Reprendre le contrôle de son Histoire

ODANAK.  Xavier Watso se décrit comme un entertainer, un pédagogue et un militant. L’enseignant en art dramatique d’origine abénakise a décidé de combiner toutes ces forces qui lui appartiennent pour se lancer dans une aventure TikTok. Aujourd’hui, ce sont plus de 34 500 personnes qui le suivent à travers le monde.

Plusieurs objectifs se cachent derrière le projet de Xavier Watso. Tout d’abord, l’enseignant au secondaire souhaitait rester à l’affût de ce que les jeunes utilisent comme application. « J’essaie de suivre leur vague. TikTok, c’était la nouvelle affaire qui était sur le bout des lèvres de mes élèves, alors j’ai décidé de me lancer là-dedans », explique l’enseignant au secondaire.

Est-ce que la relation avec ses élèves en a changé depuis que l’influenceur a obtenu son fameux crochet bleu? « Ils en parlent beaucoup! Ce n’est pas tous les jours que tu as un enseignant qui est vérifié sur TikTok. Je pense même que je suis le seul au Québec, je n’en connais aucun autre. Être vérifié, ce n’est pas donné à tout le monde, j’ai quand même été chanceux de le devenir. Les élèves voient ça comme quelque chose de vraiment cool », explique-t-il.

Le second objectif de Xavier Watso était de profiter de la plateforme sociale pour partager et faire rayonner sa culture. « Parce que je suis un militant autochtone dans l’âme, je pense que j’ai toujours ressenti ce besoin de pousser plus loin la réflexion et d’aller éduquer les gens par rapport à l’appropriation culturelle, à la langue autochtone et aux reconnaissances territoriales », avoue M. Watso.

Pourtant, Xavier Watso a dû lui-même reconnecter avec sa propre culture dans sa jeune vingtaine. Lui qui a grandi en-dehors de sa communauté n’avait que peu pour le rattacher à Odanak, outre sa famille élargie qui y demeure encore.

« Ce n’est pas qu’on n’était pas intéressé à la langue ou à la culture abénakises. Ce n’est pas quelque chose qu’on a perdu, c’est quelque chose qui nous a été arraché. Ma grand-mère est allée en pensionnat et elle n’a pas été capable de transmettre à ma mère la culture et la langue, alors ma mère n’a pas pu nous le transmettre non plus », déplore l’influenceur.

« Maintenant, on est en train de reprendre le contrôle de notre trame narrative, de notre propre culture, de nos propres vies, de ce que ça veut dire pour nous d’être Abénakis, et on redonne à nos enfants. J’ai deux enfants et ils ont accès à des choses auxquelles je n’ai jamais eu accès moi-même. Ils portent des noms abénakis, ils ont déjà participé à certaines cérémonies et ils parlent abénakis », poursuit-il.

« Je le fais pour eux, mais je le fais aussi pour moi, parce que c’était une partie de moi-même qui me manquait sans que je ne le réalise avant. »

Depuis de nombreuses années, Xavier Watso travaille fort pour se réapproprier ses traditions et pour apprendre sa langue, dans le but de se rapprocher le plus possible de sa communauté et de sa culture. « Je me suis embarqué dans un groupe de Pow Wow Drum avec mon cousin Jacques Watso, les Flying Sturgeons, et on joue dans les Pow Wow! », lance-t-il.

Des communautés qui se tiennent grâce aux réseaux sociaux

Xavier Watso se considère comme chanceux du succès fulgurant de son TikTok. Il a atteint les 10 000 abonnés tout juste un mois après le lancement de sa première vidéo. Il ne s’attendait pas à une telle réponse. « Je ne suis plus dans ma jeunesse et je suis quand même assez vieux comparativement aux gens qui sont sur la plateforme, alors je ne m’attendais pas à ce que ça explose autant! En même temps, je sais que ce que je dis est assez intéressant », dit-il.

« Je pense que je suis un des créateurs de contenu les plus versatiles. D’ailleurs, je ne connais aucun autre compte TikTok qui est bilingue. Je fais des vidéos en anglais et en français, et les deux fonctionnent », révèle M. Watso. Les trois principales catégories qu’aborde l’influenceur sont l’humour autochtone, la militance autochtone et la valorisation de la langue.

Malgré sa popularité, M. Watso refusait le titre « influenceur », peut-être de par la connotation négative qui est parfois rattachée au terme. Cependant, il a fini par l’accepter, réalisant qu’il était déjà influenceur, bien avant de se retrouver sur TikTok. « Les enseignants sont des influenceurs. Un influenceur, c’est quelqu’un qui a une influence positive envers les gens qui sont autour d’eux, et les profs font ça tous les jours. J’étais un influenceur dans ma classe, et maintenant je le suis aussi sur les réseaux sociaux », précise ce dernier.

Les réseaux sociaux sont devenus une arme puissante pour que les Autochtones puissent enfin se faire entendre. « Il n’y avait plus vraiment de mouvement au début des années 2000 et on était en train de tomber dans l’oubli. Avec l’arrivée des réseaux sociaux sont arrivés certains mouvements, dont Idle No More, le premier gros mouvement autochtone. Les Autochtones ne laisseront plus les gens se fermer les yeux », explique Xavier Watso.

« On s’est alors regroupés par le biais des réseaux sociaux, parce qu’on s’était éloignés. Il faut se rappeler que le but des réserves, c’était de nous placer dans des espèces de cage pour nous éloigner les uns des autres, pour qu’on ne puisse pas s’organiser et se réunir. Avec les médias sociaux, on a découvert que même si on est différent, qu’on a des cultures différentes et des traditions différentes, on a quand même vécu les mêmes traumas et les mêmes difficultés, et aussi les mêmes joies, parfois », poursuit-il.

« À travers Instagram et TikTok, il y a de grosses communautés qui se bâtissent et qui se tiennent ensemble, et on ne laissera plus jamais les gens oublier qui on est », conclut Xavier Watso.