L’art de recréer la réalité

JEU. Martin et sa conjointe Maude sont accusés de vol qualifié et de violation de domicile. Les événements se sont produits un soir, dans la ville de Laviolette. Le couple doit maintenant être interrogé par des enquêteurs.

Vous y avez cru? Tant mieux! Cela démontre à quel point les scénarios élaborés par l’École nationale de police du Québec (ENPQ), à Nicolet, sont crédibles et réalistes. Par exemple, dans le cas présent, Martin et Maude sont des personnages interprétés par des comédiens engagés par l’ENPQ, alors que les enquêteurs sont de vrais policiers actifs qui sont en formation pour se perfectionner dans le domaine de l’enquête policière, pour un jour occuper un poste d’enquêteur.

Que ce soit en enquête ou en patrouille-gendarmerie, les scénarios sont tous conçus conjointement entre les formateurs et le responsable des comédiens. À l’ENPQ, on compte plus de 680 mises en situation, qui couvrent divers créneaux. Par exemple, environ 18 scénarios sont proposés pour la formation en enquête seulement.

Il faut dire que le travail des comédiens représente 85% de la formation donnée à l’École. Généralement, l’intervention du personnel comédien survient dans les sorties policières où l’apprenant est en situation de manifester de façon intégrée l’ensemble des éléments de la compétence ou des compétences visées.

Les responsables s’assurent que les canevas soient complets, pour permettre aux policiers et aux aspirants d’oublier qu’ils sont à l’école, en présence d’acteurs, parfois filmés, etc., et ce, sans oublier qu’on doit composer avec différents types de personnalités. Les mises en situation demandent de la préparation et des rencontres d’ajustement sont parfois nécessaires pour bien construire les scénarios.

Le personnel comédien campe différents personnages et interagit en fonction d’objectifs pédagogiques afin de permettre aux apprenants d’intervenir de façon professionnelle tout en gérant une charge émotive. Leurs performances et l’exercice de rétroaction qui s’ensuit contribuent grandement à la qualité de la formation. Soulignons toutefois que les comédiens font leur rétroaction avec un responsable de la formation, et non pas en présence des policiers.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que les comédiens et les policiers ne se croisent pas ou peu en-dehors des mises en situation, afin de ne pas fausser leur perception, notamment quand il s’agit de futurs enquêteurs qui doivent garder leur esprit complètement neutre. «On garde ce qu’on appelle une «distance administrative». On conserve une relation courtoise entre les deux parties, mais sans plus», explique Patrick Lacombe, chargé de l’encadrement artistique des comédiens à l’ENPQ.

Dans tous les cas, l’ENPQ demande aux comédiens de rester vrais et authentiques. Ils ont une bonne latitude pour faire leur travail.

Être crédible en tout temps

Dans le cas d’une simulation d’interrogatoire, l’intervention est d’environ 1h30 et le jeu du comédien doit être constant pendant toute cette période. «Ils doivent vraiment rentrer dans le personnage pour le camper parfaitement du début à la fin. On mise beaucoup sur l’authenticité. Le comédien doit se préparer le film de la vérité; il ne doit pas préparer de mensonges à l’avance, soutient M. Lacombe. Il est également très important de contrôler son langage non-verbal, parce que sinon, ça risque d’envoyer les enquêteurs sur une fausse piste.»

Soulignons que les comédiens qui participent à ce genre d’intervention ont une formation pour bien comprendre les méthodes d’enquête, ce qui leur permet d’avoir l’attitude et le comportement adéquats.

«Les dialogues ne sont pas écrits, précise Patrick Lacombe. On ne peut pas anticiper les questions de l’enquêteur. Les comédiens doivent donc connaître le profil de leur personnage sur le bout des doigts. Il faut bien comprendre que les comédiens ne sont pas là pour piéger les policiers en formation.»

Aspect pédagogique

Les simulations d’enquête ne sont pas simples, ni pour les comédiens, ni pour les enquêteurs. Par contre, la ligne pédagogique est ce qui prime en tout temps, dans la simulation d’enquête comme dans les autres créneaux. C’est pourquoi les comédiens doivent être familiers et connaître la grille d’évaluation. «On priorise toujours l’aspect pédagogique. C’est pourquoi il faut avoir une bonne connaissance des éléments. On doit démontrer des méthodes, des attitudes et des comportements, évoque M. Lacombe. C’est l’une des raisons pour laquelle le travail préparatoire est important.»

De son côté, Sylvain Beauchesne, coordonnateur de la formation en enquête criminelle, estime que les comédiens doivent démontrer les malaises, et le faire au bon moment. «Le jeu des comédiens est très important et doit être extrêmement subtil. Il doit absolument avoir une cohérence entre le verbal et le non-verbal, sans compter que les silences sont essentiels. L’acteur doit pouvoir les contrôler», exprime-t-il.