La petite histoire du Noël abénakis
ODANAK. Le solstice d’hiver est un moment spécial pour la Nation abénakise, le peuple du soleil levant. Le peuple de l’Est avait d’ailleurs la responsabilité de partager le soleil avec les autres nations autochtones. Ce sont un peu ces célébrations qui se sont transformées, à l’arrivée des premiers missionnaires français, en le Noël d’aujourd’hui.
Les célébrations du solstice d’hiver n’étaient pas les plus grandes célébrations des Abénakis, peuple semi-nomade qui devait plutôt conserver sa nourriture jusqu’à l’arrivée du printemps. Les Abénakis soulignaient cependant les changements de saison, et sa mission était très importante lorsque les périodes d’ensoleillement raccourcissaient. Le mois de décembre marquait donc une période de rituel afin de faire «basculer» la tendance du soleil qui se levait de plus en plus tard et qui se couchait de plus en plus tôt.
Durant ce rituel, le premier levé le matin chantait le yaneho, jusqu’au dernier couché le soir. «C’était une chanson pour appeler le soleil. Ça devenait comme un jeu!», raconte Nicole O’Bomsawin, qui se décrit comme une enseignante, une grand-mère, une abénakise.
Lorsque le peuple abénakis s’est installé à Odanak vers 1700, cela faisait déjà une cinquantaine d’années que les missionnaires chrétiens étaient parmi eux et que les abénakis avaient, bien malgré eux, adopté cette religion qui leur arrivait d’Europe.
Les missionnaires, qui avaient appris la langue abénakise afin d’échanger, mais surtout de convertir les abénakis à la chrétienté, ont traduit des prières et des chants religieux en langue abénakise afin d’inciter les autochtones à se présenter aux messes.
C’est à partir de cette époque que les Abénakis ont réellement commencé à célébrer, non pas «Noël», mais bien la naissance de Jésus. Par contre, ils ne pouvaient pas jouer de tambour, parce que ce n’était pas chrétien. Les feux extérieurs, c’était seulement pour se réchauffer, et non pour célébrer.
Nicole O’Bomsawin raconte d’ailleurs que lorsque les Abénakis souhaitent Joyeux Noël, ils souhaitent plutôt «bonne naissance de Jésus», soit nib8iami8mek, un peu l’équivalent du Feliz Navidad espagnol.
Encore aujourd’hui, un vieil air français, métamorphosé en chant en langue abénakise par les missionnaires pour célébrer la naissance de Jésus, est encore connu et chanté par tous les Abénakis lors de célébrations. Le Wig8damoda, qui est considéré aujourd’hui comme un chant de joie, est transmis de génération en génération.
Le Noël d’aujourd’hui
Chez les Abénakis d’Odanak, le Noël contemporain est grandement influencé par ce qui se passe autour de la communauté. Nicole O’bomsawin souligne que les dindes et les tourtières sont arrivées sur leurs tables à la suite de mariages avec des non-abénakis. Ce n’est d’ailleurs que depuis une vingtaine d’années que les cadeaux se donnent à Noël plutôt qu’au Jour de l’An, alors qu’on préférait célébrer la nouvelle année.
Cependant, Mme O’Bomsawin se remémore, lorsqu’elle était petite, les foules qui se rassemblaient à l’église pour la messe de minuit, même si elles ne fréquentaient que très peu l’endroit le reste de l’année. On y scandait, en langue abénakise, «Jésus s’est fait Abénakis». «Les jeunes filles apportaient des cadeaux à la crèche, comme des paniers et des mocassins, que l’église vendait pour défrayer son fonctionnement», raconte Mme O’Bomsawin.
«On ne peut pas dire qu’on a perdu nos traditions; on les a transformées. Je trouve ça dommage par contre que ce soit devenu très commercial. Cette année, ça va peut-être faire en sorte qu’on sera plus ensemble la petite famille. C’est ça qui est important», conclut-elle.