Ne pas avoir d’enfant: choix ou évidence?
DÉCISION. Des données de Statistiques Canada démontrent qu’entre 2001 et 2011, il y a eu une légère augmentation (1,5%) du nombre de couples sans enfant. TC Media a voulu mettre en lumière des femmes qui ont fait le choix de renoncer à l’expérience de la maternité, ou plutôt, pour qui ce besoin ne s’est jamais fait sentir.
D’abord, le sociologue Stéphane Roy explique pourquoi des gens ont parfois un regard suspicieux envers ceux qui choisissent de ne pas avoir d’enfant.
«À la base, je pense que c’est dans notre inconscient collectif. C’est un peu associé aux valeurs judéo-chrétiennes où le curé disait qu’il faut des enfants pour peupler une communauté. Cela peut expliquer pourquoi une partie de la population regarde d’un œil interrogateur les couples qui ne veulent pas d’enfant.»
Pour certaines femmes, la décision est claire depuis longtemps et elles n’ont aucun souvenir d’avoir un jour voulu être mère. C’est le cas de Myrian Grondin.
«Même quand j’étais petite, je ne jouais pas à la poupée ou à la maman. Je disais que je ne voulais pas d’enfant, mais je me disais qu’un jour, au bon moment, je changerais peut-être d’idée, se souvient-elle. Mais il y a 10 ans, quand ma sœur a eu son premier enfant, ça m’a vraiment confirmé que je ne m’imaginais pas être mère.»
Même son de cloche du côté de Carlynn Cartier et Jennifer Poulin-Gallant.
«Pour moi, ç’a toujours été clair; je n’ai aucune attirance envers les enfants et à 28 ans aujourd’hui, c’est évident que ça n’arrivera jamais», indique la première. «C’est simple: je n’ai jamais voulu d’enfant. Ce n’est même pas une histoire en soi! Il n’y a pas de divine révélation ni d’illumination soudaine; simplement une absence totale de désir d’enfant(s)», renchérit la seconde.
«On dit que j’ai fait le choix de ne pas avoir d’enfant, mais en fait, ça s’est fait naturellement; au même titre que celles qui veulent. Elles le savent généralement depuis toujours et ça va de soi, affirme pour sa part Nadia Poulin, enseignante au primaire. Ce n’est pas parce que je n’ai pas d’enfants que je ne les aime pas! Au contraire, je les aime beaucoup, je passe mes semaines avec eux, alors je ne suis pas en manque d’enfants.»
Aspect fondamental
Comme il s’agit d’un point non-négociable, les quatre femmes mettent cartes sur table dès le départ lors de rencontres avec des prétendants. «J’ai mis mes attentes dès le début. J’ai maintenant mon conjoint depuis presque 7 ans et c’était clair dès le départ. Plus le temps passe, plus on ne sent pas qu’il nous manque quelque chose. On est heureux comme ça, indique Myrian. Selon moi, la question des enfants est primordiale. C’est quasiment plus central que de savoir ce que l’autre fait dans la vie!»
«Pour ma part, je suis en couple avec mon conjoint depuis 5 ans. Comme nous étions amis depuis longtemps avant d’être en couple, nous connaissions l’avis de l’autre sur la question et ce fut remis sur la table dès le début de notre relation; c’est-à-dire pas d’enfant et avortement si un accident devait se produire», soutient Jennifer.
De son côté, Nadia a aussi joué franc jeu dès le départ lorsqu’elle a rencontré son conjoint actuel. «Je pense que tu n’as pas le choix de faire ça parce que sinon, c’est ton projet de vie qui tombe à l’eau», croit celle qui a tout de même pris la décision de poursuivre sa relation avec celui qui avait des enfants.
Pression sociale
Il serait facile de croire que les femmes qui ne veulent pas d’enfant subissent une pression de la part de leurs proches. Or, étrangement, c’est plutôt l’inverse qui se produit, c’est-à-dire que ce sont des «connaissances» qui se permettent de juger leur choix.
«Tu ne sais pas ce que tu manques», «Tu passes à côté de quelque chose», «Tu ne sauras jamais ce qu’est aimer réellement», «Tu ne connaîtras jamais le vrai bonheur», «Une femme n’est pas tout à fait une femme si elle n’est pas mère». «Tu es une femme, tu DOIS avoir des enfants»: voilà autant de phrases auxquelles elles ont droit.
«Je trouve cela insultant et beaucoup de conversations se sont terminées dans un silence gêné», maintient Jennifer.
«Certains me disent que je vais mourir toute seule, pas entourée. Ce n’est peut-être pas faux, mais je ne ferai pas des enfants uniquement pour ne pas mourir seule. Ce serait égoïste d’agir de la sorte. Honnêtement, je ne ressens pas qu’il me manque quelque chose et je ne vois pas en quoi un enfant changerait positivement ma vie», déclare Myrian Grondin, âgée de 35 ans.
Du côté de leurs parents, les femmes affirment qu’elles ont parfois senti une petite déception de leur part, sur le coup, mais qu’en général, ils comprennent et respectent leur choix de vie.
Avantages
Les femmes interrogées par TC Media apprécient la liberté que leur apporte le fait de ne pas être maman.
«Ce que j’apprécie de ma situation, c’est d’être maître de mon temps, avoue Myrian. Par exemple, lorsque des activités s’organisent à la dernière minute, je suis pratiquement toujours disponible, car je n’ai pas d’enfant à aller chercher à la garderie. L’aspect financier est aussi intéressant: cela nous permet d’utiliser notre argent pour nous, entre autres pour voyager.» Ce point de vue est aussi partagé par Nadia.
Carlynn, elle, ne se voyait pas mettre sa carrière de camionneuse en veilleuse pour mettre au monde et s’occuper d’un enfant. «Je me considère comme une femme de tête et de carrière et j’apprécie ma liberté de faire ce que je veux, quand je veux et avec qui je veux», soutient-elle, ajoutant que l’aspect monétaire constitue également une motivation.
Enfin, le professeur de sociologie au Collège Laflèche soutient que «la maternité n’est pas la seule manière pour une femme de se définir.» Il admet que la femme peut se réaliser à travers d’autres sphères de sa vie, comme la carrière, les voyages ou le couple.