Toute une classe de 3e secondaire en situation d’handicap

SAINT-PIERRE-LES-BECQUETS. Pour combattre les préjugés envers la différence et se sensibiliser aux défis quotidiens d’une personne ayant une déficience intellectuelle ou physique, les élèves de 3e secondaire de l’Écoles secondaires Les Seigneuries ont participé à une simulation organisée en classe en novembre dernier.

L’activité consistait à attribuer à chaque élève participant un ou plusieurs handicaps qu’il devait garder tout l’avant-midi. Il devait suivre l’horaire régulier, dont ses deux cours du matin, la pause et le déplacement entre ses deux locaux qui n’étaient pas sur le même étage, en plus des différentes activités organisées par les responsables du projet.

 » C’était différent.  C’était comme si j’étais dans un autre corps. J’ai pu comprendre les personnes avec un/des handicaps « , a commenté l’un des participants,  Samuel Beaudet.

Parmi les handicaps se trouvaient la surdité simulée à l’aide de coquilles, la cécité ou un trouble de vision créé avec plusieurs sortes de lunettes et une paraplégie avec une chaise roulante. Il y avait aussi un trouble de langage avec un bâton dans la bouche, de l’acouphène à l’aide d’une machine et des douleurs arthritiques avec de l’équipement spécialisé ou des fèves placées dans les souliers.

 » Se déplacer avec une chaise roulante est plus difficile qu’on pense.  J’avais de la difficulté à tenir mes cahiers en avançant, à ouvrir mon casier, et je n’arrivais pas à ramasser mes choses qui tombaient par terre. J’ai réalisé que ce n’est pas facile de vivre avec un handicap et d’avoir le regard des gens sur soi « , mentionne Koralie Pelchat Dusseault.

Avant de vivre cette situation, toute la classe avait reçu un atelier de sensibilisation dans lequel il y avait eu des échanges expliquant ce qu’est un handicap ou une déficience, ainsi qu’un partage avec quelques personnes vivant avec un trouble de langage ou une paraplégie par vidéo. La phase deux du projet, soit l’avant-midi de simulation, visait surtout à faire vivre une expérience permettant aux jeunes d’être confronté eux-mêmes à une situation de handicap au sein de leur milieu et à l’expérimenter.

 » J’ai aimé que l’activité ne se fasse pas uniquement en classe, mais aussi pendant les pauses. Cela permettait de voir la réaction des autres « , a indiqué Marc-Antoine Ricard.

 » J’ai été surprise par la participation des élèves de ma classe. Par contre, en sortant de la classe avec nos handicaps, c’est là que j’ai remarqué beaucoup de jugements chez ceux qui n’avaient pas été sensibilisés auparavant « , partage Éliane Boivin.

Suite à l’activité, la relecture en classe a été des plus enrichissantes puisque plusieurs élèves ont retenu de belles choses de leur expérience.  La persévérance et les efforts supplémentaires que demandent les handicaps étaient au cœur de la discussion. Le fait qu’ils jouaient le jeu et que ce n’était pas toujours facile aussi. En le vivant, certains ont réalisé l’ampleur de certaines tâches du quotidien qui paraissent simples comme lire, écrire, se rendre à son cours, ramasser quelque chose tombé par terre ou simplement entretenir une conversation. Toutes ces tâches demandent un effort considérable en situation de handicap.

 » J’ai réalisé que les personnes handicapées ont beau être frustrées de leur situation, elles ne pourront jamais s’en débarrasser.  Dès que j’ai eu mon  » handicap « , je voulais toute suite l’enlever et j’ai réalisé à quel point ça peut être pénible « , témoigne Alicia Drapeau.

De beaux échanges ont également permis d’aborder que certains handicaps ne sont pas visibles ni étiquetés ainsi, tel que l’impulsivité ou le déficit d’attention, mais que ceux-ci demandent des efforts constants aux élèves qui le vivent.

 » J’ai un vrai handicap d’audition depuis la naissance et quand j’étais plus jeune, ça ne me dérangeait pas de le montrer.  C’est plus au secondaire que les gens jugent plus, mais en vieillissant, je n’y pense plus vraiment.  Ça me demande certains efforts comme quand j’entends mon nom, je ne sais pas d’où vient le son, je dois regarder autour de moi pour voir où est la personne.  Je trouve qu’on doit normaliser les handicaps.  Ce genre d’activité le permet « , affirme Estel Trottier.

La tolérance et l’ouverture étaient au cœur des discussions en classe et ont certainement permis aux élèves de développer plus d’empathie envers la réalité des autres, aussi différente soit-elle. Certains élèves se sont dit grandis par leur simulation alors que d’autres souhaitent en vivre plus souvent. L’activité était stimulante, originale et appréciée des élèves de secondaire trois qui avaient de belles choses à dire à ce propos. 

 » J’ai remarqué qu’être presque sourd est extrêmement fatiguant, autant en énergie qu’en effort, car il faut toujours essayer de deviner ce que la personne dit. J’ai aimé vivre l’activité car l’ambiance était agréable et c’était à la fois le fun et éducatif « , affirme Samuel Santerre.

 » En étant malentendant, je trouvais que le pire était d’avoir à faire répéter les autres.  Je demandais aux gens de parler plus fort. J’ai aimé qu’on ressente presqu’exactement ce que les gens avec un handicap peuvent vivre et donc, qu’on puisse plus les comprendre. Ça vaut la peine de vivre cette simulation, on apprend des choses sur ces personnes « , renchérit  Tom Pressé.

 » C’était dur et épeurant car j’étais aveugle. Un élève d’une autre classe qui ne savait pas ce qu’on vivait a cassé ma canne. Je me suis mis dans la peau d’une personne non-voyante qui vivrait la même chose et j’ai trouvé ça difficile. Il faut sensibiliser les gens aux défis supplémentaires que représente un handicap.  S’entraider au lieu de se nuire « , ajoute  Melaël Habel.

 » J’ai vécu une perte d’autonomie car j’avais 1 bras que je ne pouvais utiliser et l’autre devait tenir ma canne, donc je ne pouvais apporter mes livres. J’avais besoin d’aide. J’ai pu vivre quelques difficultés vécus par ceux qui ont un handicap et mesurer les réactions que les gens peuvent avoir envers eux « , souligne Laurie Demers.

 » Je ne me suis pas sentie très bien.  J’avais peur du jugement des autres en sortant de la classe. C’est comme si je ne savais pas quoi faire. J’ai trouvé difficile de perdre un de mes sens « , témoigne pour sa part Rosalie Leclerc.

 » Je crois que les élèves en dehors de la classe ont été respectueux et intrigués par ce qui se passait.  Ceux dans la classe ont réalisé les épreuves quotidiennes que les personnes handicapées ont « , affirme Estelle Bergeron.

Joshua St-Pierre s’est quant à lui senti en perte de ses repère et fâché: « Quand je parlais, personne ne comprenait. C’était fatiguant. »

 » En classe, c’était amusant, les élèves étaient ouverts d’esprit. En sortant, les gens nous dévisageaient.  J’ai réalisé que les gens avaient encore beaucoup de jugements envers les personnes vivant avec des handicaps « , termine Emmy Simoneau.

Cette activité a été organisée par l’animatrice à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire, Marlène Dubois ainsi que l’enseignante de français, Anne-Marie Grimard, en collaboration avec Gabrielle Lavoie, en charge du projet Activités d’inclusion de lutte aux préjugés.