Déversement des eaux usées: «Le meilleur des pires scénarios» selon les élus
ENVIRONNEMENT. La Ville de Montréal procédera dès minuit, pour une période de 7 jours, au déversement de huit milliards de litres d’eaux usées non traitées dans le fleuve Saint-Laurent. Les maires de Bécancour, Trois-Rivières, Nicolet, Louiseville ainsi que le Chef de la communauté abénaquise de Wôlinak ont uni leur voix aujourd’hui afin de prendre position.
Bien qu’ils soient toujours en désaccord avec ce déversement, les élus de la région n’ont eu d’autres choix que de se ranger derrière la décision rendue. Par contre, des rencontres leur ont permis de comprendre que dans les circonstances, le déversement était «le meilleur des pires scénarios». Ils saluent notamment les 15 recommandations émises par la ministre fédérale de l’Environnement.
«D’un point de vue scientifique, selon ce que les experts du ministère de l’Environnement nous ont dit, il y aurait plus de dégât à ne pas faire le déversement qu’à le faire. Alors dans ce contexte, on a compris que c’était le meilleur scénario possible», a déclaré le maire de Bécancour, Jean-Guy Dubois.
Suite au rapport d’examen portant sur les renseignements techniques et scientifiques, les cinq dirigeants ont toutefois adressé publiquement deux volontés au gouvernement fédéral. En premier lieu, ils demandent qu’un répondant en position d’autorité soit nommé au sein d’Environnement Canada afin d’accompagner les Villes ou communautés pouvant être touchées ou se questionnant sur ce déversement. «Pour nous, c’est une condition essentielle, soutient M. Dubois. On exige d’avoir un représentant fédéral, une personne en autorité pour avoir des réponses au moment où on en voudra, sans qu’il y ait de délai.»
Rappelons que le 5 octobre dernier, une lettre produite par la Ville de Bécancour et adressée au ministre David Heurtel demandait au gouvernement provincial d’identifier un responsable en position d’autorité pour aiguiller les municipalités. Suivant cet envoi, une rencontre avec les responsables du projet de la Ville de Montréal a été tenue à Bécancour où les dirigeants des municipalités concernées étaient présents. Une seconde rencontre de nature plus technique s’est aussi tenue avec des représentants du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques à l’hôtel de ville de Bécancour en octobre.
Par ailleurs, en deuxième lieu, les élus veulent s’assurer que le gouvernement exerce son devoir de consultation auprès de communautés et municipalités lors de tels évènements. Ils déplorent en effet avoir été mis au courant de cette situation après plutôt qu’avant. «Ça démontre l’importance du devoir de consulter avant…et non après. On doit trouver une façon d’éviter que ce genre de situations se reproduisent», clament-ils.
De plus, le maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, croit qu’il y a eu une banalisation du dossier, dès le départ, puis qu’il y a eu un dérapage du message.
Des recommandations
La nouvelle ministre de l’Environnement, Catherine McKenna, a indiqué que le déversement ne doit se faire que si Montréal accepte quatre conditions. Elle demande notamment à la Ville d’effectuer une surveillance visuelle des panaches de l’effluent, de mettre sur pied un plan d’urgence pour gérer les rejets imprévus des industries durant la période de travaux et de fournir jusqu’en juin 2016 à Environnement Canada des données qui mesurent la qualité de l’eau du fleuve.
Équité et compensations
Les dirigeants de la région dénoncent aussi le «deux poids deux mesures» que vivent les municipalités face au ministère de l’Environnement. «Si un déversement de 8 milliards ce n’est pas grave, alors comment, comme municipalité, on peut être crédible auprès de nos contribuables quand on leur dit que leur fosse septique n’est pas conforme, car il y aura des impacts négatifs sur l’environnement?», questionne Yves Lévesque.
Son homonyme de Louiseville abonde dans le même sens. «Au moindre détail dans nos projets, le ministère de l’Environnement débarque et ça coûte une fortune. Quand moi je fais affaire avec l’environnement, je me fais souvent rentré dedans étant donné que je suis une petite ville», lance Yvon Deshaies, qui s’inquiète d’ailleurs des répercussions que le déversement peut avoir sur la pêche blanche.
D’autre part, le maire de Trois-Rivières craint que le déversement entraîne des dépenses supplémentaires pour les municipalités et s’inquiète de savoir, si c’est le cas, qui assumera ces frais. «S’il y a des impacts financiers pour nos municipalités, sur nos usines de filtration ou sur le lac St-Pierre, par exemple, qui assumera ces frais? Qui compensera financièrement s’il y a des conséquences sur l’environnement?, s’interroge M. Lévesque. Si la Ville de Montréal ne donne aucune compensation, ce sera un argument futur pour les municipalités.»
Enfin, la ministre McKenna a aussi annoncé qu’Environnement Canada procéderait à l’examen des événements qui ont mené à la crise, désormais nommée le «flushgate».
Tout comme ses collègues, le chef de la Nation Waban-Aki, Denis Landry, a assuré que sa communauté sera aux aguets.
Point positif
Les élus maintiennent toutefois que l’ensemble du traitement de ce projet et sa médiatisation aura éveillé la sensibilité des Québécois et des divers paliers gouvernementaux à l’extrême importance du fleuve Saint-Laurent.
«On vient de s’apercevoir que le fleuve était fragile et extrêmement important tant au point de vue de l’approvisionnement, qu’au point de vue économique et du transport. Il faut prendre conscience qu’il y a un mois, personne ne se posait de question. On a appris à travers cette situation. On est mieux informé et plus aguerri qu’on l’était il y a un mois», croit Jean-Guy Dubois.
Le maire de Bécancour souligne également que depuis un mois déjà, un professeur de l’UQTR a été mandaté pour analyser spécifiquement certains paramètres, avant, pendant, et après le déversement.