Un rail conducteur pour recharger les camions électriques en essai au Québec

RÉGIONAL. Recharger un véhicule électrique sans avoir recours à une borne de recharge classique: voilà l’innovation que propose l’entreprise Elonroad qui adaptera sa technologie de rail conducteur pour le Québec en collaboration avec différents partenaires, dont la Vallée de la transition énergétique (VTÉ).

La technologie d’Elonroad consiste en un rail conducteur au sol non intrusif et un pantographe inversé sous les véhicules qui se déploie à l’approche du rail. La recharge du véhicule peut alors se faire automatiquement par le contact entre le rail et le pantographe, que le véhicule soit à l’arrêt ou en mouvement. 

« Il y a très peu de véhicules lourds qui sont électriques au Québec, notamment parce que la technologie classique des bornes de recharge impose de mettre de grosses batteries dans les gros véhicules, mais aussi de disposer de bornes très puissances pour recharger les batteries. Les grands transporteurs n’ont pas beaucoup le temps pour garder des véhicules à l’arrêt. La puissance de recharge et la taille de la batterie coûtent très cher également », explique Valery Prunier, directeur général d’Elonroad France et responsable du business international.

Cette technologie permet également d’opter pour des batteries plus petites et des véhicules électriques moins chers, plus légers et plus propres. En étant dotés de batteries plus petites pouvant être rechargées plus souvent, les camions électriques coûteraient moins cher, estime Elonroad.

« On va toujours chercher à minimiser la puissance de recharge des véhicules dans l’optique d’éviter de payer trop cher, mais aussi de garder les batteries en vie plus longtemps. C’est d’ailleurs l’un des problèmes du modèle actuel: on va toujours vers les grandes puissances et ça tue les batteries. Nous, nous restons à des puissances très raisonnables », note M. Prunier.

L’entreprise a déjà testé sa technologie dans le nord de la Suède, dont en contexte hivernal. « En vertu de ces essais, on se sent quand même rassurés sur notre technologie. Mais effectivement, il faut s’assurer que ça fasse le travail dans la rigueur climatique hivernale du Québec. Par exemple, au Québec, le rail ne pourrait pas être posé sur le sol, car les déneigeuses l’arracheraient. Il faudra sans doute l’intégrer à l’asphalte, à la route. C’est un petit peu de développement. Ça implique de creuse un peu la route sur une profondeur de six centimètres et sur la largeur du rail pour l’encastrer. L’électricité doit y entrer aussi », détaille-t-il.

Une occasion pour le transport lourd

Le Groupe Morneau a sauté sur l’occasion pour collaborer avec Elonroad afin de tester la technologie.

« On a une plateforme à Québec qui se prête bien à ces tests parce que nos deux véhicules électriques sont basés à cet endroit. Notre borne de recharge s’y trouve aussi. On dispose d’un site où on pourra installer un rail d’une trentaine de mètres de long pour la recharge dynamique, tandis qu’une partie du rail sera consacrée à la recharge statique. On veut faire des tests et pouvoir parvenir à valider cette technologie dans les conditions du Québec », indique Denis Marcotte, ingénieur et directeur des services techniques au Groupe Morneau.

« On a notamment un camion qui opère dans notre cour 24 heures sur 24. Il va donc passer sur le rail chaque fois qu’il passera dans la cour, c’est-à-dire 50, 60 voire 100 fois par jour. Ça nous permettra de recueillir des données. On évaluera la fiabilité, l’intégration, la chaussée et si ça fait bien le travail, de même que l’abrasion des véhicules qui passent sur les rails et l’impact des contaminants et des conditions atmosphériques », ajoute-t-il.

Avec les batteries plus puissantes et plus lourdes qui sont utilisées dans les camions électriques, leur coût d’acquisition s’articule autour de 550 000$, comparativement à 200 000$ pour un camion au diesel, fait remarquer M. Marcotte. Par ailleurs, le temps perdu pour recharger les camions électriques est un autre enjeu pour la compagnie de transport.

« Cette technologie permet d’avoir des camions plus légers. Le poids de ces véhicules est un enjeu important. L’autre aspect intéressant est que cette technologie permet une recharge en route. Ça évite des pertes de temps et ça permet de pouvoir opérer de façon plus transparente pour nos opérateurs et nos chauffeurs. Par exemple, à l’heure actuelle, on est obligé d’opérer nos deux véhicules lourds électriques sur de la courte distance. La recharge se fait alors en soirée. Cependant, pour avoir une rentabilité de nos véhicules, ceux-ci devraient opérer le jour pour faire la cueillette et la livraison en ville et, le soir, faire du transit interterminal et faire des routes de 300 ou 400 kilomètres, puis revenir le lendemain », précise M. Marcotte.

Un maillage signé VTÉ

La VTÉ a joué un rôle de fédérateur pour mettre en relation l’entreprise suédoise avec le transporteur Groupe Morneau, le distributeur d’énergies Filgo, ainsi que l’organisme InnovÉÉ, qui œuvre dans l’innovation en électrification des transports et en énergie intelligente, afin de développer un projet concret pour le Québec. Les partenaires ont signé l’entente le 23 janvier à Trois-Rivières.

« On est là pour établir des maillages. Des technologies comme celles-là qui viennent apporter, d’une façon marquée, une différenciation dans l’exécution, entre autres, d’une transition énergétique. Au niveau de l’alimentation électrique, je pense que la valorisation de ces innovations, au cœur de la Vallée de la transition énergétique, c’est drôlement intéressant dans des modèles d’exécution au niveau du transport lourd. Ce matin, on a vu des entreprises privées se commettre ensemble pour faire une démonstration drôlement intéressante du futur de l’électrification », commente Alain Lemieux, directeur général de la VTÉ.

Avec la signature de cette entente, les partenaires souhaitent accélérer l’électrification du transport et de la mobilité, réduire la consommation énergétique des véhicules lourds, positionner le Québec en leader pour cette technologie de rupture en Amérique du Nord, ainsi qu’encourager les perspectives de commercialisation.

C’est Filgo qui agira à titre de distributeur de la technologie au Québec.