Gérer le phragmite, cette plante envahissante

PAR SERGE FORTIER, EPCC, consultant en paysage écologique et environnementaliste – Le phragmite, cette graminée envahissante, est de plus en plus présente dans les milieux humides, tels les fossés, les bordures de routes et d’autoroutes, les rives des lacs, ainsi que dans les marais. Cette plante produit de grands roseaux de 3 mètres de haut et se termine par un plumeau brunâtre qui persiste tout l’hiver. Plusieurs gens l’apprécient car ils en font des bouquets de fleurs séchées.

Le phragmite commun a toujours été présent dans la flore Nord-américaine, mais soulignons toutefois que c’est un génotype européen, introduit au cours des derniers siècles, qui est à l’origine des envahissements. Cela a pour effet de changer le paysage québécois en prenant la place des plantes indigènes des milieux humides.

Son élimination pose un défi immense et fait d’ailleurs l’objet de plusieurs recherches. À l’échelle provinciale, la propagation de ce génotype européen est hors de contrôle, mais localement nous pourrions contribuer à limiter sa dissémination.

Depuis trop longtemps, chercheurs, élus municipaux et provinciaux, ministères et particuliers regardent le problème grossir en ne faisant que mentionner qu’il s’agit d’une plante envahissante. Pourtant, il y aurait des moyens très accessibles et, de plus, rentables pour ralentir la propagation de cette plante envahissante.

Analyse de la situation

Le phragmite est considéré comme étant une pompe à phosphore. C’est d’ailleurs une raison pourquoi la nature l’a choisie pour ainsi recycler le phosphore trop présent dans nos milieux humides. D’un côté, nous cherchons des moyens pour assainir nos plans d’eau et le phragmite le fait… en autant que nous ne laissions pas le feuillage pourrir sur place, car l’humus qui se formera libérera le phosphore et contaminera à nouveau le plan d’eau. Il faudrait donc récolter le phragmite pour cette première raison.

Le phragmite se propage de deux façons différentes : par les rhizomes souterrains qui agrandissent le massif et par la production de graines qui implantent de nouveaux massifs de plus en plus loin. Pour ce qui est du massif qui s’agrandit, ce n’est pas le principal problème. C’est plutôt la production de graines qui est catastrophique, car ce sont elles qui menacent l’est du Québec et le Nouveau-Brunswick. Récolter le phragmite avant sa floraison est encore la solution.

Le feuillage de phragmite est très riche en éléments nutritifs. Cette biomasse de plus en plus abondante fait un excellent paillis dans les cultures maraîchères et ornementales. Elle forme un compost très riche et permettrait de retourner à la terre les éléments nutritifs qui provenaient des champs et qui ont été lessivés dans ces milieux humides par le vent et les pluies.

En tant que consultant en environnement et en paysages écologiques, avec une expertise d’une trentaine d’années derrière moi et après l’avoir expérimenté, j’en arrive à cette conclusion : la solution, c’est de faucher le phragmite en cette période de l’année. Cela évite sa propagation par les graines, purifie les plans d’eau en retirant les éléments nutritifs captés par son feuillage et assure une récolte de paillis efficace ou de compost nutritif.

Avec cette solution, le phragmite ne serait plus perçu comme un problème ingérable, mais plutôt comme une récolte profitable et peu dispendieuse.

D’ici à ce que nos élus instaurent des moyens et des solutions, chaque individu peut contribuer au contrôle de ce fléau en récoltant et en valorisant son feuillage, en tout temps et au besoin, mais avant sa montée en graine.

C’est cela ou l’on se retrouvera avec du phragmite partout et l’on rêvera au temps où nos milieux humides foisonnaient de biodiversité et de floraison variées.