Hydrocarbures: les écologistes de la MRC de Bécancour se font entendre

ENVIRONNEMENT. Une vingtaine de citoyens opposés à l’exploitation des hydrocarbures se sont présentés mercredi soir au conseil des maires de la MRC de Bécancour, pour faire part de leurs inquiétudes face au projet de loi 106 sur les hydrocarbures, qui réglementera l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste.

Selon eux, si cette loi entre en vigueur, elle donnera des droits sans précédent aux compagnies pétrolières gazières. «Ce projet de loi sur les hydrocarbures leur donne le droit d’exproprier les résidents, de pratiquer la fracturation hydraulique, d’exploiter sur des sites géologiques exceptionnels, ainsi que de forer à 400 mètres sous l’aquifère et à 500 mètres d’un puits», expriment-ils.

Du nombre, le consultant en environnement Serge Fortier a qualifié le projet de loi d’«alarmant». Il a également déploré le fait que ce sont des citoyens vigilants qui informent les élus municipaux de ce projet de loi gouvernemental…déposé le 7 juin. «On dirait que le gouvernement a profité de l’arrivée de la pause estivale pour déposer ce projet de loi à quelques heures des vacances; essayant de nous passer cela sous le nez», a lancé celui qui lutte contre l’implantation de l’industrie des gaz de schiste depuis plusieurs années.

Parmi les préoccupations énoncées, il a entre autres évoqué la question d’expropriation. «On a vraiment peur. Des agriculteurs ont peur d’agrandir leur ferme, car ils pourraient se faire exproprier. C’est une grosse responsabilité pour les 50 ans à venir, clame M. Fortier. Pour l’avenir des jeunes familles, on doit être fier d’avoir pris la bonne décision.»

Cet aspect inquiète aussi Jocelyn Dubois, un producteur de lait de chèvre de Manseau. «L’expropriation me fait peur. Ça donne le sentiment qu’on n’est plus chez nous. Avant, avec l’ancienne loi des mines, on pouvait dire non et refuser qu’ils sondent notre terrain, se souvient-il. Cette fois-ci, la loi nous obligerait à s’entendre avec les pétrolières.»

Il a aussi profité de l’occasion pour mettre les élus au fait de l’article 55 du projet de loi, qui énonce que «Lorsque la licence est attribuée à l’égard d’une terre privée ou louée par l’État, le titulaire obtient l’autorisation écrite du propriétaire ou du locataire au moins 30 jours avant d’y accéder ou peut acquérir de gré à gré tout droit réel ou bien nécessaire pour accéder au territoire et y exécuter ses travaux. […] Lorsque la licence se trouve sur le territoire d’une municipalité locale, le titulaire avise cette dernière des travaux qui seront exécutés au moins 30 jours avant le début de ces travaux.»

D’autres citoyens ont manifesté leurs inquiétudes au sujet de la qualité de l’eau potable pendant la phase d’exploration. «Ici, on a une eau de très bonne qualité. C’est important de la protéger du mieux qu’on peut. On ne peut pas laisser les compagnies s’enrichir sur le dos de nos ressources», a laissé entendre Jérémie Lafleur, de Parisville.

Nicole Racine, de Bécancour, a pour sa part dénoncé le fait que plusieurs notions ne sont pas claires et définies dans le projet de loi, tandis que Jean-Pierre Leduc a soulevé la question de responsabilité. «On comprend que si les travaux des compagnies gazières causent des dommages au terrain ou des problèmes d’eau, les pétrolières s’en lavent les mains. Elles se sont taillé une loi sur mesure pour faire ce qu’elles veulent», a-t-il affirmé.

Enfin, Serge Fortier avance que dans son projet de loi, «le gouvernement fait confiance à l’autorégulation de l’industrie».

«Même si les avis d’experts se contredisent parfois sur certains points, tous s’entendent pour dire que le projet de loi donne le droit de fracturation hydraulique. C’est l’élément le plus important, alors c’est la principale question qu’il faut se poser», conclut-il.

La MRC étudie le dossier

À l’instar du maire de Bécancour, le préfet de la MRC a mentionné que les élus doivent d’abord prendre connaissance du projet de loi 106. «La MRC n’a pas à prendre de décision à ce moment-ci. Il faut premièrement prendre le temps de regarder le projet de loi. À entendre les citoyens, il y a clairement des questions à se poser. On va voir l’opinion de nos gens qui sont spécialisés là-dedans, a commenté Mario Lyonnais. Mais le message des écologistes est clair et les échanges entre les parties sont bons.»

Il ajoute que la Fédération québécoise des municipalités (FMQ) est déjà sur le dossier, et que l’Union des municipalités du Québec (UMQ) risque de s’y mettre très prochainement. M. Lyonnais a démontré une ouverture à organiser une rencontre sur le sujet si les craintes des citoyens persistent.

«C’est un document alarmiste et inquiétant. Je sens que le gouvernement veut agir rapidement. Il aurait été préférable d’avoir plus de consultation du milieu municipal sur cette question. C’est très technique et ça prend des experts pour nous éclairer», a renchéri le maire de Saint-Pierre-les-Becquets, Yves Tousignant.

Rappelons qu’en 2010, les groupes environnementalistes avaient mené une campagne pour empêcher l’exploration du gaz de schiste dans la MRC de Bécancour.

Rencontre d’information

Le Regroupement vigilance Hydrocarbures Québec invite la population à assister à la conférence «Êtes-vous chez vous?» le mardi 26 juillet, à 19h, au sous-sol de la Basilique du Cap (626, rue Notre-Dame Est, Trois-Rivières). Seront présents sur place le juriste Richard Langelier et le biophysicien Marc Brullemans.

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