Domaine du Clos de l’Isle : une réputation qui ne cesse de croître

Après son vin blanc Fine Fleur, en 2011, le vignoble bécancourois Domaine du Clos de l’Isle a remporté, cette année, une deuxième médaille d’or à la prestigieuse Coupe des nations, cette fois pour son exceptionnel vin rouge Clos Notre-Dame. Une réussite d’autant plus impressionnante qu’au moment de commencer à cultiver la vigne sur son terrain de Sainte-Angèle-de-Laval, il y a une dizaine d’années, le propriétaire du vignoble, Daniel Harrisson, ne connaissait absolument rien à la production du vin…

«Après avoir démarré une pépinière devenue progressivement une référence canadienne dans la production et la reproduction de pivoines, de hostas et d’hémérocalles (ndlr : il a notamment créé quelque 353 plans d’hémérocalles enregistrés à l’American hemerocallis Society!), j’ai voulu me lancer en parallèle dans la production de petits fruits, raconte-t-il. Parmi toutes les options envisagées, j’ai opté pour la vigne en raison des défis particuliers qu’offrent à la fois sa culture et le processus de vinification.»

Désireux de savoir rapidement s’il saura bien maîtriser cet art, Daniel Harrisson entame une formation à l’Institut de Technologie Alimentaire, à Saint-Hyacinthe. Cette expérience le rassurera sur ses capacités, en plus de consolider sa passion naissante pour la vigne et le vin, et lui permettre de rencontrer des gens compétents qui joueront éventuellement un rôle déterminant dans son entreprise…

«C’est notamment le cas d’un professeur – oenologue de grande expérience – ayant accepté, au départ, de venir évaluer la qualité de mes terres en compagnie d’un spécialiste reconnu en sols. Or, non seulement les résultats s’étaient avérés très concluants, mais ce professeur est devenu un allié important qui peaufine encore aujourd’hui ma formation en vinification.»

S’entourer des meilleurs

Pour Daniel Harrisson, ce réflexe de s’entourer des meilleurs spécialistes pour relever avec succès les défis s’offrant à lui est loin d’être nouveau. En fait, il a été importé de sa première carrière, comme gestionnaire dans le réseau de la santé.

«Durant mes 35 ans dans ce domaine, j’ai toujours tenté d’éclairer le mieux possible chacune de mes décisions importantes. Comme vigneron, cette attitude m’a permis d’éviter plusieurs erreurs potentiellement coûteuses, et d’en arriver rapidement à produire un vin de qualité.»

En dépit de cette aide précieuse, ce vigneron indépendant a toutefois dû travailler très fort pour faire croître son vignoble et lui permettre d’acquérir une bonne réputation sur le marché. Pour donner une idée de la somme de travail exigée, mentionnons seulement que chaque vigne exige, à chaque saison, au moins 11 interventions différentes (taille, liage, épamprage, ébourgeonnage, palissage…) pouvant prendre jusqu’à une dizaine de minutes chacune. Or, le Domaine du Clos de l’Isle compte aujourd’hui… plus de 11 000 plants!

Par ailleurs, si la culture de la vigne représente en soi un défi complexe, le climat nordique du Québec– et notamment le faible nombre d’heures d’ensoleillement – est loin de simplifier les choses!

«C’est une réalité qui nous oblige, par exemple, à élaborer des palissages élevés pour permettre à la vigne d’être exposée le plus possible au soleil. En outre, cela rend beaucoup plus délicat le choix des cépages, car chacun doit pouvoir résister à notre climat particulier. Lorsqu’on sait que tout vigneron veut travailler avec des cépages connus et reconnus des consommateurs (Pinot noir, Marechal Foch, Gamay…), on comprend aisément que le choix n’est pas toujours simple…»

Si les vignerons locaux privilégient de tels cépages, c’est d’abord pour fournir des repères à leurs clients. «Lorsqu’ils goûtent ces produits et réalisent qu’ils supportent la comparaison avec ceux habituellement consommés, je remarque souvent chez ces consommateurs un mélange de surprise, de plaisir et même de fierté : celle de savoir que la qualité des vins produits aujourd’hui au Québec n’a rien à envier aux autres.»

S’entraider pour exister

Cette réaction, Daniel Harrisson doit d’ailleurs la percevoir fréquemment chez ses propres clients, car les six vins produits par son vignoble (deux rouges, deux blancs, un rosé et un vin de vendange tardive) ont peu à envier aux meilleurs, dans leurs catégories respectives…

«Nous cultivons aujourd’hui 11 cépages différents qui nous permettent de produire des vins d’assemblage intéressants, qui gagnent constamment en qualité. D’ailleurs, le prix remporté par le Clos Notre-Dame en est une autre preuve, car à la Coupe des nations, les vins sont évalués à l’aide de la Charte internationale. Or, produire au Québec des vins rouges à la hauteur de ces critères d’évaluation était quelque chose de pratiquement impensable hier encore…»

Loin d’être exclusive au Domaine du Clos de l’Isle, cette amélioration constante de la qualité des vins locaux n’est pas le fruit du hasard; elle résulte plutôt d’une collaboration remarquable entre nos vignerons.

«Nous avons compris depuis longtemps que c’est en travaillant ensemble que nous existerons. Cette conviction nous incite à partager les résultats de nos expériences au champ, en plus d’avoir présidé à la création du Regroupement de vignobles du Centre-du-Québec, dont le mandat consiste à promouvoir les vins des cinq producteurs locaux par diverses activités estivales.»

Ce souci des vignerons indépendants de progresser collectivement est aussi visible sur le plan national. En témoigne la création, il y a une dizaine d’années, de l’Association des vignerons indépendants, qui vise notamment à aider les nouveaux vignerons à démarrer leur projet en toute connaissance de cause.

«Au fil des ans, l’organisation a acquis une telle crédibilité qu’elle a été acceptée au sein de la réputée Conférence européenne des vignerons indépendants; celle-ci compte plus de 10 000 vignerons indépendants et offre des possibilités d’échanges incroyables! À défaut d’entrer dans les détails, on peut certes affirmer que les retombées pour nos membres ont été extraordinaires», affirme Daniel Harrisson, qui est administrateur au sein de l’Association.

Prochain objectif : un pinot noir local!

La suite des choses, pour le Domaine du Clos de l’Isle? D’abord, continuer à faire croître de façon régulière la production annuelle de vin, qui avoisinera les 8000 litres cette année. Mais surtout, produire bientôt un pinot noir à la hauteur de ce cépage réputé.

«L’an dernier, j’ai bâti une vaste terrasse afin de soustraire aux vents desséchant (sud – sud/ouest) et fournir une protection hivernale à mes 400 premiers plans de pinot noir. Mon objectif est de produire un vin mono-cépage qui permettra de prendre la mesure réelle de ce cépage lorsque produit au Québec.»

Compte tenu que, ces dernières années, Daniel Harrisson a relevé le même pari avec le Maréchal Foch, cépage ayant engendré l’exceptionnel Clos Notre-Dame, les plus beaux espoirs sont permis pour les amateurs de ce cépage en général… et pour les adeptes des produits de ce vignoble local en particulier!