«C’est possible de passer à travers une telle tragédie»

Il y a dix ans presque jour pour jour, soit le 16 mars 2000, un terrible accident de voiture fauchait la vie de sept enfants sur la route du Port à Saint-Jean-Baptiste-de-Nicolet. Quelques jours plus tard, un huitième décédait des suites de ses blessures. Cette tragédie a laissé une grande cicatrice sur le cœur des Nicolétains… et un vide immense dans celui des parents.

André Fournier et Nika Isabelle ont perdu leur fille Frédérike lors de ce drame. Elle était âgée de 4 ans et 9 mois. «Elle était un véritable rayon de soleil», se remémorent-ils. Évidemment, son départ prématuré a marqué le début d’un long processus de deuil. Dix ans plus tard, ses parents sont en mesure de témoigner de leur souffrance et de leur cheminement face à cette dure épreuve. «C’est difficile de décrire avec des mots ce qu’on a vécu. Mais on veut en parler. Durant des années, on a été sur la corde raide, aux prises avec des hauts et des bas. En fait, c’est comme si l’on avait en permanence les doigts dans une prise de courant. Les émotions sont à fleur de peau. Mais le temps finit par faire son œuvre», raconte d’entrée de jeu André Fournier. «On apprend à vivre avec la douleur, un peu comme quelqu’un qui a mal au dos : il vient un temps où il se demande s’il a réellement moins mal, ou s’il s’est tout simplement habitué à la douleur. Mais par moments, la douleur revient nous frapper, nous rappelant la réalité», renchérit Mme Isabelle.

Apprivoiser la mort

Au fil du temps, André Fournier et Nika Isabelle ont apprivoisé la mort et «l’absence» au quotidien. Chacun à leur façon. «On dit souvent qu’il n’y a pas de recettes à la naissance d’un enfant. Il n’y en a pas non plus lorsqu’il décède», illustre Mme Isabelle.

Mais chose certaine, c’est possible de passer à travers une telle tragédie, estiment les deux parents. «On dit que le temps guérit les blessures. Force est d’admettre que c’est vrai. Mais le problème, c’est de savoir quoi faire en attendant que le temps passe! Car le vide laissé par la perte d’un enfant est indescriptible : on s’occupait de lui et on en prenait soin en permanence. Soudainement, du jour au lendemain, il n’y a plus rien. On perd tous nos repères.»

Séparation… et retrouvailles

Avant l’accident, André Fournier et Nika Isabelle avaient décidé de se séparer. Mais lorsque Frédérike est décédée, ils ont décidé de vivre le deuil ensemble. «Après quelque temps, on a réalisé que ce serait impossible.»

Leurs chemins se sont alors séparés. En 2007, à la date anniversaire du décès de leur fille, ils ont repris contact. Puis, ils se sont revus à deux ou trois reprises. En juillet 2009, ils reformaient de nouveau un couple. «Je crois que le fait de nous retrouver a comblé ce qui me restait à combler… autant que cela puisse se faire», confie M. Fournier. «Pour ma part, j’ai eu deux enfants depuis l’accident. Ça m’a beaucoup aidée», note Nika Isabelle.

 

Parler de l’accident et se rappeler des bons moments passés avec leur fille les a beaucoup apaisés. Ils épaulent maintenant les gens de leur entourage, notamment le fils de M. Fournier, Charles, qui avait quinze ans au moment de l’accident. «Avec son handicap intellectuel, ç’a été très dur pour lui de mettre des mots sur sa douleur. Je crois qu’il a encore de la difficulté à composer avec ça», dit-il.

 

Il y a aussi les nouveaux visages qu’ils croisent : «Lorsque les gens apprennent qu’on a perdu notre enfant dans cet accident, ils sont bouleversés. Nous, on a apprivoisé la situation : elle fait désormais partie de notre vie. Mais pour eux, c’est gros : ils ont les larmes aux yeux. On en vient maintenant à les consoler», exprime Mme Isabelle. «La mort est un sujet difficile à aborder. Ça l’est encore plus quand c’est celle d’un enfant. Ça va à l’encontre du cours des choses. Mais on ne peut rien y changer», concluent les deux parents.

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