«D’une grossièreté et d’une vulgarité épouvantable»
Djemila Benhabib n’en démord pas : l’exposition «Et voilà!» présentée au Musée des religions du monde de Nicolet et qui montre le voile islamique sous diverses formes est «d’une grossièreté et d’une vulgarité épouvantable».
Ayant critiqué l’exposition plus tôt cette semaine, la qualifiant de «propagandiste», l’ancienne candidate péquiste aux dernières élections provinciales n’a pas changé son fusil d’épaule.
«Je trouve que ça ne dit pas grand-chose sur ce que le voile représente. Il faut aller bien au-delà de cette vision superficielle pour comprendre la complexité historique derrière tout ça», dénonce-t-elle.
Pour Mme Benhabib, l’exposition est incomplète.
«Ce qu’il manque? Plein de choses. Il y a plein de corrections à faire, des mensonges sont étayés un peu partout. Il y a des choses qui mériteraient d’être corrigées. Il faut arrêter de faire le raccourci que le voile islamique est une prescription religieuse»
«Le voile, c’est une question de pudeur et de modestie. Dans l’outil publicitaire déployé ici, je n’en ai pas vu beaucoup. Les jeunes femmes de la pub sont toujours maquillées, avec des couleurs, des tissus et autres. Que chacun ait sa morale, c’est correct, mais je n’ai pas de leçon à recevoir sur la morale ou la pudeur, surtout propagée avec des fonds publics. Ça, je n’accepte pas», affirme-t-elle, d’un ton ferme.
Le musée, pas la place pour apprendre sur le voile
Djemila Benhabib estime par ailleurs que le Musée des religions, dans ce cas-ci, n’est pas l’endroit idéal pour le néophyte qui souhaite en apprendre davantage sur le port du voile.
«Ce n’est pas du tout la place pour ça. Pour comprendre le port du voile, on doit avoir un minimum de sensibilité à l’égard des femmes, nonobstant les facteurs comme la chaleur ou l’humidité dans tout ça. Personne ne me fera croire que c’est agréable de porter le voile, contrairement à ce que l’on montre ici».
«On donne une image erronée du monde musulman, comme si cette image de voile islamique était totalement acceptée, ce qui n’est pas vrai. Beaucoup de musulmans se battent contre ça et où sont les femmes qui ont été des victimes de tout ça?», s’interroge-t-elle.
«On est dans une superficialité, on pense nous en passer une petite vite parce qu’on a choisi des femmes avec des plumes, des couleurs alors que moi, je préfère analyser le monde avec lucidité et réalisme».
Bouleversée
Lors de la visite, on a pu voir une Djemila Benhabib ébranlée, yeux rougis, larme à l’œil.
«J’étais bouleversée pendant la visite, parce que de connaître des femmes qui subissent des violences, se battent, sont méprisées, sont obligées au quotidien et doivent se conduire, de quelle façon elles doivent être. Ce n’est pas digne d’elles et ça me blesse toujours».
Et elle n’est pas tendre à l’endroit des femmes qui ont accepté de participer à l’exposition.
«Les femmes qui font cette propagande-là manquent de sensibilité et de solidarité. C’est blessant qu’on puisse fermer les yeux et dire "non non, ne parlons pas de la réalité du Québec". Pourquoi? Ont-elles peur qu’on parle du reste du monde? D’un côté, on nous demande de l’ouverture et de l’autre, on se restreint au Québec», soutient-elle.
«Les femmes devraient enlever leur voile. Ce serait un signe d’ouverture par rapport à leur société d’accueil qu’est le Québec et ce serait un gage de respect envers les combats menés par les femmes d’ici», laisse-t-elle entendre, en guise de conclusion.