Pour que l’acier retrouve ses lettres de noblesse

Antoine Marçal a un talent fou et une passion débordante qui transparait dans chacune de ses œuvres: des couteaux forgés à la main qu’il conçoit dans son atelier de Baie-du-Febvre.

Il faut dire que dans le cadre de son travail, Antoine Marçal a le plaisir de joindre deux facettes de sa personnalité qui font de ses pièces des œuvres complètes et uniques.

« J’ai un esprit analytique qui me porte à avoir de l’intérêt pour l’aspect technique et pratique des choses. D’un autre côté, mon esprit créatif trouve son compte dans la recherche des différents aciers qui composent mes œuvres ainsi que dans les traitements thermiques que j’applique. Sans compter toute la recherche relative à l’histoire des techniques anciennes», explique-t-il.

Dans son atelier, ce coutelier-forgeron fait tout de A à Z. Sur commande, il peut même produire son propre acier sinon il en choisit certains types, les coupe et les nettoie avec soin. Puis, il les soude, les forge et donne la forme générale du couteau. Ensuite, il s’applique à amincir le tout, il affine la forme, forge les biseaux et enfin, il passe au traitement thermique qui durcira l’acier. C’est là où celui-ci atteint sa dureté maximale, pour ensuite être réchauffé à une température moindre qui enlèvera de la dureté, mais ajoutera de la flexibilité, selon le type de lame en préparation. Viendront ensuite le nettoyage, le polissage, le montage de la lame, de la garde et du manche pour finalement procéder à l’aiguisage final. Toute la finition est réalisée à la main.

«L’acier retrouve ainsi un peu de cette nature à laquelle on l’a arraché. Les motifs créés rappellent le grain du bois et la fluidité de l’eau, deux éléments qui l’ont aidé à naître», poursuit le coutelier.

Les sources

Ses œuvres sont d’inspirations très différentes. «Je puise dans les sources historiques. Principalement dans l’Europe de l’âge du fer, au début du Moyen Âge. L’Asie aussi transparaît dans mon travail par ses lignes pures et originales. Je tente souvent d’intégrer les éléments de ces deux cultures et époques.»

Antoine Marçal explique que même dans les cas où il utilise des matériaux naturels, qui ne sont pas nécessairement nobles, comme du bois et du cuivre, ils le deviennent une fois travaillés. «Et dans certains cas, je peux laisser parler les matériaux bruts en encourageant leur vieillissement et ainsi, les laisser évoluer et peut-être même devenir encore plus beaux. »

Même s’il crée également des couteaux de collection ainsi que des épées, depuis environ un an et demi, l’artiste se concentre davantage sur les couteaux de cuisine. « La technique est difficile à acquérir et plus complexe. De plus, ce que j’aime, c’est que dès que j’en vends un, je peux obtenir du "feedback" de l’acheteur, car il l’utilise réellement. Ça me permet de me perfectionner et d’ajouter le petit plus qui fera de mon prochain couteau la Ferrari des couteaux de cuisine!», rit-il.

Une longue formation

Antoine Marçal a emprunté plusieurs chemins connexes à la forge avant de finalement trouver sa voie.

C’est en Colombie-Britannique qu’il a appris la base de son métier, notamment en étudiant pendant deux ans la forge ornementale dans la ville de Nelson, au Kootenay School of the Arts.

« J’ai rencontré des couteliers et aussi bizarre que cela puisse paraître, je n’avais jamais réalisé que derrière les couteaux, il y avait des artisans qui les produisaient. Le domaine m’avait intéressé, mais je croyais que c’était inaccessible comme objectif que de vivre de ce métier», dit-il.

Antoine a donc travaillé dans plusieurs entreprises de ferronnerie d’art où il confectionnait des rampes, des enseignes et des objets décoratifs. « Pendant ce temps, je montais tranquillement mon propre atelier ici même à Baie-du-Febvre, dans la maison familiale que mes parents ont achetée dans les années 1990.»

C’est à la suite d’une rencontre avec d’un coutelier français, Daniel Froidure, à l’Atelier Silex de Trois-Rivières, qu’il entrevoit sérieusement d’entamer la conception de couteaux à temps à plein.

Après cinq à six mois à exercer la coutellerie, il décide de se rendre au Salon international du couteau d’art de Thiers en France avec quelques unes de ses créations. «J’étais décidément très inconscient à l’époque! Je me suis inscrit et ce n’est que rendu là-bas que j’ai eu l’idée de consulter la liste des exposants qui étaient placés à côté de moi: trois des dix meilleurs couteliers du monde y étaient!», se rappelle-t-il.

Même que le renommé coutelier Henri Viallon a fait preuve d’une grande franchise. « Il m’avait énuméré tous les défauts de mes couteaux à l’époque! Ça avait été difficile à entendre, mais ses conseils ont peut-être été les plus précieux que j’aie reçus».

Ensuite, Antoine Marçal demeurera quatre mois en France pour aller à la rencontre de nombreux couteliers où il en apprendra beaucoup sur cet art.

«L’acier, malgré ses origines antiques et le coté magique, voire mystique, de sa naissance, n’est plus qu’un acteur anonyme de nos vies. Je tente de faire en sorte que cet acier autrefois si convoité, conçu au sein de la terre et mis au monde par l’homme et le feu, retrouve la fascination qu’il a exercée», conclut-il.

En plus des salons auxquels il participe à travers le monde, le coutelier-forgeron Antoine Marçal vend ses couteaux faits à la main par le biais de son site web www.antoinemarcal.wordpress.com et également à la boutique L’Émouleur, située à Montréal.