Le cycliste excentrique
Michel Beaudoin lance «Le journal d’un vieux bourlingueur»
LECTURE. Les yeux du Bécancourois Michel Beaudoin en ont vu, des paysages différents en l’espace de 20 ans. Pendant que ces images s’enregistraient dans sa tête, ses cuisses et ses mollets, eux, multipliaient les coups de pédales pour les faire défiler. Au compteur de son vélo? Plus de 55 000 kilomètres!
C’est en 1996, après avoir tourné la page d’une longue carrière au sein de la division des Crimes majeurs de la Sûreté du Québec, que l’aventure débute. «Je me suis acheté un vélo, je l’ai mis dans un avion et je suis monté à Vancouver. De là, j’ai pédalé jusque chez nous. En chemin, dans les Prairies, j’ai eu une idée folle: traverser les trois Amériques à vélo et écrire un livre là-dessus», raconte-t-il.
Quinze ans plus tard, le 25 mai 2011 précisément, les premiers coups de pédales de ce projet extravagant étaient donnés à partir de Prudhoe Bay, en Alaska.
Cette semaine, le deuxième volet devenait réalité: il lançait le livre relatant son périple… et plus encore! «J’en suis extrêmement fier, confie-t-il, envahi par l’émotion. Je pleurais de joie quand j’ai reçu la première épreuve. Ce livre, je l’ai imaginé, je l’ai rêvé pendant 22 ans et je l’ai fait: je l’ai écrit, en plus de l’avoir édité moi-même!»
Le journal d’un vieux bourlingueur
Puisant dans ses «road books» (carnets de voyages) et dans son blogue, l’auteur a recensé dans «Le journal d’un vieux bourlingueur» tous les faits saillants de son périple vers la Terre de feu et la traversée du Canada qui a suivi. Un condensé d’émotions. «Je te mets au défi de lire ça sans avoir les yeux trempes…», dit-il en brandissant son bouquin.
Il faut dire que son périple vers l’extrême sud des Amériques n’a pas connu le dénouement espéré. Six mois après l’avoir amorcé, et 18 000 kilomètres plus loin, l’aventure a pris fin abruptement. Victime d’un grave accident, Michel Beaudoin a été plongé dans le coma durant dix heures et a eu besoin de plusieurs mois de réadaptation. On lui a alors diagnostiqué un traumatisme crânien sévère dont il se relèvera presque par miracle.
«Chez InterVal (centre de réadaptation), on m’a dit qu’on ne comprenait pas comment j’avais fait pour revenir aussi vite sur pied. Comme explication à cela, on soupçonnait mon extrême positivisme. C’est bien possible! Mon père était l’être le plus positif que j’aie jamais rencontré; j’ai sûrement hérité de ce trait de caractère», raconte-t-il.
On est tenté de le croire, car deux ans après son accident, il retournait là où son périple s’était arrêté pour le reprendre! «Cette fois, j’étais accompagné d’un ami (Gilles Audette). Mais après 6000 kilomètres, il s’est fait frapper. Heureusement, il n’a pas été gravement blessé, mais son vélo était brisé. On est donc revenu.»
Les membres de sa famille n’ont pas voulu qu’il reprenne la route pour terminer une bonne fois pour toutes son défi. «Je les comprends, vu les circonstances. Alors, j’ai fait le tour du Canada à la place!», s’éclaire-t-il.
Le 1er avril 2016, il enfourchait de nouveau son vélo pour cette nouvelle aventure de 16 000 kilomètres qui durera 155 jours!
Est-ce encore dans ses plans de franchir les derniers 4000 kilomètres de son périple initial? «Je ne le dis pas! Mais on ne sait jamais», laisse entendre ce grand rêveur.
Hanches de titane et tête de cochon
Michel Beaudoin se nourrit de grands projets depuis toujours. «J’ai toujours voulu faire des choses que la plupart du monde ne fait pas», indique celui qui dit vivre de dopamine. «Je suis comme ça.»
En fait, toute sa philosophie de vie tient en cette phrase de Nelson Mandela, qui fait office d’épigraphe dans son livre Le journal d’un vieux bourlingueur: «Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse».
Qui aurait cru qu’un jour, celui qui s’est fait poser deux hanches de titane en raison de problèmes d’arthrose parcourrait à vélo les Amériques, en plus de traverser le Canada? Il l’a fait, passé l’âge de 65 ans en plus!
Un fou? Peut-être. Téméraire? Un peu. Extravagant? Absolument! Mais il est également un grand émotif qui mord dans la vie à pleines dents. À travers son récit, on le découvre comme personne, en même temps qu’on l’accompagne dans ses nombreux souvenirs.
Un des moments forts de ce récit? Assurément, la fin, dit-il, où deux de ses compagnons de route prennent la parole: Piedra Morena (pierre noire) et Piedra Blanca (pierre blanche). «Sans le savoir, j’ai utilisé une forme rhétorique littéraire qui s’appelle prosopopée, c’est-à-dire faire parler deux choses inanimées», explique-t-il fièrement.
Pour lui, ce chapitre représente beaucoup, car les deux pierres l’ont accompagné fidèlement dans ses bagages tout au long de sa traversée des Amériques. «Quand je suis allé prendre l’avion pour l’Alaska, mon fils Donald m’a tendu la main pour me souhaiter un bon voyage. Il tenait une roche noire qu’il avait ramassée lors d’un voyage en Argentine. Il m’a dit, alors: Ramène-la d’où elle vient, raconte-t-il la voix chargée d’émotion. C’était sa façon de me dire Vas-y, papa. Je suis avec toi».
«Quand je suis arrivé en Alaska, j’ai ramassé une roche blanche de la même taille. J’ai mis les deux roches dans une même enveloppe et j’en ai fait mes compagnons de voyage.»
Ce sont elles qui concluent le livre en formulant leur perception de Michel Beaudoin. Ce qu’on en retient? Qu’«il ne mesure pas la vie au nombre de respirations qu’il fait mais au nombre de moments qui lui ont coupé le souffle.»
Michel Beaudoin, c’est ça. Et plus encore.
Le journal d’un vieux bourlingueur
- 628 pages
- Des dizaines de photos
- Environ deux ans de travail
- Disponible à l’hôtel de ville de Bécancour ou sur Amazon.ca