Yvonnic Gras: combattant de l’enfer blanc

PORTRAIT. Saint-Léonard-d’Aston, lundi le 25 février, il est 19h45, un homme discipliné embarque à nouveau dans sa déneigeuse. Encore une autre journée d’un hiver particulièrement intense qui a commencé très tôt avant l’aube. L’auteur de ces lignes a eu le privilège de partager un bout de route avec Yvonnic Gras, qui a accepté généreusement de se confier sur son métier.

«Je me suis levé il était trois heures du matin. J’ai fait du dispatch et de la surveillance de la météo. Ça évolue. Ça peut être de la neige, de la pluie ou du verglas. On s’adapte à savoir s’il faut mettre des abrasifs ou si on fait juste gratter en attendant que les vents passent. On essaie de faire notre possible pour que les routes restent praticables pour tout le monde», souligne l’opérateur de machineries lourdes qui compte maintenant dix ans d’expérience.

Jeune, Yvonnic Gras a voulu intégrer les Forces armées canadiennes. «Ils ne voulaient pas de moi à cause de ma myopie!», se rappelle-t-il. Il ne sera donc pas déployé au Moyen-Orient, mais il sera plutôt le soldat d’une autre guerre: celle à la neige. Celle du maintien de la sécurité routière des gens de Saint-Léonard-d’Aston et des environs. Un combat qui se fait jour et nuit et en équipe.

(Photo Stéphane Lévesque)

Cette soirée-là, justement, l’entrepreneur vient prendre le relais de collègues qui profitent d’un court repos du guerrier. Il faut savoir que dans le déneigement comme dans l’industrie du camionnage en général, il y a des quotas d’heures à respecter. Il y a des règles, mais c’est surtout une question de sécurité pour Yvonnic qui, on le sent, a à cœur le bien-être des employés de l’entreprise familiale. Et cette année, il est particulièrement nécessaire de se serrer les coudes pour faire face à un hiver qui attaque sur tous les fronts.

«On en a un bon, cette année! Pas pour la grosseur des tempêtes, mais plutôt pour la fréquence des sorties. On a quelques redoux qui nous ont permis des jours de congé mais sinon, on sort d’une période de trois semaines en ligne où l’on est sorti tous les jours», souligne l’homme qui n’est pas du genre à se plaindre.

Cependant, il a quand même accepté de se confier sur certains irritants. «À l’occasion, je sais que d’un œil extérieur, ça peut avoir l’air d’avoir été mal entretenu, mais parfois on a passé plus tôt quand les personnes dormaient et la nature a repris le dessus», exprime Yvonnic.

On le devine, les déneigeurs ne peuvent pas être partout au même moment! Également, la conduite automobile très hasardeuse de certains suscite un fort désagrément. «Il est hyper dangereux de nous dépasser quand on ne voit pratiquement pas en avant», rappelle avec prudence le père de quatre enfants.

En plus de la fatigue qui, parfois, s’accumule et les impacts sur la vie familiale, la vibration constante du véhicule pèse lourd sur le dos et les épaules des combattants de l’enfer blanc. Tous ceux qui ont vu neiger le savent: l’hiver québécois est dur pour ses soldats.

Les bons côtés du métier l’emportent cependant sur les aspects négatifs. Homme de défi, comme tous les opérateurs qu’il connait, il avoue ressentir un genre de frisson, une excitation quand il y a une tempête, quand il doit mener le combat, son combat.

«De venir à bout de mettre la chaussée belle, c’est un thrill. On ne pourra jamais totalement gagner contre la nature. C’est elle qui décide, c’est elle qui nous mène. Mais quand il y a une belle bordée de neige, c’est le fun de tasser toute cette neige-là pour rendre la route sécuritaire pour tout le monde», dit-il avec satisfaction.

22h00, après un problème mécanique, Yvonnic Gras, le combattant, repart avec un nouveau camion pour affronter à nouveau l’enfer blanc dans une nuit hivernale qui finira bien par finir!