Un théâtre doté d’une âme

BAIE-DU-FEBVRE. Mettre les pieds dans le Théâtre Belcourt, c’est comme entrer dans un sanctuaire. Malgré une rénovation relativement récente (2010), les lieux conservent une histoire riche qui transpire tant sur les murs que sur la scène.

C’est le directeur artistique, Mario Courchesne, qui me reçoit pour une visite qui s’étirera sur un peu plus de deux heures, mais qui aura paru durer à peine 20 minutes! C’est que « M. Belcourt », comme on le surnomme affectueusement dans le milieu, a la verve facile et une passion pour le moins contagieuse!

Il m’accueille avec une franche poignée de main et un sourire sincère, visiblement fier qu’on s’intéresse à « son » théâtre. Il y a déjà une vingtaine d’années qu’il le cajole en compagnie de sa conjointe, Lise Laforce, pour le plus grand bonheur des adeptes et de la municipalité de Baie-du-Febvre, propriétaire des lieux.

L’histoire du Théâtre, Mario Courchesne la connaît sur le bout de ses doigts. Et des anecdotes, il en a des tonnes à raconter! Par exemple, on apprend en jasant avec lui que l’art dramatique a connu ses heures de gloire dans la région après la Deuxième guerre mondiale. C’est d’ailleurs pour cette raison que le curé de l’époque, Henri Belcourt, et des citoyens de Baie-du-Febvre ont eu envie de construire une salle de spectacles digne de ce nom.

«Ils sont allés visiter des salles à travers le Québec pour s’inspirer, raconte M. Courchesne. La construction a démarré en 1948 et le théâtre a été inauguré en 1950.»

Une construction qui a connu son lot de péripéties! L’argent étant difficile à trouver, le vicaire de l’époque a décidé de prendre les grands moyens pour venir à bout du projet: «Le pont Béchard, dans la région de Daveluyville, était tombé en raison de la crue printanière. Les piliers et les poutres d’acier traînaient sur le bord de la rivière. Le vicaire a donc rédigé et signé [frauduleusement], au nom du député Antonio Élie, une lettre autorisant les gens de Baie-du-Febvre à en prendre en possession! Le gardien n’y a vu que du feu, et la construction a pu se terminer», relate M. Courchesne.

Il rappelle qu’à ses débuts, le Théâtre servait également de salle de cinéma. La toute première projection, qui mettait en vedette Abbott et Castello, a fait salle comble, attirant 425 personnes. Elle n’a toutefois pas connu le dénouement espéré puisque le feu a pris dans les bobines, entraînant une évacuation générale!

D’autres incidents impliquant le feu ont d’ailleurs marqué l’histoire du Théâtre par la suite. Mario Courchesne a lui-même été témoin de certains, d’ailleurs, notamment celui dans la salle des transformateurs, en 2011 ou 2012, qui fut signalé par Steve Hill et ses musiciens. Ou encore celui qui est venu pimenter une performance de Michel Faubert…

«Il était sur scène, en train de raconter une histoire concernant le Diable et l’Enfer. En coulisse, on éclairait avec une petite lumière halogène. Or, la chaleur qui s’en dégageait n’a pas fait bon ménage avec le mur en tentest (carton fibre) situé tout près! Heureusement, un bénévole a vu le début d’incendie et a pu l’éteindre pendant que le spectacle continuait. Dans la salle, il y avait une forte odeur désagréable, mais les gens n’en ont pas fait de cas, car ça rehaussait le réalisme de l’histoire!»

Utilisé à plusieurs sauces

De 1963 à 1967, le Théâtre Belcourt a servi de lieu de culte en attendant la construction de la nouvelle église de Baie-du-Febvre. L’ancienne s’enfonçait dans le sol et avait dû être démolie pour des raisons de sécurité. Pendant cette période, on a célébré, sur la scène, des messes, des baptêmes, des mariages et des funérailles.

Mario Courchesne.

Par la suite, une école de ballet s’y est établie. Peu à peu, le Théâtre a été délaissé, au point où des gens voulaient qu’il soit démoli ou qu’on le transforme en HLM, en résidence, ou même en piscine, puisqu’il est situé dans un vallon.

Or, le maire de l’époque, Claude Biron, y était attaché, car il avait été projectionniste au Belcourt durant sa jeunesse, puis comédien. «Il voulait conserver le théâtre. La municipalité a réparé la toiture, peinturé les murs et tenté de trouver un promoteur. Ça n’a pas été concluant. Puis, Lise et moi sommes arrivés. On a relancé le projet avec des amis. Le mouvement a mené à la création de la corporation Les Amis du Théâtre Belcourt, en avril 1998.»

Pérennité

Depuis, le Théâtre a retrouvé ses lettres de noblesse. En 2000, on y a réalisé une première rénovation majeure ayant permis à la corporation de présenter, jusqu’en 2009, au-delà de 300 spectacles de tous genres. Plusieurs artistes ont alors commencé à venir à Baie-du-Febvre pour y roder leur spectacle.

Une deuxième phase de travaux a démarré en septembre 2010. Elle s’est terminée au printemps 2011. Près de 4 M$ ont alors été injectés pour moderniser l’endroit, sans pour autant le dénaturer. «C’était important de préserver l’âme du Théâtre. Je crois d’ailleurs que nous avons réussi à le faire», sourit M. Courchesne.

On ne peut que lui donner raison: un petit «je-ne-sais-quoi» continue à transcender les lieux. À quoi l’attribuer? Difficile à dire, mais une partie de l’explication passe probablement par la sensibilité de mon interlocuteur et par la chaleur humaine des gens qui gravitent autour de cette belle institution.  Allez y faire un tour: vous le constaterez assurément, vous aussi!