Perdre un enfant et continuer de vivre

Perdre un enfant peut s’avérer une des pires épreuves. Deux choix s’offrent alors aux parents: s’écraser de douleur ou continuer de vivre, comme la Française Anne-Dauphine Julliand.

Son histoire et celle de son mari Loïc est désormais mondialement connue.

Sa fille Thaïs est décédée en bas âge d’une maladie génétique orpheline. Sa seconde fille, Azylis, 6 ans, avait de grandes chances d’être atteinte de la même maladie, ce qui s’est produit. Le couple ne sait pas encore ce qui adviendra d’Azylis, handicapée moteur, mais il garde une grande joie de vivre grâce à un amour inconditionnel et la présence de leurs deux garçons en pleine santé, Gaspard, 10 ans, et Arthur, 3 ans, né pourtant après ses deux sœurs. Un miracle que cet Arthur, que plusieurs femmes n’auraient même pas osé enfanter…

Anne-Dauphine Julliand était à Montréal cette semaine pour promouvoir son témoignage, publié aux Éditions Transcontinental sous le titre Deux petits pas sur le sable mouillé. Un livre-choc authentique relatant la vie familiale depuis que la mère de Thaïs a remarqué qu’elle marchait avec un pied pointant vers l’extérieur. Un jour normal, à la plage.

Là où plusieurs se seraient effondrés, Anne-Dauphine et Loïc et leurs enfants ont préféré avancer et profiter de chaque moment. C’est un peu ce message qu’elle désire léguer en partageant ouvertement son expérience de vie.

«On a décidé de vivre par amour pour elle et ne pas mettre notre vie en parenthèse en lui disant "on aura du plaisir quand tu ne seras plus là". On a arrêté notre travail tout au long de la maladie en essayant d’avoir la vie la plus normale possible, explique Anne-Dauphine. Mais il faut vraiment se décider, ça nous a coûté! On a dû se décider à la faire garder, à sortir quand même, apprendre à lâcher prise. Je me suis dit que si je voulais avoir une vie après la mort de Thaïs, je devais continuer à vivre.»

Pourtant, elle aurait eu toutes les excuses valables d’abandonner. Surtout que les médecins ont bien choisi leur moment pour annoncer la terrible nouvelle: «Ils nous l’ont dit à l’anniversaire de Thaïs. J’ai trouvé ça cruel de leur part au début, mais ça nous a sauvés car ça nous a montré un chemin. Après l’avoir appris, nous l’avons annoncé tout de suite aux enfants et Thaïs était soulagée car elle savait enfin ce qu’elle avait. Nous pleurions tous pendant que nous leur apprenions, mais après, mon fils Gaspard a dit que nous fêterions Thaïs quand même.»

Ce qu’ils firent, le cœur dans l’eau, mais avec la volonté de faire plaisir à leur fille. «Le fait d’avoir réussi à fêter durant cette journée horrible, une des pires de ma vie, nous a donné du bonheur. Le lendemain, quand le cauchemar est réapparu, on s’est souvenu de ce bonheur avec lequel nous étions capables de vivre.»

Une leçon de courage

L’histoire d’Anne-Dauphine et Loïc n’est pas unique, mais elle inspire tout de même. Des milliers de lecteurs leur ont envoyé des messages. «Ceux qui m’émeuvent le plus, avoue-t-elle, sont ceux de gens lambda avec des enfants en santé qui me disent que leur vision de la vie a changé. On projette toujours nos enfants plus tard, on a des attentes. Mais il faut surtout vivre aujourd’hui avec eux, tout en préparant leur avenir bien sûr.»

«Tout cela me permet de croire qu’on peut être heureux tout en ayant une vie difficile. Aujourd’hui, je suis une femme heureuse et endeuillée, mais ce n’est pas incompatible.»

Anne-Dauphine sait bien que la force qu’elle et son mari ont puisée dans le positivisme et l’amour de leurs enfants ne peut coller à tous. Mais elle préfère penser que nous avons tous le potentiel pour. «Souvent, nous sommes accablés par une épreuve, mais on arrive toujours à se remettre debout. Il faut oser essayer, c’est possible! Il faut y croire!», lance-t-elle.

La preuve: le couple ne s’est pas empêché d’avoir d’autres enfants malgré la maladie de Thaïs. «Les médecins nous ont respecté dans notre choix, car ça s’inscrivait dans une lignée de bonheur. C’était une folie d’amour», glisse-t-elle en parlant de son mari, sa plus grande fierté. Leur couple est plus solide que jamais!

Et même si la maladie pointe toujours son museau pour déranger la quiétude familiale, le sourire ne disparaît jamais du visage des quatre qui ont survécu au départ de Thaïs.

Anne Dauphine 1