Le temps des assassins

Quand j’ai atteint le mitan de ma vie, vers l’an deux mille, je tournais ma pensée vers l’avenir en me disant que je n’avais encore rien vu. Je ne me trompais pas. Nous traversons présentement la période la plus pourrie de mes soixante-douze années d’existence. Dans Nicolet-Yamaska, on vient d’assassiner la culture d’un trait de crayon!

Je suis entré au service de la correction des épreuves du Nouvelliste au moment où débutait la campagne électorale de juin 1960. Premier emploi! Le Québec se remettait au monde. Avec des bas et surtout des hauts, nous avons bâti ensemble le modèle québécois d’une société moderne, sous la gouverne du parti libéral du Québec de ces années-là. Cinquante-quatre ans plus tard, ce sont d’autres libéraux qui sont en train de détruire tout ce que nous avons construit ensemble.

Jamais je n’aurais imaginé que j’assisterais à la destruction de la culture québécoise par les desccendants libéraux de ceux qui nous avaient doté des institutions culturelles qui ont fait la vigueur et la spécificité de la société québécoise, du moins de ce qu’il en reste.

Je suis bien prêt à reconnaître que nous avons peut-être collectivement dépensé au-delà de nos moyens. Cela se produit pour les individus comme pour les sociétés. J’admets que des resserrements budgétaires pouvaient être nécessaires. Mais fallait-il, pour réharmoniser les colonnes des revenus et dépenses, démolir la maison jusqu’à la dernière brique? Tout nus dans la rue!

Non mais, sont-ils fous ces libéraux! Georges-Émile Lapalme, le père de la culture québécoise moderne, doit se retourner dans sa tombe! Laurent-Olivier David, l’ancêtre de l’actuelle ministre libérale de la culture, lui-même porteur de la culture en son temps, doit souffrir en voyant son nom associé à cette entreprise de destruction! Et tous les grands ministres libéraux de la culture à leur suite! Car la culture, c’est l’âme d’un peuple, et un peuple sans âme, ça commence à ressembler dangereusement à ce que nous présentent certaines annonces publicitaires à la télévision.

Démolir la cabane en plein hiver! Car c’est l’hiver depuis un sacré bout de temps dans ce qui ne sera jamais un pays normal! Le temps s’est accéléré depuis une couple de dizaines d’années. Nous sommes entrés dans l’ère du paraître. Pas la peine d’être beau ni intelligent, il suffit d’attirer l’attention! Exit le sens et la résonnance. Vigneault, Léveillée et les autres sont devenus des figures archaïques. Sur les réseaux sociaux, chacun brandit sa massue pour attirer les regards sur soi. 

Au moment où nous aurions plus que jamais besoin de la culture pour nous empêcher de basculer dans la barbarie, ses fossoyeurs sont à l’oeuvre. Allons-nous nous laisser enterrer vivants?

Pour ma part, je veux bien mourir de mort naturelle, puisqu’on ne peut faire autrement, mais je refuse que les libéraux des années 2014-2015 m’assassinent la culture!

Ça commence à faire!

Louis Caron

Écrivain

Nicolet