Maude Rochefort veille sur notre passé
CULTURE. Dans un des rangs de Sainte-Eulalie, Maude Rochefort oeuvre à préserver notre patrimoine mobilier. Avec doigté, fruit d’un savoir traditionnel que lui a légué son père Benoit, sa mère Claudette et d’autres passionnés de l’antiquité, elle restaure des objets qui ont meublé l’histoire du Québec.
«Mes parents étaient des précurseurs. Les meubles antiques, pour eux comme pour moi, se doivent de préserver les couleurs que l’on y a appliquées et non les décaper. Il ne faut pas éliminer les traces de l’histoire», explique la femme qui œuvre à préserver les meubles qu’on lui confie. «On m’appelle les doigts de fée», rapporte-t-elle humblement.
Une mission qui a débuté dès l’enfance lorsqu’elle accompagnait son père à la recherche d’antiquités.
«Quand j’étais jeune, j’étais tannante. J’avais la bougeotte; on dirait hyperactive aujourd’hui. Ma mère, pour lui permettre de s’occuper de mes deux sœurs, du magasin et de la maison, m’envoyait avec mon père. J’aimais vraiment ça», se rappelle celle qui, à l’adolescence, a quand même eu sa période «mélamine».
Une fois sa période de rébellion passée, elle reviendra rapidement aux meubles de bois anciens, à son grand plaisir ainsi qu’à celui des amateurs d’antiquité du Québec, de l’Ontario et des Maritimes.
Rapidement, elle développera une expertise maintenant reconnue. «J’ai des yeux de lynx. Dès que je vois un meuble, je suis capable d’identifier rapidement ce qui a été restauré.»
Expérience aidant, elle fait encore à l’occasion de la cueillette de pièces mais elle se concentre essentiellement sur des meubles de collection que lui réfère son impressionnant réseau de contacts à travers le nord-est du continent américain.
Maude Rochefort se fait d’ailleurs un devoir, quand cela est possible, de récupérer aux États-Unis des meubles québécois vendus à une époque où on les associait souvent à la misère et où on était facilement enclin à s’en défaire.
«Bien qu’il reste des progrès à faire, on voit encore des maisons historiques se faire détruire», souligne Maude Rochefort, pour qui la préservation de notre histoire est une question de respect. «On doit célébrer nos ancêtres. Quand je vois un meuble, je pense à celui qui l’a construit. Souvent, il l’a fait de ses propres mains, sans aucun sou. C’est, par exemple, le père de famille qui a fabriqué un coffre pour sa fille qui allait se marier», relate-t-elle avec émotions.
Et ce respect se traduit par de nombreuses heures de travail dans son atelier qu’elle qualifie de havre de paix. À preuve, elle a récemment mis 113 heures à restaurer un buffet d’une valeur de plusieurs dizaines de milliers de dollars. «Toujours en suivant les règles de l’art, je n’ai jamais reculé devant une pièce même si elle était très altérée», rapporte-t-elle fièrement en précisant que c’est un privilège de faire son travail. «Quand je peux restaurer un meuble du régime français, c’est un cadeau du ciel. Je me sens en communion avec notre histoire. C’est le plus beau métier du monde».
En plus de faire commerce dans le domaine de l’antiquité, son amour pour notre patrimoine l’a également menée à différentes implications. «J’ai participé à l’organisation de salons et j’ai été présidente de l’Association des antiquaires du Centre-du-Québec. Pour moi, c’est important que tous les antiquaires travaillent dans le même sens. On n’est pas des compétiteurs, car on vend des pièces uniques. On est tous gagnants à mieux se faire se connaître. On se doit d’avoir comme mission commune de préserver, de sauvegarder et de transmettre la bonne information sur nos antiquités, sur notre histoire», conclut Maude Rochefort.