Le télétravail: un peu, beaucoup ou passionnément?

COVID-19. La pandémie aura amené l’adoption du télétravail pour plusieurs. Le Courrier Sud a sondé des travailleurs pour qui la COVID-19 a changé radicalement la façon d’exercer leur métier.

Avant mars 2020, Catherine Carignan, organisatrice communautaire, consacrait une partie de son horaire à être en réunion avec des partenaires et des regroupements liés à la pauvreté et exclusion sociale, l’environnement, le logement, le travail, le transport et l’éducation. «Avec la pandémie, nous avons continué à nous rencontrer, mais en Zoom. Donc, je me suis organisée un petit bureau dans ma chambre. J’habite un appartement de 5 pièces et demie avec trois enfants. Ce n’est pas très ergonomique, mais cela me permet de pouvoir être efficace, efficiente et disposée pour le travail à distance, et ce, depuis le 13 mars», rapporte celle qui adore ce changement à son emploi.

«J’avais si peur que ma fille Éloïse, qui a une malformation cardiaque, contracte la COVID que de pouvoir avoir la chance de demeurer à la maison pour faire mon travail fut un réel bonheur. Et ça m’a rendue extrêmement efficace, je pense! Ma maison, c’est mon cocon donc, l’énergie est la mienne et ça m’inspire énormément pour mon travail. Ce fut un charme et une extrêmement belle expérience qui nous a amenés à être créatifs, à nous connaître davantage et sans barrière», ajoute Catherine Carignan.

Instructeur en intervention physique à l’École nationale de police à Nicolet, Patrick Gagné est beaucoup moins enchanté par la situation. «J’ai trouvé extrêmement dur le passage obligé au télétravail. Moi, ma tâche, c’est d’enseigner. J’aime le contact humain. Également, le télétravail, ça se planifie. C’est habituellement le choix de l’employé. La personne s’est préparée à le faire et s’est installée confortablement à la maison. Nous, on était au travail le vendredi et on s’est fait dire qu’on arrêtait pour un 15 jours qui s’est transformé en plusieurs mois.»

Il ajoute qu’en quelques jours, sa conjointe et lui se sont retrouvés à travailler à la table de cuisine. «On n’était pas installé pour ça. Notre maison n’est pas prévue pour avoir deux bureaux. On participait à des réunions différentes à la même heure. Un restait dans la cuisine et l’autre allait dans la chambre à coucher», dit-il.

«En plus, on n’a pas une bonne connexion Internet dans le bas de la rivière à Nicolet. Un moment donné, tu es dans une réunion Zoom et tu perds le réseau. C’est difficile. Dans la communication, tout est plus long. Avec le télétravail, on perd aussi les discussions informelles autour de la machine à café qui sont souvent fort utiles», explique Patrick Gagné, qui a bien hâte de renouer avec ses élèves.

Les impacts à long terme

Les effets de la révolution COVID-19 sur le télétravail ne s’arrêteront évidemment pas avec la fin de l’été. Avec une deuxième vague qui pointe à l’horizon et l’absence de vaccin, on peut penser que cette façon d’occuper un emploi deviendra une tendance lourde. Sera-t-elle positive?

«Comme bien des choses, le télétravail sera un succès s’il est réfléchi, organisé et qu’il répond à un besoin. Tous les postes et tous les travailleurs ne sont pas faits pour le télétravail. C’est en évaluant les possibilités et les freins au télétravail qu’il sera possible d’en retirer son plein potentiel», précise d’entrée de jeu Marie-Ève Dupont-Plamondon de Coup de pouce PME, une entreprise qui offre des services aux organisations de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

«Télétravailler, c’est bien plus que d’apporter son portable à la maison et travailler sur un coin de table. Les gestionnaires ont des objectifs à atteindre, un désir d’efficacité, de rentabilité. Il faut donc mettre en place les outils pour la communication, pour l’appréciation et la reconnaissance, la gestion du temps, l’évaluation des performances. Tout cela doit être conséquent avec les valeurs et la mission de l’entreprise. Le télétravail tel que vécu pendant le confinement n’était pas efficace pour la plupart des entreprises et a été source d’anxiété et de détresse. Ce n’est pas si simple concilier travail et vie personnelle. Et qui plus est, le télétravail à temps plein ne répond aux besoins d’une minorité de personnes seulement», spécifie-t-elle en en ciblant sur la nécessité de sonder l’équipe, de questionner les processus et de poser un regard stratégique sur l’implantation du télétravail.

De son côté, Ève Champagne, directrice générale aux Services intégrés pour l’emploi, s’inquiète du fossé de plus en plus profond que la pandémie creuse entre les classes sociales. «Nous aidons des femmes qui sont souvent en situation de pauvreté. Elles n’ont pas nécessairement accès à Internet et à des ordinateurs. Le téléphone c’est bien, mais les exclues sont malheureusement encore exclues davantage. De plus, en relation d’aide, le contact en personne est difficilement remplaçable. Il y a plusieurs de nos clientes qui attendent impatiemment le retour du présentiel. Ce sont des femmes qui ont vu leur isolement s’approfondir avec la pandémie», se désole-t-elle.