Une nouvelle école pour et par les Premières Nations

ODANAK.  La semaine dernière, les étudiants de la deuxième cohorte de l’École des dirigeants des Premières Nations (EDPN) étaient de passage à Odanak afin de poursuivre leur formation propulsée par HEC Montréal. Cette école propose une approche unique et novatrice de co-formation pour les élus, administrateurs, gestionnaires et entrepreneurs autochtones. Alors que le premier des quatre modules se donne à HEC Montréal et que les deuxième et troisième modules sont offerts en ligne, le dernier module est offert dans l’une ou l’autre des communautés des Premières Nations de la province.

Ce sont 17 représentants de six Nations – Micmacs, Atikamekws, Mohawks, Innus, Naskapis et Anichinabés – qui ont assisté à trois jours de formation dans les locaux de l’Institut Kiuna. L’objectif? Profiter du savoir-faire et de l’expérience de formateurs qui offrent des ateliers coconstruits représentant autant le leadership pédagogique des Premières Nations que celui des allochtones.

 » On a créé l’École des dirigeants des Premières Nations, parce qu’on veut prendre notre place et voir un changement positif et avoir un impact positif sur l’ensemble de la société, autant allochtone qu’autochtone « , mentionne Manon Jeannotte, directrice et cofondatrice de l’École des dirigeants des Premières Nations et membre de la communauté micmaque de Gespeg. Elle a bâti le projet aux côtés de Ken Rock, membre de la communauté innue.

Comme tous les membres de leur communauté, Manon Jeannotte et Suzie O’Bomsawin, directrice générale adjointe au Conseil des Abénakis d’Odanak et formatrice pour l’EDPN, ont rapidement pris conscience que les notions qui leur étaient enseignées lors de leurs études ne s’appliquaient pas à leur réalité.

 » Je suis diplômée du Collège des administrateurs de sociétés. Durant mon parcours, il y avait peu ou pas d’exemples concrets qui me rejoignaient dans mon quotidien. J’ai appris plein de choses pertinentes, ça a été super enrichissant, mais en même temps, quand j’arrivais pour transposer les notions apprises à ma réalité, ça demandait beaucoup d’efforts d’adaptation « , explique Mme O’Bomsawin.

Cette dernière explique que dans les systèmes de gouvernance des Premières Nations, il existe plusieurs particularités qui ne sont pas prises en compte ou tout simplement inconnues des allochtones.

 » Il faut voir un Conseil comme l’équivalent d’un gouvernement. En fait, ici on utilise de plus en plus le terme de gouvernement des Abénakis d’Odanak, plutôt que Conseil des Abénakis d’Odanak, pour démontrer l’ampleur de toutes ses responsabilités « , poursuit Mme O’Bomsawin.

En effet, les conseils œuvrent sur l’équivalent de plusieurs paliers gouvernementaux. Ils prennent en charge les affaires municipales, comme les infrastructures, mais également celles de niveau provincial ou fédéral, comme l’éducation, les services sociaux et la santé.

 » Notre réalité est complètement différente, tout comme notre système de gouvernance. Les gens n’ont souvent pas conscience de toute la responsabilité qu’on a sur nos épaules. Lors de mes études, je me disais… ok, c’est comme ça dans les organisations allochtones, mais chez nous ça ne s’applique pas! Je ne peux pas faire ça comme ça! C’est de là que vient le besoin de la co-construction des ateliers. On le réfléchit ensemble, on remodèle et on repense les notions académiques « , ajoute Mme Jeannotte. 

 

Une formation enrichissante pour tous

Suzie O’Bomsawin, directrice générale adjointe au Conseil des Abénakis d’Odanak depuis janvier dernier, a été auparavant directrice du bureau du Ndakina au Grand Conseil de la Nation Waban-Aki pendant presque 9 ans. Pour la seconde fois, elle a eu la tâche d’animer une formation pour l’École des dirigeants des Premières Nations sur la gouvernance créatrice de valeurs.

 » C’était quelque chose de nouveau pour moi de m’embarquer dans un projet comme ça! Je n’avais pas nécessairement d’expérience préalable en enseignement, mais j’ai quand même eu l’opportunité de rencontrer plusieurs personnes et de participer à plusieurs projets, et de jongler entre administration et politique « , explique la formatrice.

Dans sa formation, Mme O’Bomsawin a jumelé des exemples concrets issus de ses expériences en lien avec les communautés aux composantes plus théoriques de son co-formateur, professeur à l’Université de Montréal. En jumelant leurs connaissances ainsi, les échanges et les apprentissages sont favorisés, autant pour les élèves que pour les enseignants. C’est également une occasion de former un grand réseau entre les différentes Nations.

 » Le succès de l’école, c’est également qu’elle connecte les gens des différents conseils ou organisations entre eux. C’est alors plus facile d’échanger sur les bonnes pratiques et sur les bons coups, parce que ce sont des réalités qui se transposent plus facilement « , assure Mme O’Bomsawin.

 » Quand je compare l’expérience que j’ai eue à l’École des administrateurs et celle que j’ai ici, les discussions sont clairement plus enrichissantes ici, car elles résonnent davantage chez nous, ce qui donne des partages plus approfondis « , conclut Suzie O’Bomsawin.