Choisir de donner son corps à la science
DOSSIER. « Il faut donner des outils aux étudiants en médecine et un corps, c’est le meilleur outil qu’on peut leur offrir.»
Un couple de la région, qui désire conserver l’anonymat, a pris la décision, il y a quatre ans environ, de faire don de leur corps à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) à leur décès. Antoine et Sarah (noms fictifs) font partie des quelque 3500 personnes figurant sur la liste de donneurs potentiels.
Leur motivation derrière ce choix? Contribuer à faire avancer la science tout en épargnant à leurs proches la lourdeur administrative entourant le décès d’un être cher.
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«Mine de rien, lorsqu’on meurt, ça vient avec une panoplie de responsabilités pour la famille, comme les arrangements, les funérailles, etc. Ça demande du temps, c’est épuisant et c’est coûteux. Avec l’université, on libère nos proches de cette corvée et on aide les futurs médecins à gagner de l’expérience pendant leurs études», indique Antoine, 79 ans, dont un des petit-fils graduera bientôt en médecine.
Bon an mal an, les corps légués à l’UQTR permettent à environ 1400 étudiants de différents programmes d’études en sciences de la santé de recevoir une formation en anatomie humaine. Dans ce contexte, ils sont utilisés à des fins de démonstrations et d’ateliers pratiques: dissection, chirurgie, intubation, techniques de réanimation, etc.
Les corps permettent également aux médecins spécialistes et à d’autres professionnels de la santé de mener des recherches en vue de bonifier et même de développer des nouvelles techniques et approches en matière de soin ou d’intervention.
Le nombre de corps reçus chaque année au laboratoire d’anatomie varie. En 2017, il y en a eu 65. Les personnes appelées à les manipuler sont soumises à un code d’éthique très strict sur le respect du corps. On s’assure aussi de préserver l’anonymat du donneur en associant son corps à un code.
Après la période d’étude, qui va de quelques mois jusqu’à trois ans, l’université procède à l’inhumation. «Tout ce qui appartient au donneur est réuni puis incinéré, à l’exception des parties conservées pour des collections d’anatomie, indique Gilles Bronchti, directeur du laboratoire. On rend ensuite les cendres à la famille, si elle en a fait la demande.»
Monsieur Bronchti mentionne qu’entre 65 et 70% des familles formulent ce souhait. Les cendres non réclamées sont quant à elles inhumées sans frais dans un lot particulier, au cimetière Saint-Louis. La famille est invitée à participer à la cérémonie.
Une décision réfléchie
C’est une amie de Sarah qui a fait savoir au couple que c’était possible de léguer son corps à un établissement d’enseignement à son décès. «J’ai trouvé ça vraiment intéressant, raconte Sarah, 76 ans. J’aime mieux finir à l’université que dans une boîte qui ne sert pas à grand-chose!»
«J’aime mieux finir à l’université que dans une boîte qui ne sert pas à grand-chose!»
– Sarah (nom fictif)
Le couple a alors amorcé des démarches pour s’inscrire sur la liste des donneurs potentiels; une liste que l’UQTR met à jour à tous les deux ans pour revalider l’intérêt de chaque donneur et noter les changements à apporter à leur dossier, le cas échéant: état de santé, coordonnées, contacts…
«On a signé un contrat devant témoins, puis on a reçu une lettre avec la procédure à suivre au décès. La famille a été avisée de notre décision, qui nous tient à cœur», poursuit Sarah.
Pas garanti
Il est important de préciser que ce ne sont pas tous les corps des donneurs potentiels qui aboutissent sur la table des étudiants et des chercheurs.
«On refuse malheureusement beaucoup de corps chaque année, généralement par manque de place. Dans pareille situation, on se tourne alors vers d’autres universités, afin de voir si elles peuvent les accueillir.»
Si, au final, le corps ne trouve pas preneur, la famille doit alors prendre en charge les frais liés à son enterrement ou son incinération. Elle a aussi l’option de refuser. Dans ce cas, il sera considéré comme un corps non réclamé, et l’État l’inhumera.
Le saviez-vous?
Une cérémonie commémorative consacrée aux donneurs a lieu une fois par année, soit le deuxième dimanche d’octobre, à l’UQTR. Les familles sont invitées à y assister. Selon Gilles Bronchti, directeur du laboratoire d’anatomie, entre 450 et 500 personnes y prennent part.
Critères d’admissibilité
- Le corps ne doit pas avoir été embaumé ou avoir subi une autopsie
- Le corps doit contenir tous ses organes vitaux
- Le poids du corps doit être proportionnel à sa taille
- Le corps ne doit pas être déformé
- Le corps ne doit pas avoir été brûlé ou avoir subi un accident majeur
- Le défunt ne devait pas avoir la jaunisse
- Le décès ne doit pas avoir été causé par une maladie contagieuse
Les établissements qui reçoivent des corps
- l’Université Laval
- l’Université McGill
- l’Université de Sherbrooke
- l’Université du Québec à Trois-Rivières
- le Collège de Rosemont