Des vins de chez nous dans nos épiceries

VINS. Attendu depuis longtemps, le projet de loi 88 autorisant la vente de vins québécois dans les épiceries du Québec a finalement été déposé par le gouvernement au début du mois de décembre.

Ce projet de loi permettra aux producteurs d’alcool du Québec ayant un permis de production artisanale de vendre directement en épicerie et dans les dépanneurs sans avoir à passer par la Société des alcools du Québec (SAQ), ni de payer une somme au monopole d’État.

En plus des vignerons, les producteurs de cidre, de boissons à base de petits fruits, de miel et d’érable auront accès à cette nouvelle mesure. Cette nouvelle est accueillie positivement par les vignerons de la région, même s’ils ne comptent pas nécessairement en profiter à court terme.

«Ça ouvre un marché plus intéressant. Par contre, les petits producteurs n’iront pas dans les gros supermarchés», croit Rémi Martel, propriétaire du vignoble Riparia, à Saint-Wenceslas.

Jocelyn Hébert, propriétaire du Fief de la rivière, à Bécancour, abonde dans le même sens. Selon lui, à première vue, il s’agit d’une bonne nouvelle, mais il ne croit pas que son entreprise puisse en bénéficier les premiers temps. «C’est un nouveau marché et c’est un point de vente de plus. Cependant, en ce qui nous concerne, on ne produira probablement pas encore assez de vin cette année pour en profiter, si le projet de loi est accepté. Mais si tout est en place l’an prochain, ça va faire notre affaire!» lance M. Hébert.

Les deux producteurs estiment en effet que cette nouvelle loi sera plus avantageuse pour les plus gros producteurs ou ceux qui sont plus dépendants des ventes. «Si tu vends tous tes produits directement au vignoble, cela signifie que la production ne sera pas assez grande pour aller en épicerie», résume Jocelyn Hébert.

De son côté, M. Martel envisage cibler davantage les plus petites épiceries locales, dans un rayon de 20 à 25 kilomètres de son vignoble. «Cela me permettra d’écouler mes produits. Il faudra ensuite «se battre» pour avoir des places de choix sur les tablettes.»

Quelques bémols

Le propriétaire du vignoble Riparia a toutefois quelques réserves face au projet de loi 88.

«Le projet de loi peut être intéressant, mais tant qu’on n’aura pas le libellé final, c’est difficile d’avoir un regard critique. Actuellement, les vins qui sont en épicerie sont majoritairement des vins importés, rappelle Rémi Martel. L’année et le cépage ne peuvent souvent pas être indiqués sur la bouteille, ce qui enlève de la personnalité. Il faudra voir si la loi en tiendra compte.»

Il a aussi une crainte face aux autres points de vente des vignobles. «Une directive spéciale de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec permet aux producteurs d’être présents dans les événements, marchand publics, foires, etc. Cette directive a été renouvelée pour deux ans, mais sera-t-elle intégrée à la loi?», se questionne le vigneron, qui vend la plus grosse partie de ses produits au Marché public de Drummondville.

Jocelyn Hébert indique que ce sera vraiment à chaque producteur de voir si ça en vaut la peine. «Chacun évaluera la situation. Je pense que ce sera vraiment du cas par cas», conclut-il.

Le projet de loi 88 n’est pas encore adopté, car les élus seront de retour en Chambre en février.

Notez que nous avons aussi contacté le vignoble Le Domaine du Clos de l’Isle, mais qu’au moment d’écrire ces lignes, nous n’avions pas eu de retour d’appel.

Donald Martel ouvert, mais sur ses gardes

Le député de Nicolet-Bécancour se réjouit de l’ouverture du gouvernement et reconnaît que les producteurs de vin québécois étaient en attente et qu’il y avait une grande demande. «C’est une percée importante, mais on souhaite que ça aille plus loin, affirme-t-il. Ma crainte, c’est qu’on demande des grands volumes, ce qui voudrait dire que les plus petits producteurs, notamment ceux d’ici, auront de la difficulté à percer ce marché.»

En collaboration avec Pier-Olivier Gagnon

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