Vivre de bois recyclé

CHRONIQUE. Lorsque je leur ai rendu visite à Manseau, il y a quelques semaines déjà, Alain et Stéphanie n’étaient pas encore habitués à recevoir de la visite dans leur atelier nouvellement ouvert au public, mais pourtant déjà très connu: l’Atelier Saint-Cerf.

Le couple est en affaires depuis six ans. Il s’est établi à Manseau il y a un peu plus d’un an et demi, probablement pour y rester. Il s’y trouve vraiment bien. «C’est central, et c’est un milieu vraiment accueillant. On a un voisinage extraordinaire», affirme Stéphanie.

En octobre dernier, après quelques mois de travaux, les deux entrepreneurs ont ouvert leur premier «vrai» atelier, juste à côté de leur maison. L’endroit est idéal pour fabriquer les nombreux jouets et produits en bois massif recyclé qu’ils proposent à leur clientèle. Celle-ci provient des quatre coins du Québec et compte, entre autres, de nombreux centres de la petite enfance, parents et grands-parents.

Auparavant, leur équipement était dispersé dans divers entrepôts. Maintenant, tout est réuni sous un même toit. L’endroit n’est pas très grand (75 mètres carrés), mais suffisamment pour répondre à leurs besoins actuels de production. Il y a même de la place pour une petite boutique à l’avant, où règne une agréable odeur de bois.

Alain et Stéphanie ont déménagé souvent avant de s’installer au Centre-du-Québec. Ils ont notamment flirté avec la Gaspésie, pour ensuite s’établir à Rimouski, puis à Honfleur. C’est d’ailleurs à Rimouski qu’ont été jetées les bases de leur entreprise, dans le sous-sol de la maison familiale.

«Notre fils aîné est atteint d’une maladie génétique nécessitant des soins particuliers. Je suis restée à la maison pour m’occuper de lui. Ça nous a amenés à décider de faire l’école à domicile pour éviter des hospitalisations», raconte Stéphanie, qui est aujourd’hui maman de quatre enfants.

Puisque leur fils fatiguait rapidement lorsqu’il participait à des activités de groupe, Stéphanie a commencé à donner des ateliers créatifs chez elle. «Ça lui permettait de côtoyer d’autres jeunes. C’est à ce moment que j’ai conçu mes premiers modèles de casse-tête en bois», se souvient l’entrepreneure.

«On ne voulait pas de produits chimiques dans les jouets de nos enfants, alors on a commencé à leur en fabriquer»

– Stéphanie Meloche

Devant l’intérêt suscité par la suite, le couple en est venu à se questionner sur la possibilité de vivre de ses créations de bois. «Ça a pris une bonne année avant de se décider», poursuit Stéphanie, qui a commencé seule, à titre de travailleuse autonome, pendant qu’Alain poursuivait sa carrière de designer d’intérieur. «J’aimais bien l’idée de travailler de la maison et la perspective d’offrir une option de travail ou de revenu à nos enfants, dont deux sont atteints de la même maladie génétique.»

Une décision judicieuse, puisque l’entreprise s’est développée à la vitesse grand V. Aujourd’hui, l’Atelier Saint-Cerf offre, en ligne et dans 55 points de vente, une trentaine de produits allant des jouets pour enfants et bébés aux accessoires de cuisine, en passant par des boutons et autres créations exclusives en bois.

Depuis deux ans et demi, d’ailleurs, les deux oeuvrent à temps plein dans l’entreprise, dont ils sont les copropriétaires. Ils font tout. Parfois, les enfants leur donnent un coup de main. Le plus vieux, maintenant âgé de 17 ans, crée même des produits.

Contrairement à la plupart des autres entreprises du genre au Québec, aucune machine de découpe automatisée n’y est utilisée, fait remarquer le couple. Chaque pièce est fabriquée à la main, ce qui permet de travailler tout genre de retailles de bois qui, autrement, seraient jetées ou brûlées. «C’est Alain qui tourne chaque pièce, selon une technique bien à lui», confie fièrement sa conjointe.

«J’ai toujours été fasciné par le bois. Mon père était rembourreur et travaillait le meuble. Mon oncle faisait des répliques de voitures en bois. Ça m’a inspiré», raconte Alain, qui a d’ailleurs créé ses propres outils et gabarits, et qui fait lui-même le tour des ébénistes pour récupérer les pièces de bois qui ne servent pas.

Pour eux, demeurer une entreprise artisanale est une priorité, malgré la demande sans cesse grandissante. «On a eu l’occasion à deux ou trois reprises d’obtenir des subventions pour grossir, mais notre objectif n’est pas que monétaire; c’est aussi de travailler à côté de la maison, sans trop de temps plein. On veut passer du temps avec les enfants», disent-ils.

Ils croient que leur nouvel atelier leur fera épargner du temps et de l’énergie. «Ce sera la première année que tout notre équipement sera au même endroit. Le travail sera plus efficace.»

Une fois bien en selle, ils cibleront d’autres projets à prioriser. «On a trop d’idées pour le temps qu’on a dans une vie!, rigolent-ils, après en avoir énuméré une longue liste. On va devoir réserver une journée de notre temps pour choisir lesquelles on va réaliser.»

À suivre!