Un enfant sur sept vulnérable dans le domaine cognitif et langagier

RÉGION.  Face à des données préoccupantes sur le développement cognitif et langagier des enfants avant la maternelle dans la région, la Direction de la santé publique de la Mauricie/Centre-du-Québec lance un nouveau projet pour promouvoir le développement du langage chez les enfants 0-3 ans. L’outil principal: le livre.

Dans notre région, les plus récentes données de l‘Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM) révèlent qu’un enfant sur sept présente des enjeux de développement sur les plans cognitif et langagier.

“Un enfant sur sept, c’est énorme! Entre 2012 et 2022, on constate une augmentation de la vulnérabilité des enfants dans quatre domaines: cognitif et langagier, maturité affective, compétences sociales et santé physique et bien-être. C’est dans le domaine cognitif et langagier que l’augmentation de la vulnérabilité est la plus importante”, explique Dre Manon Toupin, médecin en santé publique.

“C’est une courbe inquiétante, poursuit-elle. C’est préoccupant pour le Québec comme pour notre région. C’est pour cette raison qu’on a décidé de mettre en place cette initiative. On veut montrer que les animations autour d’un livre sont bénéfiques.”

Au total, 191 livres seront distribués par des intervenants du CIUSSS à des familles de la Mauricie et du Centre-du-Québec durant l’été dans le cadre de l’initiative Jamais trop tôt pour un plaisir partagé autour du livre.

Il faut savoir que l’initiation au livre dès le plus jeune âge favorise l’éveil à la lecture et diminue la vulnérabilité des enfants à leur entrée en maternelle.

“Lorsqu’il est introduit tôt et fréquemment dans la vie d’un enfant, le livre devient un véritable moteur pour son développement langagier. Il favorise l’apprentissage de nouveaux mots et consolide également le lien d’attachement avec le parent, en plus de nourrir l’enfant dans ses compétences socio-affectives”, ajoute-t-elle.

Cependant, l’Enquête québécoise sur le parcours préscolaire des enfants de maternelle montre que les lectures partagées avec les tout-petits sont amorcées plus tardivement en Mauricie/Centre-du-Québec comparativement au reste de la province. 

“Cette étude montrait aussi que dans la région, huit parents sur dix considèrent que leur enfant est peu ou pas intéressé par les activités de littératie, c’est-à-dire lire, parler et écrire, mentionne Dre Toupin. Par ailleurs, 57% des parents indiquaient que leur enfant n’a pas eu accès à la bibliothèque ou l’a fréquentée rarement ou jamais. Au Québec, on voit que la proportion des enfants vulnérables dans au moins un domaine de développement est plus faible chez les enfants qui fréquentent la bibliothèque.”

Dre Manon Toupin fait toutefois remarquer que dans la région, près de 60% de la population n’atteint pas le niveau 3 de littératie. Le niveau 3 fait état de la capacité à lire des textes denses ou longs nécessitant d’interpréter et de donner du sens aux informations.

“Les parents qui ont eux-mêmes de la difficulté à lire ont peut-être aussi moins envie de lire un livre à leur enfant. Ça peut être un frein, présume la médecin en santé publique. Notons aussi que la conjoncture actuelle avec les importantes coupures imposées du milieu de l’éducation n’est pas idéale, surtout si ces coupures touchent des intervenants spécialisés comme des orthophonistes ou des orthopédagogues. Il y a un risque pour les enfants plus vulnérables de ne pas avoir accès à ces services ou devoir aller au privé pour les obtenir.”

Un coup de pouce pour outiller les parents

Les livres qui seront distribués sont adaptés à la tranche d’âge ciblée et accompagnés d’un signet avec un message positif sur l’importance au quotidien d’intégrer des moments de douceur, de plaisir et de communication avec son enfant.

Par un code QR sur le signet qui lui sera remis, le parent a accès aux astuces d’une orthophoniste pour animer des activités avec son tout-petit en incluant le livre. Notons que le choix des livres a aussi été suggéré par des orthophonistes de l’établissement.

“Ce n’est pas évident de savoir comment lire avec un enfant de trois ans et moins. Je pense que ce qu’il faut retenir, c’est que ça doit se faire dans le plaisir. Ce n’est pas une corvée: c’est un moment privilégié que l’on partage avec son enfant, explique Dre Toupin. On n’est pas obligé de le lire de la première à la dernière page. L’enfant va prendre le livre, peut-être le mâchouiller, peut-être aller à une page au hasard et regarder l’image. Il suffit de suivre l’intérêt de l’enfant. On peut interagir avec les personnages du livre, nommer et pointer les images, l’enfant peut bouger et imiter le personnage. On peut répéter les mêmes mots et les mêmes sons d’une journée à l’autre. Il est recommandé de lire souvent, mais pas nécessairement longtemps.”

D’autres conseils sont aussi disponibles au https://ciusssmcq.ca/conseils-langage.

Pour aller plus loin

Divers services sont proposés aux parents dans le but de favoriser le développement du langage chez les jeunes enfants pour explorer différentes stratégies pour stimuler les habiletés langagières de leur enfant, âgé de 18 mois à 5 ans, lorsqu’un retard ou des difficultés sont observés.

Des séances d’information sont régulièrement offertes aux parents afin de mieux les outiller. Une grande variété de groupes d’intervention en langage est disponible sur l’ensemble du territoire de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

Au cours de la dernière année, plus de 120 séances d’information et groupes d’intervention ont été organisés, permettant à plus de 800 enfants et parents de bénéficier de services adaptés à leurs besoins. 

En cas de préoccupations concernant le développement du langage de leur enfant, les parents sont invités à consulter un professionnel de la santé.