Marthe Taillon : le visage caché de la culture

NICOLET.  C’est une timide, mais rayonnante Marthe Taillon qui nous a accueillis au Musée des cultures du monde, le tout nouveau terrain de jeu de la Nicolétaine. Après avoir œuvré comme agente de développement culturel à partir de 1998 pour la MRC de Nicolet-Yamaska et conjointement pour la MRC de Bécancour à partir de 2016, Mme Taillon vit maintenant ce qu’elle avoue être son rêve. Elle est gestionnaire des collections dans un musée, et pas n’importe lequel : celui où elle avait commencé sa carrière professionnelle.

« Je boucle la boucle! », lance-t-elle, les yeux pétillant de joie. « Je renoue avec mon tout premier employeur et je renoue avec mon tout premier emploi professionnel. Alors pour moi, c’est vraiment un rêve! », ajoute la nouvelle gestionnaire des collections en brandissant fièrement son trousseau orné des clés qui donnent accès aux réserves du Musée.

« Quand j’étais petite, mon rêve était de devenir conservatrice dans un musée. Ou archéologue! Alors, revenir ici pour m’occuper d’une collection, c’est un rêve! J’adore ça, parce que je suis gênée. J’ai toujours réussi à passer par-dessus ma gêne en incarnant un personnage qui me permet de parler en public, mais ça me demande un effort », révèle la nouvelle conservatrice.

Toutefois, Marthe Taillon a adoré sa carrière comme agente de développement culturel. Alors, pourquoi avoir décidé de relever de nouveaux défis? « J’ai perdu mon père et ma mère à quelques mois d’intervalle pendant la pandémie. À peu près à la même période, autour de moi, il y a eu plein de gens que j’aime qui ont eu des problèmes de santé très importants. J’ai remis en question tout mon rapport à la vie. Le travail prend vraiment beaucoup de place dans nos vies, alors je me suis posé des questions », avoue-t-elle.

Son emploi au Musée lui permet ainsi une préretraite, car elle travaille seulement trois jours par semaine. « J’ai baissé le rythme, ainsi que mon niveau de stress! »

Participer au développement culturel

Marthe Taillon a joué un rôle clé dans le développement culturel des MRC de la Rive-Sud, tout particulièrement dans celui de la MRC de Nicolet-Yamaska où elle a travaillé pendant 24 ans. Elle est d’ailleurs l’une des toutes premières agentes de développement culturel de la province, car Nicolet-Yamaska a été l’une des trois premières MRC à demander les services d’un tel agent.

Elle a obtenu ce poste grâce au programme Villes et Villages d’art et de patrimoine, un programme de création d’emplois en animation du patrimoine historique et de tourisme culturel.

« Je pense même que j’ai été celle qui a été la plus longtemps en poste avec le même employeur. Je me demande même si ce n’est pas moi la plus vieille. Ils m’appelaient le dinosaure, il devait bien y avoir une raison! », dit-elle en riant.

Son tout premier mandat a été de doter la MRC d’une politique culturelle, ce qui avait pour objectif de dynamiser le territoire au niveau culturel et patrimonial, en partenariat avec Culture Centre-du-Québec et tous les autres agents de la région.

Mme Taillon croit d’ailleurs que c’est mission réussie. « Il y a eu des hauts et des bas, comme dans toutes choses. J’ai vécu les quatre saisons! Mais dans l’ensemble, je suis très fière de ce qu’on a accompli », assure-t-elle. « J’entendais souvent dire, même dans ma famille, qu’il ne se passait jamais rien à Nicolet, qu’il n’y avait pas d’initiative, mais non. NON! On a toujours eu des artistes ici, on a toujours eu une vie qui était très riche, mais elle a été présentée publiquement ou pas, selon les périodes ».

Des MRC riches de leur culture

Marthe Taillon a collaboré à la mise sur pied d’une quantité impressionnante de projets culturels et patrimoniaux au cours des dernières décennies, dont la mise aux normes des bibliothèques dans Nicolet-Yamaska. Le projet a permis de construire les bibliothèques de Saint-Célestin, de Saint-Wenceslas et de Saint-Léonard-d’Aston, et de réaménager un espace à Saint-Zéphirin-de-Courval et Nicolet.

« On a permis à 5 municipalités de construire ou d’améliorer leur espace bibliothèque. Même s’il s’agit d’un projet coup de cœur, j’ai trouvé ça difficile, parce que ça m’a sortie de ma zone de confort! J’ai été chargée de projet avec peu d’expérience en la matière. Heureusement qu’il y avait l’architecte pour me diriger un peu », raconte Mme Taillon. Elle devait notamment surveiller les chantiers, l’obligeant à acquérir de nouvelles notions d’architecture et d’ingénierie, de même que le vocabulaire qui va avec!

« Les bibliothèques sont comme de mini maisons de la culture dans les milieux ruraux. Ce sont des endroits qui peuvent devenir des lieux de rassemblement intéressants, et c’est souvent des endroits où les artistes peuvent faire des expositions, des conférences, des présentations, des lancements de livres ou des choses comme ça », plaide l’ancienne agente de développement culturel.

Mme Taillon a également eu un coup de cœur pour le projet Pro Scenium, qui signifie « avant-scène ». Il s’agissait de formations pratico-pratiques durant lesquelles les artistes ont eu l’occasion de rencontrer un diffuseur ou encore d’obtenir une base en sonorisation, par exemple.

« Ça a été une activité extrêmement riche sur le plan humain et ça nous a permis de donner des outils à des artistes qui étaient plus en début de carrière. Ça les aide à avoir une vision en périphérie de leur travail et ça leur permet, sans trahir leurs propres actes de création, de mieux comprendre les besoins de ceux dont ils dépendent, entre guillemets, pour se produire », explique Mme Taillon.

Au fil des années, Marthe Taillon a donné beaucoup d’elle-même au monde culturel des MRC de Nicolet-Yamaska et de Bécancour, c’est pourquoi elle avoue que le deuil de son départ n’est pas encore terminé pour elle, mais elle a choisi d’écouter son cœur. « J’ai toujours considéré que la vie avait été bonne pour moi, parce que j’ai toujours fait des affaires que j’ai aimées. Je suis très chanceuse! », conclut-elle.