La justice réparatrice démystifiée

La productrice et réalisatrice d’Aston Jonction Pauline Voisard s’intéresse à la justice réparatrice dans son plus récent documentaire Quand punir ne suffit pas – la justice réparatrice. La grande première du film a lieu à Trois-Rivières le 11 octobre au Cinéma Le Tapis Rouge.

La justice réparatrice est un processus qui encourage les personnes contrevenantes à assumer les conséquences de leur geste et à réparer les torts ou les dommages causés par un crime. Cela peut être complémentaire au système de justice traditionnel.

Dans le documentaire, comme un observateur au-delà des portes closes, le spectateur suit le médiateur et assiste aux rencontres préparatoires où la victime et le contrevenant engagent un dialogue dans le but de réparer.

« Ce que j’aime particulièrement dans les documentaires, c’est montrer des personnes qui tentent de prendre en main leur destinée. Je voulais montrer que la justice réparatrice, ça ratisse large, explique Pauline Voisard. Souvent, les gens ne le savent pas et ont plein d’idées et de perceptions. Souvent, c’est un peu erroné. On pourrait avoir tendance à penser qu’entamer un processus de justice réparatrice est une façon de passer entre les mailleurs du filet de la justice traditionnelle, que c’est une façon d’obtenir une réduction de peine ou que ça ne concerne que les chicanes de voisinages. Je trouvais intéressant de voir que la justice réparatrice peut s’appliquer dans différentes situations et être intégrée dans un le système de justice traditionnel. »

On ressent l’honnêteté et la sincérité émaner des rencontres qui sont présentées à l’écran. Et elles sont variées: un contrevenant ayant commis un vol dans une pharmacie et sa victime, une adolescente et son père abuseur, une femme qui veut rencontrer l’assassin de son père… La caméra nous entraîne dans l’intimité de ces rencontres. Le documentaire Quand punir ne suffit pas – la justice réparatrice s’attarde aussi à la réalité des médiateurs dans leur quotidien et à la façon dont ils gèrent des situations qui les rendent plus émotifs.

Une confiance à gagner

L’un des plus grands défis auxquels a été confrontée la réalisatrice et productrice a été de gagner la confiance des médiateurs, mais aussi des personnes impliquées dans le processus de justice réparatrice.

« Les gens qu’on voit ont accepté de me faire confiance. C’est intime. On entre la bulle de ce trio qui veut expliquer les conséquences de gestes qui ont été posés. L’authenticité et la vérité sont au cœur du processus », note-t-elle.

Pauline Voisard est entrée en contact avec le réseau ÉquiJustice. Tranquillement, elle a pu entrer en lien avec des médiateurs pour leur expliquer sa démarche.

« J’ai fait une vidéo pour me présenter et expliquer mon processus de travail, précise-t-elle. Ça a été un long processus parce qu’il a fallu se pencher, Renaud De Repentigny et moi, sur la façon dont on filmerait le tout. On avait différentes contraintes: des personnes ne souhaitaient pas être filmées de face, il fallait modifier la voix d’autres personnes… Mon focus, c’était de trouver les bons médiateurs, ceux qui accepteraient d’être filmés pendant qu’ils travaillent. »

« Et puis, d’une rencontre à l’autre, tu ne sais pas comment les gens vont cheminer et évoluer. Quand allais-je embarquer dans le processus? Il fallait se poser beaucoup de questions », ajoute-t-elle. De l’idée de part à la fin du projet, il s’est écoulé trois ans.

Il a rapidement été convenu qu’elle devait arriver assez tôt dans le processus afin de faire partie de l’équipe dès le départ.

« Il y a eu beaucoup de rencontres sur Zoom avant. Je pouvais aussi assister à la préparation des rencontres. Je fermais ma caméra et on pouvait échanger. Le processus de justice réparatrice implique de petits pas et, de mon côté aussi, j’ai avancé par petites pas. On a pu discuter des façons de tourner ça. Puis, on s’installait et on essayait de devenir invisible. J’ai tourné beaucoup plus qu’à l’habitude, car je ne savais pas si les gens allaient changer d’idée en cours de route dans la mesure où c’est un sujet assez délicat. On a travaillé avec beaucoup de vigilance pour ne pas nuire au processus de justice réparatrice des personnes impliquées », détaille Mme Voisard.

« Chaque fois qu’on revenait d’un tournage, Renaud et moi parlions de ce qui s’était passé. Nous étions troublés parce que les gens étaient généreux de nous permettre d’être là dans ces moments de fragilité. C’était toujours troublant de voir que des gens qui ont été victimes ou acteurs de tels gestes décident, un jour, d’essayer de s’expliquer et de parler à l’autre parti. Ça m’a fait réfléchir à tous les non-dits dans nos rapports d’amitié, familiaux, au travail et dans nos différents cercles sociaux », poursuit-elle.

À la télévision bientôt

Le documentaire sera diffusé en novembre sur les ondes de Radio-Canada dans le cadre de Doc Humanité et sur ICI TOU.TV. Quand punir ne suffit pas – La justice réparatrice est réalisé et produit par Pauline Voisard pour Productions Triangle Inc. Elle s’est entourée de Renaud De Repentigny à la direction photo, Josiane Lapointe au montage, Michèle Groleau à la composition de la musique originale, Roger Guérin à la conception sonore et Steve Patry à titre de conseiller à la scénarisation. 

Par ailleurs, le Réseau Équijustice collaborera à plusieurs projections à travers le Québec du film Quand punir ne suffit pas – la justice réparatrice en animant des discussions. En plus de la projection au Cinéma Le Tapis Rouge, des arrêts sont prévus à Québec, Montréal, Sherbrooke, Rivière-du-Loup, Saguenay, Drummondville, Victoriaville, Rimouski, Carleton, Repentigny et Longueuil d’ici la fin du mois de novembre.