Le nouveau cœur de Tommy
BÉCANCOUR. Le 4 janvier au soir, le téléphone sonne chez les Ricard. La mère, Isabelle Neault, répond. Elle écoute ce que son interlocuteur lui dit et fond en larmes en raccrochant. Un mélange d’émotions l’envahit: il faut vite aller à l’hôpital Sainte-Justine, car un nouveau cœur attend son fils cadet.
Ça fait alors un an et quatre mois que la famille de Gentilly attend cet appel. Tommy, 13 ans, est atteint d’une cardiomyopathie hypertrophique; une maladie génétique qui fait grossir anormalement son cœur. Il commence à empiéter sur ses poumons, ce qui l’oblige à diminuer ses activités.
«On a découvert sa maladie quand il avait environ huit ans. À partir de ce moment-là, il a eu des suivis et des examens réguliers avec des cardiologues de Sainte-Justine, qui se déplaçaient à Trois-Rivières», raconte Isabelle Neault.
Malgré la médication, la maladie progresse. Il ne peut plus faire les activités qu’il veut. «Il aimait beaucoup jouer au hockey. Il a été obligé d’arrêter parce que c’était beaucoup trop exigeant pour lui. Faire du vélo représentait aussi un défi. Il ne pouvait plus suivre ses amis.»
En 2019, Tommy vit des épisodes de serrements importants au niveau de son cœur. «Des serrements qui s’apparentent à de mini-infarctus», compare sa mère. On lui implante alors, en juin, un défibrillateur (pacemaker) pour aider son cœur à tenir le coup en cas de problème. En septembre de la même année, il est placé sur la liste d’attente pour l’obtention d’un nouveau cœur.
Six mois plus tard, la pandémie de COVID-19 frappe de plein fouet le Québec et le monde entier. Les hôpitaux débordent. Devant la situation, l’espoir d’une possible transplantation s’essouffle un peu chez les Ricard: «Honnêtement, avec la pandémie, on ne pensait pas recevoir d’appel avant les prochaines années. On s’était fait à l’idée d’attendre, même si on espérait toujours (l’appel)», souligne Mme Neault, qui considère son fils privilégié d’avoir pu obtenir son cœur malgré les circonstances.
D’ailleurs, lorsque l’hôpital contacte une famille pour une transplantation, cela ne signifie pas nécessairement que l’opération aura lieu. La possibilité que l’organe du donneur ne convienne pas au receveur plane, pour diverses raisons. Ce sont les chirurgiens qui ont le dernier mot: «Pour notre part, c’était le cœur qu’on attendait. La chirurgienne nous a dit que c’était comme mettre un morceau de casse-tête en place.»
Le trajet vers l’hôpital se passe bien. Tommy est concentré. Il écoute sa musique dans ses écouteurs et est très calme. «Je pense qu’il était prêt à ça», relate sa mère.
C’est aux petites heures du matin, le 5 janvier 2021, que la greffe a lieu. L’opération dure près de quatre heures. «J’ai vu mon fils à 2h15 le matin et je l’ai revu à 10h30 ensuite. Ç’a été une dure nuit! Le médecin nous a appelés à 8h le matin pour nous dire que l’opération avait bien été. On était très soulagé.»
Ce n’est que le soir que Tommy, encore sonné par l’anesthésie, apprend qu’il a bien reçu son nouveau cœur. «Il a entrouvert les yeux et nous a fait un genre de petit clin d’œil, comme pour dire « ouf », et il s’est rendormi», poursuit sa mère.
Dès le lendemain, Tommy commence à reprendre des forces. Il est encore branché à toutes sortes d’appareils. Malgré tout, la réhabilitation s’amorce avec l’aide, entre autres, d’une inhalothérapeute et d’une physiothérapeute. On l’assoit déjà sur un fauteuil et on lui fait faire des exercices respiratoires. Il passe environ une semaine aux soins intensifs, puis une autre à l’étage d’hospitalisation.
Ses parents sont présents, mais pas son grand frère, qui n’a pas le droit de venir lui rendre visite en raison de la COVID-19. «On devait communiquer avec lui par Messenger et Facetime. Ç’a été difficile, la période où l’on n’a pas pu se voir, mais il a été d’un bon soutien moral.»
Une dizaine de jours après avoir reçu sa greffe, Tommy recommence… à étudier! À sa demande, des professeurs lui enseignent le français et les mathématiques dans sa chambre, histoire de ne pas avoir trop de rattrapage à faire. «Il trouvait le temps long…», justifie sa mère, sourire dans la voix.
Tommy est de retour chez lui depuis presque trois mois maintenant. Il est immunosupprimé et poursuit son secondaire 2 à la maison. «Il bénéficie d’un service extraordinaire de l’école Les Seigneuries, tient à souligner sa mère. Un professeur lui enseigne à distance les trois matières de base. Il retournera à l’école en septembre.»
Évidemment, le nouveau greffé fait l’objet de suivis médicaux serrés. Les premières semaines suivant son retour, il se rend une ou deux fois par semaine à l’hôpital Sainte-Justine. «Maintenant, on y va une fois aux trois semaines environ», mentionne Isabelle Neault qui, comme son conjoint Steve Ricard, a mis son travail sur pause pendant trois mois cet hiver «pour décompresser de cette aventure».
«On est infiniment reconnaissant à l’égard du donneur. Il a changé la vie de Tommy. Il lui a sauvé la vie, en fait.»
Aujourd’hui, Tommy se porte à merveille. «Il mord dans la vie. Il prend ses responsabilités. Il a beaucoup maturé», souligne sa mère.
Cet hiver, il a fait de la raquette, du fatbike et de la luge des neiges. Ces temps-ci, il s’adonne au vélo de montagne. Il est capable de suivre le rythme de ses amis et se permet même de prendre la tête à l’occasion! Il caresse aussi l’ambition d’intégrer un programme de hockey à l’école. «Tommy a un esprit de compétition assez fort, qu’il n’a pas pu mettre de l’avant pendant qu’il était en attente de son cœur. Alors là, je pense qu’il va se gâter! C’est beau de voir ça», termine Isabelle Neault, fière de son combattant.
Le saviez-vous?
– En faisant un don d’organes et de tissus au décès, on peut sauver jusqu’à huit vies et redonner la santé à 20 autres personnes.
– Au 31 décembre 2020, 802 personnes étaient en attente d’une transplantation.
– Au cours des cinq dernières années, il y a eu 838 donneurs d’organes et 2321 personnes transplantées.
@Ci:«On est infiniment reconnaissant à l’égard du donneur. Il a changé la vie de Tommy. Il lui a sauvé la vie, en fait»
@Csi:- Isabelle Neault