Dix mois dans les coulisses de l’Assemblée nationale

NICOLET. Le quotidien du Nicolétain Clovis Brochu ressemble à celui d’un député, depuis quelques semaines. Le jeune homme de 25 ans a amorcé un stage de dix mois à l’Assemblée nationale du Québec, où il est appelé à en découvrir tous les rouages en compagnie de quatre autres personnes aussi privilégiées que lui.

Son stage se décline en trois volets. Il vivra deux jumelages avec des parlementaires, réalisera trois missions exploratoires, puis rédigera un essai. Il perçoit son expérience comme « un gros voyage de dix mois dans l’Assemblée nationale ».

« On rencontre plein de gens: le premier ministre, les ministres, les chefs des différents partis, mais également les personnes désignées, dont le commissaire au lobby, par exemple, ou encore le directeur général des élections », décrit-il.

L’expérience est rendue possible grâce à la Fondation Jean-Charles-Bonenfant. Chaque année, elle offre à cinq diplômés universitaires l’occasion de s’initier au travail parlementaire par un stage pratique de dix mois à l’Assemblée nationale. Le stage est assorti d’une bourse d’excellence de 25 000$.

Clovis Brochu vient de compléter son baccalauréat en sciences politiques et philosophie à l’Université de Montréal. À la fin de celui-ci, il a effectué un stage de trois mois au cabinet ministériel de Benoit Charette, ministre de l’Environnement et à la Lutte contre les changements climatiques. C’est là qu’il a eu envie d’en savoir plus sur la vie parlementaire.

« À ce moment-là, j’écoutais souvent la période des questions sur le canal de l’Assemblée nationale. J’ai alors vu la publicité de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant à propos du stage. J’y ai vu l’opportunité de pousser plus loin mes apprentissages et de vivre la vie d’un député directement dans le bâtiment. C’est ça qui m’a donné le goût de m’inscrire. »

On connaît la suite : il a été choisi et le voilà maintenant plongé au cœur de l’action.

Du pain sur la planche

Déjà, il achève son premier jumelage avec la députée d’Argenteuil, Agnès Grondin, de la Coalition Avenir Québec. Au cours des prochains jours, il partira en mission au Parlement de Toronto et au Parlement d’Ottawa avec les quatre autres stagiaires retenus. Il y a deux semaines, ils recevaient leurs dix homologues torontois. Puis, vers avril, ce sera au tour des 12 stagiaires d’Ottawa de venir les visiter.

Entre-temps, le groupe amorcera son deuxième jumelage (dans le cas de Clovis, ce sera avec le député solidaire de Taschereau, Étienne Grandmont) et réalisera une mission à l’étranger, plus précisément en Afrique du Sud, du 23 février au 11 mars.

Durant ce séjour, les stagiaires exploreront la question de la cohésion sociale, un concept clé des politiques publiques de ce pays. Ils rencontreront notamment des politiciens et des membres de commissions gouvernementales pour mieux comprendre les approches sud-africaines et voir si des idées pourraient être appliquées au Québec. « Nous avons soumis notre projet au conseil d’administration de la Fondation pour approbation et lui avons démontré que c’était réaliste d’un point de vue financier et sécurité », souligne Clovis Brochu.

À son retour, le groupe s’attaquera à son rapport de mission. En parallèle, chacun des stagiaires poursuivra la rédaction de son essai. Celui de Clovis portera sur l’usage du filibuster dans les travaux de l’Assemblée nationale. « Le filibuster est une technique parlementaire qui consiste à retarder le plus possible l’adoption d’une loi en manipulant les procédures », explique Clovis. « Pour ma part, je trouve que ça n’a pas de bon sens. Alors je me demande s’il est possible de l’éliminer; d’éviter cette perte de temps tout en offrant aux oppositions un moyen plus efficace et utile de contester le gouvernement. »

Il a jusqu’en juin pour rédiger son essai, qui doit compter environ 25 pages. Pour l’aider dans ses recherches, il a accès aux services de recherche de la bibliothèque nationale et dispose même d’un recherchiste attitré. Il constate que son sujet est peu documenté au Québec, mais il compte utiliser son expérience terrain et l’expérience des parlementaires pour bonifier ses recherches. Une fois que son essai sera rédigé, il sera publié sur le site web de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant.

La politique

Clovis Brochu est bien conscient que pour plusieurs citoyens, la politique en général se résume à l’élection; qu’elle est l’affaire de quelques personnes, soit les élus. « C’est faux : la politique, c’est l’affaire de tous », souligne-t-il à grands traits. « L’Assemblée nationale est l’endroit où l’on débat sur les enjeux sociaux, sur la volonté, les besoins, les intérêts des gens, et même sur leurs frustrations. Elle doit répondre à ce que lui lance la société civile. Et ça passe par différentes politiques, différentes idées, différentes manières de résoudre les enjeux. »

Son stage lui permet de voir les deux côtés de la médaille: le pouvoir et l’opposition. « C’est le fun de vivre les deux, car les réalités entre le gouvernement et l’opposition sont vraiment différentes. C’est très formateur », commente-t-il.

Est-ce qu’on peut en conclure qu’éventuellement, le jeune homme se lancera en politique? « Je ne suis pas fermé à l’idée, mais j’ai toujours considéré que pour qu’une personne se lance en politique et que ce soit légitime, il faut qu’elle ait un enjeu qui lui tienne à cœur; qu’elle ne recherche pas juste le poste. Parce que le travail de député, ce n’est pas un job: c’est une fonction ».

Quels seraient les enjeux qui pourraient l’inciter à faire ce pas? « L’environnement, l’éducation et la réforme des institutions démocratiques », nomme-t-il sans hésiter…

La politique, c’est l’affaire de tous »

Clovis Brochu