Michel Morin se souvient

POLITIQUE.  À 72 ans bien sonnés, l’ancien député de Nicolet-Yamaska (aujourd’hui Nicolet-Bécancour) n’a rien perdu de son aplomb quand vient le temps de manier la scie à chaîne et de parler politique.

C’est justement autour d’une corde de bois qu’il a lui-même coupé que Michel Morin s’est rappelé du 30 octobre 1995, de son passé d’enseignant d’histoire au Collège Notre-Dame-de-l’Assomption de 1975 à 1994, mais aussi de son papa, un organisateur du temps de Clément Vincent. Avec de la lumière dans les yeux, il s’est souvenu tendrement des moments où il accompagnait son père Marcel lors des campagnes électorales unionistes de jadis.

«J’adore bucher, ça me fait prendre l’air. Habituellement, je prends deux bonnes marches par jour. Je garde la forme», explique celui qui donnait des cours d’histoire à l’Université du troisième âge jusqu’à l’arrêt lié à la COVID-19. Un intérêt pour l’enseignement qui l’aura suivi toute sa vie d’adulte. Tout comme la politique.

Unioniste et conservateur

«En 1966, avec mon père, je me suis impliqué pour la campagne de l’Union nationale. La journée où j’ai été assermenté pour la première fois en 1994, j’ai pensé à lui qui était décédé depuis une dizaine d’années. J’avoue que j’aurais aimé ça qu’il soit là. Comme lui, je suis un vieux bleu. Clément Vincent, c’était mon idole. Il m’a donné de bonnes bases en politique. Il était honnête et disponible. Monsieur Vincent, il travaillait ses dossiers et il était proche de son monde», souligne Michel Morin pour qui l’entrée politique en 1994 se fera à l’enseigne de la souveraineté du Québec.

«Au référendum de 1980, j’étais unioniste, avec Rodrigue Biron, et je m’étais impliqué pour le comité du Oui dans Nicolet-Yamaska. On n’était pas nombreux, ici, ceux de l’Union nationale qui étaient pour le Oui. Je me suis toujours dit qu’on n’est jamais mieux dirigé que par soi-même. L’avenir m’a donné raison», croit celui qui va quand même prendre le «Beau risque» de René Lévesque et de Brian Mulroney en 1984.

«Après le rapatriement de la constitution sans l’accord du Québec de Trudeau, on a cru à un fédéralisme renouvelé qui reconnaîtrait le Québec comme une société distincte. C’est là que je suis devenu attaché politique pour Louis Plamondon quand il était au Parti progressiste-conservateur du Canada. Mais avec l’échec de Meech, quand Louis a démissionné avec Lucien Bouchard, c’est moi qui l’accompagnais. C’était difficile, car j’ai toujours eu du respect pour Brian Mulroney. Il a été un bon premier ministre. Brian Mulroney voulait reconnaître le Québec. Mais là, avec le refus du Canada, ça prouvait que jamais les anglophones n’accepteraient le fait que l’on soit une société distincte. Et on est une société distincte et on va toujours l’être», exprime-t-il toujours convaincu.

Les élections de 1994
S’étant toujours considéré comme un bon deuxième, c’est en 1994, au sein du Parti québécois alors dirigé par Jacques Parizeau, qu’il prend un second «Beau risque». Laissant de côté l’enseignement qu’il a toujours aimé, Michel Morin se présente face à Maurice Richard, le député sortant. Le péquiste l’emporte avec une majorité de 907 voix sur le libéral.

«Ça n’a pas été facile. Maurice Richard était très apprécié. C’est vraiment un chic type. Mais j’avais une belle équipe et je l’ai travaillé, mon comté. J’ai marché entre 10 000 et 12 000 portes. Ma motivation, c’était de faire la souveraineté du Québec. J’aimais aussi la politique: être avec le monde et rendre service. Le soir, quand les résultats sont sortis, maudit qu’on était content! J’étais fébrile», se souvient-il avec émotions.

Le référendum de 1995

Une fois la prise du pouvoir consacrée, le repos sera de courte durée. Car une campagne référendaire va bientôt s’amorcer. «On a gagné dans Nicolet-Yamaska. On est passé du Oui, en 1980 à 36%, à 56 % en 1995. C’est le deuxième comté où il y a eu la plus grande progression. Mais au total, pour le Québec, au référendum de 1995, notre pays, on nous l’a volé», déclare sans hésitation un Michel Morin qui l’a encore sur le cœur.

«Le fédéral, Via Rail, Air Canada et le Love-In à Montréal se sont sacrés pas mal de notre loi référendaire qui limitait les dépenses des deux camps», dénonce-t-il. «J’y repense souvent même aujourd’hui, serré comme ça, à peine 54 288 votes de majorité pour le Non, on aurait dû continuer. On aurait pu demander une enquête internationale. Ils auraient découvert de la fraude c’est certain et on aurait pu en refaire un sous la supervision de l’ONU par exemple. Mais Jacques Parizeau a démissionné. On était secoué», se rappelle Michel Morin, qui ne sera quand même pas déçu du passage de Lucien Bouchard à titre de premier ministre du Québec.

«Lui, il voulait mettre les finances du Québec en ordre et réunir les conditions gagnantes. Il y a eu la réforme de la santé et le virage ambulatoire. Pour prendre un virage, ça prend de l’argent, on n’en avait pas et on a pris le champ», reconnaît-il avec le recul qu’amènent les années qui passent.

