiment, à une vitesse frisant les 950 km/h.

«J’ai tout un scoop à vous conter…»

À 700 kilomètres au nord de Manhattan, à l’école Pointe-Lévy de Lévis, l’enseignant Claude Miville croit bien faire en informant candidement ses étudiants des événements qui secouent la Grosse Pomme. Quelle meilleure leçon d’histoire contemporaine, pense-t-il, qu’un événement qui se déroule, bien, à l’époque contemporaine?

Assise dans sa classe, le sang de la demi-sœur de Kathleen, Audrey Lavoie, ne fait qu’un tour. «Je suis devenue blême comme un drap. Je savais qu’elle devait travailler là ce matin.» Toute tentative de contact sera vaine, les familles et les proches n’obtiendront des nouvelles qu’en fin d’après-midi.

Un facheux contretemps

À New York, les deux jeunes femmes ne réalisent toujours pas l’ampleur du drame qui se joue devant leurs yeux. Le duo est plutôt inquiété à se demander comment réussir à publier leurs journaux et effectuer leurs tâches avec ce fâcheux «contretemps».

Faute de métro, elles décident donc de se rendre au travail à pied, dans l’espoir que cette situation se réglera promptement. Mais plus elles s’approchent du futur site de Ground Zero et plus la «radio» fait son travail. «Plane» (avion) a remplacé le mot explosion dans la bouche des New-Yorkais. À quelques coins de rue du World Trade Center, l’horreur de la situation rattrape les Québécoises. «Les gens se sortaient des immeubles en pleurant. Ça courait dans tous les sens. Il y avait des mallettes de cuir partout que les gens avaient abandonné», décrit-elle. Écoutant leur instinct de survie, le duo rebrousse chemin et décide de marcher en direction des bureaux du Québec à New York, au Centre-Ville. Dans sa fuite, Kathleen jettera de nombreux regards par-dessus son épaule. Dans l’un d’eux, elle assistera à l’effondrement de la première tour et l’imposant nuage de poussière qui en résultera, la forçant à accélérer le pas.

Jamais elle ne retournera au World Financial Center. À 16 heures, après plusieurs tentatives d’appel infructueuses, la Lévisienne réussira finalement à contacter ses proches.

Gravé à jamais

Devenue directrice du musée Grévin à Montréal, jamais Kathleen Payette n’oubliera les images de cette tragique journée du 11 septembre 2001. «On a eu peur, on a vécu la tristesse, on a beaucoup pleuré. Ça va me marquer à vie.»