La tragédie de Nicolet, 10 ans plus tard

J’étais vicaire à Nicolet, le 16 mars 2000, quand huit enfants ont péri dans un accident de la route. Ce que j’ai à dire, à dix ans de distance, se résume à ceci :

D’abord, que je porte encore dans mon coeur les familles endeuillées. J’ai eu le privilège d’être proche d’elles dans les semaines qui ont suivi l’accident. Puis, j’ai quitté la région au 31 juillet suivant pour un temps d’études déjà planifié.

 

Depuis mon retour, deux ans plus tard, j’ai revu à l’occasion l’un ou l’autre des parents. Certains, pas du tout. Nos routes avaient pris naturellement des directions différentes. Et puis mon engagement comme prêtre était désormais au niveau diocésain.

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Je retiens, de ce 16 mars 2000, que c’était un matin où le soleil promettait le printemps. Une journée de cabane à sucre. Personne à Nicolet ne pensait qu’un malheur allait arriver. C’était sans doute un peu comme en novembre 1955, quelques minutes avant l’éboulis.

 

Je me souviens aussi qu’il y eut pas mal de projecteurs sur Nicolet durant un moment. Les familles n’en demandaient pas tant. Elles ont exprimé leur besoin de vivre leur peine plus à l’écart et j’ai contribué, avec d’autres, à les aider à retrouver leur intimité.

 

Je me souviens de la générosité de Nicolétains et de personnes d’ailleurs. Conscients de l’irremplaçable, ils ont fait tout ce qu’ils ont pu pour apporter un peu de réconfort aux parents. Je me souviens de leur gros bon sens aussi : ils ont vite saisi qu’il n’y avait personne à accuser, que des coeurs à consoler.

 

Je me souviens d’une question : Y avait-il un « bon Dieu » à Nicolet ce jour-là? Elle a été déclinée de maintes façons. Et sa réponse surtout, oscillant entre deux absurdités : celle du vide absolu et celle d’un potentat cruel qui décide de notre vie et de notre mort.

 

Les affirmations toutes faites et peu aidantes, je crois que j’ai appris à les transformer en questions porteuses de sens. Pour moi, Dieu était là, mais il fallait le chercher non pas dans le malheur mais dans les solidarités, les bons mots, les prières, le soutien psychologique, l’amitié. Et je peux témoigner qu’il y eut de tout ça à profusion, souvent dans la plus grande discrétion. À vous, parents de Frédérique, Viviane, Stacy, Kévin, Karl, Laurence, Léane et Samuel, à toi Jeanne, qui étais à la fois la gardienne de ces enfants et la maman de ce dernier, je veux dire que c’est par la prière que je me ferai proche de vous cette année. Comme je l’ai fait les années passées et comme je compte le faire encore.

 

On a souvent dit, par maladresse, que Dieu était venu se chercher des petits anges ce matin-là. Ces propos terribles ont eu le mérite d’amener ma foi ailleurs. Je crois qu’en ce jour de malheur, Dieu a accueilli et béni vos enfants, comme vous l’auriez fait vous-mêmes. Je crois aussi qu’il a pleuré avec vous. Je crois enfin qu’il a su, avec tendresse, leur donner la grâce de prendre soin de vous chaque fois que vous avez eu le coeur gros. Et je lui demande de le faire encore. Votre petit frère,

 

Robert Richard, prêtre, Diocèse de Nicolet