D’école de rang à fromagerie artisanale
DESCHAILLONS. C’est toute une métamorphose qu’a subie l’ancienne école de rang de Deschaillons-sur-Saint-Laurent au cours des derniers mois! Inoccupée pendant une dizaine d’années, elle a été complètement rénovée afin d’y accueillir une fromagerie : la Fromagerie Deschaillons.
La production a démarré le 8 juin dernier avec une petite quantité de fromage en grains qui a rapidement trouvé preneur. Puis, de nouveaux produits se sont ajoutés: cheddar en bloc, grain assaisonné, bloc assaisonné… « Actuellement, on fait des tests pour un fromage à pâte molle. On veut aussi essayer de fabriquer du sérac, un fromage à base de lactosérum très pauvre en gras mais assez élevé en protéines. C’est un fromage peu connu au Québec, mais populaire en Suisse et en France », indique le propriétaire, Ulrich Binggeli, qui a aussi dans sa mire la production de fromages affinés.
C’est le lait de sa propre ferme, la Ferme CanSuisse inc., qui est transformé dans le nouvel établissement. Celle-ci est située juste à côté de la fromagerie. « On cherchait un moyen de diversifier l’entreprise. C’est ma fille aînée (Clara) qui m’a un peu poussé là-dedans! Elle s’occupe maintenant de la production », confie fièrement ce père de quatre enfants.
Le reste de la famille met aussi la main à la pâte. « Ma conjointe donne un coup de main dans la boutique et la paperasserie. Mes trois gars aident aussi beaucoup, surtout à la ferme. L’un est au cégep et les autres au secondaire. Quant à moi, je m’occupe principalement de la mécanique du bâtiment et du transfert du lait. »
La fromagerie compte officiellement six employés : trois à temps plein et trois à temps partiel. Une journée par semaine, les installations sont louées à une dame qui produit du fromage de chèvre.
Les débuts
Il y a plus de deux ans déjà que ce projet d’affaires est en branle. Mais avant toute chose, il fallait trouver l’emplacement idéal. Aux yeux du producteur laitier, il s’agissait évidemment de l’ancienne école voisine de sa ferme. Ulrich Binggeli a donc communiqué avec le propriétaire pour savoir s’il était intéressé à la vendre. Après quelques négociations, la transaction était conclue… et le projet, officiellement sur les rails!
Place aux rénovations!
D’importantes rénovations ont dû être réalisées. Elles ont commencé au printemps 2021 et se sont déroulées sur environ sept mois. « On a tout arraché : l’isolation, les divisions intérieures, le gypse, le contreplaqué, le revêtement du toit et celui du bâtiment… Il ne restait que l’ossature, une partie du plancher et le solage. On a gardé ce qui était sain; le reste a été remonté à neuf », raconte M. Binggeli, qui souligne en riant que le coffre-fort d’antan est encore en place : « On l’a gardé parce que ça aurait pris un bâton de dynamite pour l’enlever! », rigole-t-il.
Permis et paperasserie
Pour démarrer une fromagerie, il faut obligatoirement suivre des cours à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec de Saint-Hyacinthe, indique M. Binggeli. Ceux-ci portent principalement sur la salubrité et le contrôle de la fabrication. Sa fille et lui ont suivi la formation, tout comme la transformatrice de lait de chèvre (Annie Boucher).
La composition de chaque produit doit par la suite être détaillée auprès des autorités compétentes: pourcentage de gras, de protéines, etc. « C’est beaucoup de paperasse », admet M. Binggeli.
Toutefois, le plus gros morceau du projet a été de répondre aux exigences du ministère de l’Environnement. « C’est considéré comme une usine laitière (la fromagerie). Et comme je n’ai pas les égouts chez nous, il fallait répondre à des demandes assez pointues », souligne le promoteur, qui a consacré 15 mois de temps à ce seul volet.
« On a une mini-usine de traitement pour traiter les eaux de lavage. On a installé sept grosses fosses septiques avec un petit bâtiment en annexe. Il contient les panneaux de contrôle, les pompes, etc. C’est géré par Biochem Canada à distance. Ils sont capables d’actionner tout ça par wi-fi. Un système de caméra permet de voir ce qui se passe : s’il y un problème quelque part, on est capable de le régler sous leurs directives », mentionne M. Binggeli.
« C’est le genre d’usine de filtration qui est souvent implantée dans des campings n’ayant pas d’égout » compare-t-il. « Ici, on peut traiter un maximum de 5000 litres d’eau de rejet par jour. »
Du lait distinctif
Le démarrage du projet a nécessité beaucoup de travail, mais le propriétaire de la Ferme CanSuisse inc. a persévéré, étant convaincu dès le début que son lait était tout indiqué pour la fabrication de fromages.
« Mes vaches vont au pâturage l’été et l’hiver, [elles sont] soignées seulement au foin sec et à la moulée complète, ce qui est très rare au Québec. Ça donne le lait idéal pour faire des fromages vieillis. C’est bien connu en Europe », mentionne-t-il.
Il ajoute que cette façon d’alimenter ses animaux peut avoir un léger impact sur la teinte du fromage, entre autres, selon les saisons: « C’est normal car ça joue sur les composantes du lait », explique-t-il, soulignant par ailleurs que les produits de la fromagerie sont artisanaux. « Ce n’est pas uniformisé comme dans les grandes usines. »
Pour le moment, la moitié de sa production de lait est transformée. Le reste est acheminé à la Fédération des producteurs laitiers. Son objectif, à plus long terme, est de transformer la totalité de son lait à la fromagerie. « Je n’ai pas une très grande ferme. J’ai 48 vaches en lactation et un troupeau de 105 têtes. »
Une clientèle déjà fidèle
Depuis son ouverture, il y a deux mois, la Fromagerie Deschaillons connaît un bel achalandage. « Beaucoup de personnes sont maintenant des clients réguliers », se réjouit Ulrich Binggeli.
Il concède que l’achalandage pourrait être encore plus important si la route 132 n’était pas coupée en raison du chantier en cours à Saint-Pierre-les-Becquets (assainissement des eaux usées), mais avoue préférer que cela soit fait cette année plutôt que l’an prochain : « On est en démarrage, et j’aime mieux partir tranquillement! », termine-t-il.