Un projet de retraite qui porte fruit
BÉCANCOUR. Après avoir passé leur vie sur la Rive-Sud de Montréal, puis en Gaspésie, Jean Letarte et sa femme, Jocelyne Brunelle, ont décidé de revenir dans leur coin de pays. Malgré la retraite, il était hors de question de se tourner les pouces. Il fallait un projet qui allait les garder jeunes et en santé. Le couple a alors fait l’acquisition de la Ferme des Trois Ruisseaux, un verger situé à Bécancour, bien que tous deux ne s’y connaissaient aucunement en pomiculture!
«On cherchait un nouveau projet à faire dans le plaisir pour revenir dans le coin, mais on ne voulait pas s’installer dans un bungalow avec un terrain tout entouré. En Gaspésie, on a découvert les grands espaces», raconte M. Letarte.
Ce projet, il va au-delà du verger et de l’autocueillette. En plus de leurs 400 pommiers, de leurs poules et de leurs deux alpagas Sico et Octave, leurs terres comportent une centaine d’érables et une demi-douzaine de ruches.
«On voulait beaucoup de diversité et donner un peu plus de valeur à la ferme. On est en train de développer l’apiculture, on a une érablière dont on veut commencer l’exploitation l’année prochaine et on fabrique déjà du jus de pomme», énumère M. Letarte. Puis, c’est en discutant avec son frère, qui avait de l’expérience dans la fabrication du vin, que l’idée de fabriquer son propre cidre a germé dans l’esprit de Jean Letarte.
Après de longues démarches auprès de la Régie des alcools, des courses et des jeux, Jean Letarte et Jocelyne Brunelle ont enfin obtenu leur permis de fabrication artisanale de cidre et de mistelle. «C’est quand même une bonne démarche!», lance M. Letarte. «Ça prend du courage!», approuve sa compagne en riant. Leurs efforts ont toutefois porté leurs fruits. Les premières bouteilles de cidre devraient pouvoir être dégustées dès l’automne prochain.
Bonne à croquer, bonne à siroter!
Afin d’obtenir ce permis, rien n’est laissé au hasard. Les propriétaires du verger ont dû passer par plusieurs étapes et répondre à de nombreuses exigences. Parmi celles-ci, les détenteurs du permis doivent posséder au moins un hectare de verger ainsi que des locaux salubres et conformes, et que les activités soient supervisées par un gestionnaire en hygiène et salubrité. Mme Brunelle a d’ailleurs suivi la formation pour devenir cette personne ressource.
De plus, le couple a dû fournir un plan de leurs bâtiments ainsi que les procédés de fabrication de leur cidre. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg!
Comme la Ferme des Trois Ruisseaux est déjà équipée pour la confection du jus de pomme, il n’a pas été nécessaire d’acquérir de nouvelles installations pour celle du cidre de pomme. «Ce qu’il nous manquait, c’était plutôt les procédés. Le local était déjà conforme, il avait été construit en conséquence», précise M. Letarte. C’est cette même salle de travail qui sert à mettre le miel en pot.
L’an prochain, Jean Letarte et Jocelyne Brunelle vont planter 240 nouveaux arbres. Ceux-ci remplaceront 160 arbres en mauvais état, et la différence sera plantée dans une toute nouvelle parcelle réservée aux pommes à cidre, minutieusement choisies pour la confection du cidre. En 2023, cette parcelle accueillera 80 arbres supplémentaires pour la compléter.
M. Letarte explique que tout comme le vin, on peut choisir de fabriquer un cidre plat ou mousseux, et pour ce qui est du goût, le choix du fruit a une influence de premier ordre sur le résultat final. «Normalement, quand on prend une pomme à manger, on va rechercher une pomme assez sucrée et légèrement acidulée pour donner un bon goût en bouche. Une pomme à cidre n’est pas nécessairement bonne à croquer, c’est une pomme plus amère», explique M. Letarte.
«L’amertume, avec un peu d’acidité et beaucoup de sucre qui va se transformer en alcool, va donner du corps au cidre et donner un produit de meilleure qualité. Créer sa recette de cidre, ça aussi, c’est toute une expérimentation!» lance-t-il. «On a fait beaucoup de lecture», ajoute Mme Brunelle.
«On ne connaissait rien au départ! On apprend, on fait des erreurs aussi. Comme l’an dernier, on a trop taillé nos arbres et ça a eu un impact sur les récoltes. On essaie de s’ajuster en conséquence, on suit des formations en ligne», révèlent les propriétaires.
«On est en train de réaliser un projet qui va un peu à l’encontre des projets actuels, car les nouvelles fermes sont souvent de grosses fermes, de grands champs, de grosses étables. Nous, ce qu’on essaie de faire, c’est la diversité. C’est un peu la ferme impossible, parce que c’est difficile de réussir à rentabiliser un produit qui est autant diversifié. Ce n’est pas nécessairement rentable, mais ce qui importe c’est le plaisir qu’on en retire. Quelle tendance ça va prendre? On y va selon les années, selon nos idées et selon nos capacités», conclut Jean Letarte.