Artistes en confinement

CULTURE. Depuis la mi-mars, à part dans les hôpitaux, la vie tourne au ralenti. Partout, le temps est en suspens, obligeant tout le monde à réinventer son quotidien, y compris nos créateurs.

«Il y a un climat d’incertitude, une drôle d’ambiance générale», décrit l’écrivain nicolétain Mathieu Fortin, qui est à la maison avec ses deux enfants d’âge primaire tandis que sa conjointe travaille dans une clinique médicale.

«Ça bougeait plus avant!», lance de son côté le peintre Robert Roy, de Sainte-Perpétue.

Chacun vit de façon différente et bien personnelle cette période de pandémie qui marquera l’histoire. Chacun, mine de rien, s’y adapte.

«J’ai des préoccupations plus terre à terre, admet Mathieu Fortin. Je n’ai pas nécessairement le goût d’écrire pour le moment. La tension qu’on ressent présentement est un frein. Ça me bloque dans ma concentration, d’autant plus qu’on ne sait pas ce qui s’en vient. Tout est sur pause. Qu’adviendra-t-il des contrats en cours et de ceux à venir? C’est difficile à dire. Alors actuellement, je veux simplement profiter du moment présent.»

L’artiste Sonia Goulet, de Bécancour, s’est placée en mode réaction devant la situation. «J’ai besoin de faire du bien à mon environnement, à ma communauté et à moi-même. Ma créativité, ces temps-ci, me sert davantage au point de vue organisationnel et utilitaire. J’utilise davantage ma machine à coudre, je m’occupe de mes plantes et semis, je prépare mon déménagement de juin…», énumère-t-elle.

Elle remarque par ailleurs qu’à l’instar de plusieurs personnes, son souci des autres est plus marqué. «Souvent, comme artiste, on est dans notre bulle. Mais là, on y sort. Par exemple, j’ai des amis plus âgés, alors je m’offre pour faire leurs commissions.»

Le poète et musicien Pierre Chatillon a choisi de traverser la crise en mettant le focus sur le «beau». «Si je chante du triste, j’ajoute à la tristesse, illustre-t-il avec la grande sagesse qu’on lui connaît. C’est très dur, très sombre, ce que l’on vit. Mais il faut se ressaisir. Se forcer pour voir les belles choses autour de nous, que ce soit le fleuve, les outardes, les oies, la nature… Ça fait du bien.»

Tous les jours, il va marcher.  Il lit. Il aide aussi un ami à corriger un livre.  «Je me suis arrêté pour un bout de temps», confie-t-il à propos de sa création artistique, qu’il a choisi de mettre sur pause le temps que la crise passe, pour profiter de la vie.

De son côté, Robert Roy continue de faire ce qu’il aime le plus au monde: peindre. Lui aussi considère que la beauté est encore omniprésente. C’est la vibration, tout autour, qui a changé, dit-il. «[La crise] va nous recentrer. On va moins courir après les choses futiles», prévoit-il, se disant d’ailleurs déjà plus zen qu’avant.

Ses œuvres à venir seront imbibées de cette atmosphère particulière qui règne un peu partout par les temps qui courent. «La création vient avec l’entourage. C’est plus stable. Les gens sont plus présents; on les sent à la maison. Il y a une certaine tranquillité. Ça place le créateur dans une position intéressante», juge-t-il.

Tous s’entendent par ailleurs sur le rôle crucial que joue l’art dans la vie des gens actuellement.

«Je crois que les gens réalisent de plus en plus ce que les artistes leur donnent. Plus que jamais, ils nous lisent, regardent notre télé; l’art révèle sa vraie utilité», mentionne Mathieu Fortin.

«Je suis convaincue que la perception de l’art en général va changer. Les gens l’utilisent eux-mêmes pour se divertir. Il rassemble les familles», fait remarquer Sonia Goulet.

«L’art nous fait du bien, renchérit Pierre Chatillon. Et on a besoin de ça présentement.»

«Tout allait si vite que les gens ne prenaient pas le temps de s’arrêter. Maintenant, je pense qu’on va se calmer. Prendre le temps d’admirer», conclut Robert Roy.