Gestion de l’offre : notre secteur a beaucoup payé, disent les producteurs laitiers
RÉGIONAL. Le projet de loi C-216 visant à protéger intégralement la gestion de l’offre dans les accords commerciaux est un gage de stabilité pour certains secteurs déjà «précarisés». Certains sont toujours en attente de compensation depuis la signature des précédentes conventions.
«C’est la première fois qu’un tel projet de loi est déposé à Ottawa et qu’il y a un vote dans lequel la majorité des élus reconnaissent qu’il faut interdire au gouvernement fédéral d’utiliser le gagne-pain de nos producteurs agricoles comme monnaie d’échange dans le commerce international», a plaidé le député Louis Plamondon qui a déposé le projet en novembre 2020.
Le texte examiné en première lecture le 24 février dernier vient d’être adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes. Il retirerait au ministre des Affaires étrangères le droit d’octroyer «des concessions en cachette sans l’accord du parlement». Si la loi est adoptée, le gouvernement ne pourrait plus conclure de traité dans lequel le Canada concède des parts de marchés sous gestion de l’offre tels que les produits laitiers, la volaille et les œufs.
La majorité des élus se sont engagés à soutenir ce projet des bloquistes porté en comité dans la suite du processus législatif. «Nous avons payé 3 fois pour des concessions qui ont été faites pour d’autres secteurs qui voulaient des marchés supplémentaires, c’est au tour de la gestion de l’offre d’être protégé», a plaidé le porte-parole des producteurs de lait du Québec, François Dumontier. Il réagissait ainsi à la réticence de quelques élus conservateurs qui redoutent l’absence d’unanimité dans l’agro-industrie ou un éventuel précédent dans les négociations de libre-échange.
Précarité et incertitude
À ce jour, 8,4 % du marché canadien a été concédé dans les trois derniers accords à savoir l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGC) et l’Accord de libre-échange entre le Canada, le Mexique et les États-Unis(ACEUM).
Les États-Unis importent moins de 2% de la consommation intérieure des produits laitiers alors que d’ici 2024, 18% de la production canadienne sera remplacé par du lait venu de l’étranger selon la fédération des producteurs laitiers du Canada. L’Union européenne qui concède des pourcentages tout aussi réduits subventionne massivement l’ensemble de ses productions agricoles, rendant l’accès à son marché plus difficile pour les producteurs canadiens.
«Le Canada est donc légitimé de défendre son secteur laitier comme les autres pays industrialisés le font de leur côté», a conclu M. Dumontier sur la souveraineté dans les négociations bilatérales. L’avenir des fermes et des milliers d’emplois en dépend, a-t-il soutenu.
«Les concessions font pression sur nos familles et créent un contexte d’incertitude qui limite notre capacité à réinvestir dans nos fermes et dans nos régions», a expliqué le président des producteurs de lait du Québec, Daniel Gobeil.
Protéger vaut mieux que compenser
Le projet de loi qui modifie la loi sur le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est la conséquence des brèches contenues dans les trois accords commerciaux conclus par des dirigeants libéraux et conservateurs. Une loi permettant d’œuvrer à l’alimentation des Québécois et des Canadiens est encore plus rassurante que les engagements selon M. Dumontier, optimiste pour la suite du processus législatif.
«Évidemment, les producteurs et les transformateurs préféreraient être protégés qu’indemnisés. C’est pourquoi ils demandent à tous les partis d’appuyer jusqu’au bout le projet de loi du Bloc Québécois», a souligné le parrain du projet de loi, Louis Plamondon.
«Toutefois, pas besoin d’attendre le reste du processus législatif pour conclure des ententes avec les producteurs », a-t-il ajouté au sujet des compensations non encore amorcées.
Ottawa a consenti des paiements d’indemnité à la suite des concessions faites dans le cadre de l’AECG et du PTPGC mais selon M. Dumontier, «il n’y a encore rien de formel sur l’accord de libre-échange entre le Canada, le Mexique et les États-Unis(ACEUM)».