Le bac brun, une fausse bonne idée?
ENVIRONNEMENT. D’ici 2024, les municipalités du Québec devront se prendre en main pour ce qui est de la gestion des matières résiduelles afin de répondre aux nouvelles orientations gouvernementales. C’est à ce moment qu’entrera en jeu le bac brun, soit le bac de collecte dédié au compostage. D’ailleurs, la Régie intermunicipale de gestion intégrée des déchets Bécancour-Nicolet-Yamaska (RIGIDBNY) confirme qu’elle travaille activement à offrir ce service d’ici 2022.
Serge Fortier, expert-conseil en environnement situé à Sainte-Marie-de-Blandford, croit cependant qu’instaurer le bac brun n’est pas la meilleure idée, environnementalement et économiquement parlant. «Entre jeter nos déchets dans les poubelles qui créeront des gaz à effet de serre dans les sites d’enfouissement et le bac brun, la preuve n’est pas faite que ce dernier est plus écologique. Si, en plus, tu ajoutes un camion qui vient chercher ta poubelle devant chez toi, qui doit arrêter à toutes les portes et ensuite transporter les matières à l’usine de compostage… ça fait beaucoup de kilométrage», mentionne M. Fortier.
Il souligne également que les usines, afin d’être rentables, devront récolter un grand volume de matières. «En région comme ici, le camion se promène pour peu de portes. Donc ça prend beaucoup de municipalités pour arriver à fournir une usine», ajoute-t-il.
«C’est comme la panacée pour avoir la paix. Sauf que le bac brun, il faut qu’il soit ramassé par une entreprise qui va chercher à toujours avoir de plus en plus de matière», s’inquiète M. Fortier.
Isabelle Deschênes, directrice générale de la RIGIDBNY, n’est cependant pas de cet avis. «Avec le bac brun vient un remaniement de la fréquence de collecte, donc il n’y a pas plus de camions sur la route. Il y en a tout simplement plus qui sont dédiés à la valorisation plutôt qu’à l’enfouissement», soutient-elle.
Financièrement parlant, Serge Fortier se désole que tous les résidents, même ceux qui gèrent toutes leurs matières organiques à la maison, se verront dans l’obligation de payer des taxes municipales pour un service qu’il juge superflu. «C’est une déresponsabilisation pour satisfaire ceux qui ne veulent pas composter ou qui ne sont pas organisés pour composter de cette façon. C’est le monde à l’envers, car le pollueur devrait être le payeur, pas l’inverse», déplore le consultant en jardinage environnemental.
Une solution à la portée de tous
Serge Fortier est persuadé que la meilleure solution de compostage serait que chaque individu apprenne à gérer ses propres déchets organiques, autant végétaux qu’animaux. En effet, dans le bac à compostage traditionnel, seuls les déchets végétaux peuvent y être compostés. Il existe cependant une option peu connue, soit un biodigesteur apte à recevoir tous les déchets de nature animale: le Cône vert.
Le Cône vert, qui est une invention canadienne, est conçu avec une double paroi qui crée une circulation d’air chaud grâce au contact direct avec le soleil. Il est fermé hermétiquement, donc il n’attire pas de vermine et ne dégage pas d’odeurs.
«Ce n’est pas tellement connu, parce qu’on ne met pas l’accent sur l’aspect compostage plus qu’il faut. C’est difficile avant de faire connaitre quelque chose; il faut que tout le monde s’implique. Il faut que le gouvernement s’implique et que le ministère de l’Environnement le subventionne», juge-t-il.
«Ce serait intéressant que dans la région, avant de s’orienter vers un choix qui n’est pas un choix, qui est une imposition (c’est-à-dire le bac brun), qu’on fasse des séances publiques ou des soirées d’information pour sensibiliser les gens et les mettre face à un choix», propose M. Fortier. Selon lui, le compostage est vu comme une montagne à escalader, car l’information ne circulerait pas suffisamment.
Isabelle Deschêne concède d’ailleurs que le pouls de la population n’a pas été pris à ce sujet. «On n’a pas fait d’études au niveau de l’acceptabilité sociale, mais on se doit d’offrir un service dans la capacité de payer de nos contribuables. Par exemple, sur notre territoire, on n’aurait pas les moyens de faire de la biométhanisation. On n’a pas assez de population et on ne génère pas assez [de déchets]. Ça nous prend une technologie quand même adaptée à notre réalité territoriale et la façon la plus simple, on va la diffuser prochainement!», révèle finalement la directrice générale.