Et las des guerres intestines qui ont trop souvent secoué l’histoire du Parti québécois, Lucien Bouchard démissionnera le 11 janvier 2001. «Il était tanné. Le PQ, c’est une drôle de bibitte. On avait quatre conseils nationaux par année et à chaque fois, il fallait que le chef mette ses tripes sur la table. C’est fatiguant en maudit mais en même temps, le Parti québécois, c’était un parti d’idées. Ça faisait beaucoup de débats et de « drames ». Dans le temps, j’avais justement suggéré de faire des cartes de membre en plastique pour éviter de les déchirer trop souvent», relate-t-il en riant.

L’homme de confiance de Bernard Landry

Rapidement, dans la soirée du 11 janvier 2001, Bernard Landry entre en contact avec Michel Morin: «Je sais que tu es un bon organisateur et je voudrais que tu me donnes un coup de main». Ce que fera le natif de Saint-Célestin.

C’est lui qui entrera en contact avec les députés péquistes pour tester les appuis de Bernard Landry pour succéder à Lucien Bouchard et ainsi devenir premier ministre du Québec.

Une fois élu, pour le remercier, le nouveau chef du Parti québécois le désignera whip en chef du gouvernement. Ayant la confiance d’André Boisclair, il conservera ce poste dans l’opposition jusqu’aux élections de 2007, où Michel Morin ne se représente pas.

L’avenir du Parti québécois et de la souveraineté

«Le PQ, il n’est pas mort, mais il n’est pas fort», reconnaît Michel Morin, qui est toujours membre de la formation politique fondée par René Lévesque en 1968. «J’ai voté pour Paul St-Pierre Plamondon, mais ç’a été un choix difficile entre lui et Sylvain Gaudreault. J’ai finalement choisi la jeunesse. Mais je n’ai fait aucun téléphone. J’avoue que je n’avais pas beaucoup d’intérêt. Je suis devenu un péquiste fatigué», avoue celui qui n’est cependant pas tenté par la Coalition Avenir Québec. «Je suis encore pour la souveraineté même si ce n’est pas facile. Je trouve que François Legault fait une belle job, mais quand je le vois aller quêter à Ottawa, il se fait dire « Non ». C’est pareil comme Duplessis, Lesage, Bourassa et tous les autres qui se sont fait dire « Non »», déplore-t-il, en se souvenant du fervent souverainiste qu’était François Legault lors de son arrivée au PQ en 1998.

«Comme whip, comme responsable de la présence des députés en Chambre, je lui accordais souvent des permissions pour s’absenter afin de faire des discours pour faire la promotion de la souveraineté», indique Michel Morin, qui croit que l’actuel premier ministre du Québec garde un fond du souverainiste convaincu qu’il a été, comme Donald Martel d’ailleurs.

«La CAQ, je crois que c’est une réincarnation de l’Union nationale. Elle regroupe des nationalistes, c’est certain. Mais on n’est pas encore au « Égalité ou Indépendance » de Daniel Johnson. Peut-être qu’ils attendent un autre revers, un autre Meech pour se choquer», pense Michel Morin, qui ne se fait pas cependant prier pour vanter la force économique de l’actuel gouvernement. «François Legault, c’est un comptable. Avec Fitzgibbon et Girard, il est entouré de gars qui savent compter», constate-t-il.

Bien qu’en paix avec lui-même, le bleu enraciné dans la terre de chez nous regrette quand même de ne pas avoir vu le Québec devenir un pays de son vivant. «J’espère que mes enfants et mes petits-enfants vont faire la nécessaire souveraineté du Québec», conclut-il, vaillant, avant de reprendre sa scie pour couper le bois.

Notons que Michel Morin participera en novembre à l’émission Mémoires de députés au canal de l’Assemblée nationale.

 

Biographie de Michel Morin

Né à Saint-Célestin, le 27 mars 1948, fils de Marcel Morin, agriculteur, et de Simone Daneau.

Obtint un baccalauréat en histoire et un certificat en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) en 1973, et une maîtrise en histoire à l’Université de Sherbrooke en 1980.

Assistant de recherche en histoire à l’Université Laval de 1973 à 1975, professeur d’histoire au Collège Notre-Dame-de-l’Assomption à Nicolet de 1975 à 1994 et adjoint du directeur des services pédagogiques de 1992 à 1994. Commissaire à l’immigration et au statut de réfugié de 1989 à 1992.

Cofondateur et vice-président de la Société d’histoire régionale de Nicolet et directeur de la revue d’histoire régionale Les Cahiers nicolétains de 1979 à 1989. Membre du conseil d’administration de la Société canadienne d’histoire de l’Église catholique de 1980 à 1988.

Occupa diverses fonctions au sein du Parti progressiste-conservateur, du Bloc québécois et du Parti québécois de 1972 à 1994. Adjoint exécutif du député fédéral de Richelieu, Louis Plamondon, de 1984 à 1989. Élu député du Parti québécois dans Nicolet-Yamaska en 1994. Réélu en 1998 et en 2003. Adjoint parlementaire au ministre de la Sécurité publique du 28 janvier 1999 au 21 mars 2001 et whip en chef du gouvernement du 8 mars 2001 au 12 mars 2003. Whip en chef de l’opposition officielle du 25 avril 2003 au 21 février 2007. Ne s’est pas représenté en 2007.

Nommé agent de liaison pour l’UQTR le 4 novembre 2008. Donna un cours d’histoire à l’UQTR en 2012 et participa occasionnellement à l’émission Le Club des Ex diffusé à RDI. Secrétaire-trésorier de l’Amicale des anciens parlementaires du Québec en 2014. Vice-président de la Fondation du collège Notre-Dame de l’Assomption en 2016. Président de la revue Empreintes à partir de 2018.

(Source : Assemblée nationale du Québec)