Gaz de schiste: l’industrie contre-attaque
ANALYSE. Après avoir essuyé plusieurs revers au cours des dernières années au Québec, l’industrie gazière regarde avec intérêt ce qui se passe du côté des États-Unis, où ils ont remporté une première manche.
Il faut dire que les compagnies gazières ont payé plusieurs millions de dollars pour s’implanter dans la région au cours des dernières années, et se retrouvent jusqu’ici sans retour sur l’investissement.
Au début du mois, l’Agence de protection environnementale des États-Unis leur a donné un «coup de main» en leur donnant quelques arguments. L’Environnemental Protection Agency (EPA) a en effet conclu qu’elle ne peut pas démontrer que les mécanismes les plus répandus causent des impacts systématiques aux ressources en eau potable, le principal cheval de bataille des activistes.
L’EPA reconnaît tout de même que quelques cas spécifiques ont engendré des impacts, dont la contamination de l’eau potable, mais que le «nombre de cas identifiés est cependant petit en comparaison au nombre de puits fracturés de façon hydraulique».
L’étude de l’EPA s’est échelonnée sur une période de cinq ans et elle s’est appuyée sur les résultats de 17 projets de recherches d’envergure qui ont mené à la publication de 20 articles scientifiques.
«Elle constitue, de loin, l’examen le plus complet sur la question», a fait valoir Vincent Perron, conseiller principal aux affaires réglementaires et relations avec les intervenants chez Talisman Energie, une société qui a creusé environ le tiers de puits au Québec, dont deux à Gentilly, un à Fortierville, La Visitation, Saint-François-du-Lac et Sainte-Gertrude, avant de devoir cesser ces activités dans la Vallée du Saint-Laurent.
La publication de l’étude de l’EPA a déjà eu des impacts concrets aux États-Unis. Avec une autre baisse de 16%, le prix du gaz naturel n’a jamais été aussi bas aux États-Unis, rendant l’industrie manufacturière américaine encore plus compétitive.
Les tenants du développement du gaz de schiste au Québec ont aussi pu compter sur une note économique rédigée par Youri Chassin de l’institut économique de Montréal (IEDM), un organisme de recherche et d’éducation, qui se veut indépendant, non partisan et sans but lucratif, et qui cherche à alimenter les débats publics.
La note intitulée «les oubliés du gaz de schiste», à laquelle ont participé René Bérubé et Guy St-Pierre, deux personnalités de la Rive-Sud, fait valoir que les agriculteurs rateraient «une occasion en or», puisqu’ils «voient d’importantes sommes leur échapper, alors que ces revenus assureraient l’avenir de leurs fermes pour de nombreuses années».
En Alberta, où l’industrie est implantée depuis de nombreuses années, les compensations offertes aux propriétaires, pour chaque puits, s’élèveraient entre 2000$ à 3500$ sur des terres sèches ou des pâturages, et ce montant grimperait entre 4000$ à 7500$ dans les terres irriguées.
Ces compensations, renégociées aux cinq ans, dureraient entre 10 et 40 ans. Elles compenseraient souvent pour une acre entière, et ce, même si l’espace clôturé autour de la tête du puits ne fait que 16 pieds par 16 pieds.
La note fait aussi valoir que le traitement des eaux usées utilisées pour la fracturation peut représenter des sommes intéressantes pour les municipalités. Par exemple, un seul contrat avait représenté 15 000 $ à Huntingdon, où le maire Stéphane Gendron estime à 600 000 $ par année les revenus qui auraient pu s’ajouter à son budget.
Pas un chèque en blanc
Plusieurs voix se sont aussi élevées depuis la publication de l’étude de l’Environnemental Protection Agency (EPA) pour lui faire dire le contraire, et rappeler l’importance de rester vigilant par rapport à cette industrie.
C’est que si elle admet que les cas contaminations des eaux sont rares aux États-Unis, où environ 25 000 à 30 000 nouveaux puits par années ont été creusés entre 2011 et 2014, l’EPA est toutefois loin de signer un chèque en blanc à l’industrie.
Dans son étude rendue publique il y a quelques semaines, l’Agence reconnaît du même souffle que les activités de fracturation hydraulique, dans certaines conditions, peuvent polluer les ressources en eau potable.
Parmi celles-ci, l’EPA note les prélèvements d’eau à une période, ou dans une région, où les ressources en eau sont basses; les déversements de fluides; la fracturation directement dans les nappes d’eau souterraines; la migration des liquides et des gaz dans le sous-sol; et le traitement inadéquat des eaux usées.
Les sources de contamination proviennent parfois d’autres facteurs que la fracturation hydraulique, souligne toutefois l’EPA. Parmi celles-ci, l’étude énumère une insuffisance de données sur la qualité de l’eau avant et après les opérations, un manque d’études systématiques à long terme, la présence d’autres sources de contamination déjà présentes et l’inaccessibilité de l’information sur les activités de la fracturation hydraulique et de ses impacts potentiels.
Une autre étude beaucoup plus alarmante a été publiée par Environmental Science & Technology, deux semaines après celle de l’EPA, dans laquelle les auteurs affirment que l’eau potable à proximité des points de fracturations serait plus chimique et cancérigène.
C’est à cette conclusion qu’arrivent les auteurs après que des analyses aient été prises sur les aquifères à proximité de 550 sites où il y a eu de la fracturation hydraulique dans la région de Dallas.
Selon ce que rapporte InsideClimate News, des composantes volatiles telles que du benzène, qui est cancérigène, et d’autres polluants qui peuvent endommager le système nerveux (toluen, ethulbenzene et xylène), ont été retrouvés près des deux tiers des sites. Un solvant industriel appelé dichloromethane, ou DCM, a aussi été observé à proximité de 20% des puits.
Sébastien Lacroix sur Twitter: @Sebas_Lacroix