Désengagement policier: le phénomène serait présent au Québec
NICOLET. Camille Faubert, chercheuse au Centre de recherche et de développement stratégique de l’École nationale de police du Québec (ENPQ), s’intéresse au désengagement policier, aussi connu sous le nom de depolicing. Alors qu’elle vient tout juste de conclure la seconde phase du projet de recherche, la doctorante peut d’ores et déjà affirmer que le phénomène serait bel et bien présent au Québec.
Il s’agit d’une première initiative de recherche qui vise à défricher le sujet du désengagement policier, sujet peu étudié et encore méconnu au Québec. C’est un projet exploratoire, parce qu’il est valide pour les policiers qui ont participé au projet et ne sont pas, pour l’instant, nécessairement généralisable à l’ensemble de policiers du Québec.
Camille Faubert a interviewé 21 policiers dans un entretien téléphonique d’une moyenne de 71 minutes. Ces policiers ont été choisis aléatoirement parmi les 186 candidatures reçues afin d’obtenir un profil diversifié: genre, grade, région, organisation, etc. Parmi les policiers interrogés, on retrouve donc des agents, des sergents, des lieutenants et des commandants, cumulant en moyenne une douzaine d’années d’expérience chacun.
« C’était plus que ce à quoi on s’attendait. On ne s’attendait pas à autant d’engouement pour participer au projet de recherche, autant d’engouement pour discuter de ce phénomène. On a vu d’entrée de jeu que c’est un phénomène qui touche les policiers et que c’est important pour nous de se pencher là-dessus pour tenter de le comprendre un peu mieux », mentionne Mme Faubert.
L’objectif de cette seconde phase de la recherche était de documenter l’existence du phénomène de désengagement policier au Québec et d’en identifier les causes. De par cet exercice, la chercheuse a pu élaborer une définition de ce qu’est le désengagement policier. Selon les commentaires collectés lors des entrevues, les policiers ont défini le depolicing comme un état d’esprit se rapportant à une démotivation, un découragement, de l’indifférence ou encore une baisse d’intérêt pour la profession qui se traduit par des comportements tels que la baisse des efforts au travail et un laisser-aller qui pousse les policiers à hésiter à intervenir ou même à éviter d’intervenir, à se limiter à répondre aux appels 911, à éviter les responsabilités ou de s’impliquer, ou encore le retrait de la carrière policière.
Parmi les 21 policiers interrogés, 8 ont avoué avoir eu des comportements de désengagement policier, alors que 16 d’entre eux ont mentionné avoir été témoin d’un tel comportement.
Cette seconde phase de l’étude a permis à Mme Faubert de relever les cinq causes les plus fréquentes du désengagement policier: les craintes de répercussions ou de conséquences (craintes de poursuites, d’être médiatisés, d’être accusé de profilage racial); les critiques du public et la méconnaissance du métier de policier; le manque de soutien organisationnel; le sensationnalisme médiatique; la perception du sentiment d’injustice. Au total, 17 causes ont été soulevées par les policiers participant au projet.
Autres aspects à examiner
La troisième phase de l’étude consistera à l’investigation de la prévalence, la manifestation et les causes du désengagement policier. « Le désengagement est-il plus prévalent chez les policiers plus expérimentés? » « Le désengagement des policiers est-il plus important dans les secteurs urbains? » « Le soutien de l’organisation peut-il agir comme facteur de protection pour contrer le désengagement policier? »
Retombées sur la formation de policier
Selon les conclusions de l’étude, l’École nationale de police du Québec verra à bonifier son offre de formations de façon à sensibiliser à l’existence du phénomène, à mettre en place des stratégies de prévention et à développer une approche de soutien aux gestionnaires.