Acheter une entreprise pour mieux la revendre

NICOLET.  Le phénomène de flip immobilier, qui consiste à acheter une maison et à la revendre rapidement après avoir effectué des travaux de rénovation afin de lui donner de la valeur, est aujourd’hui bien connu. Mais qu’en est-il du « flip entrepreneurial »? C’est sur ce principe qu’Alfred Rostomian et Adel Partovi ont fait l’acquisition d’Eddy 91 en 2018, une entreprise nicolétaine qui battait de l’aile, mais qui, visiblement, débordait de potentiel.

Les deux entrepreneurs montréalais sont arrivés à Nicolet avec des objectifs clairs et ambitieux. En cinq ans, ils ont doublé le nombre d’employés de la société Eddy Floor Tools (comprenant Eddy 91 et sa filière américaine Eddy Floor Scraper qui sert essentiellement à distribuer la marchandise aux États-Unis) et ont triplé le chiffre d’affaires. En février dernier, les deux entrepreneurs ont officialisé la vente de leur entreprise désormais prospère. « Le temps était arrivé », mentionne Alfred Rostomian.

Selon les deux hommes, il s’agit d’un modèle entrepreneurial relativement nouveau habituellement réservé aux compagnies d’investissement et de placement. « On a aimé ce modèle pour lequel on recherche une entreprise déjà existante, avec un bon potentiel, et qu’on amène à un niveau supérieur. On corrige les erreurs, on améliore les points faibles et, si on fait un bon travail, l’entreprise prend de la valeur », explique M. Rostomian.

Cette façon de faire se compare effectivement aux flips immobiliers, à quelques nuances près. Alors qu’un flip immobilier prendra de trois à six mois, on parle plutôt d’un investissement de temps allant de trois à cinq ans dans le cas d’une entreprise. « Pour une maison, c’est très simple et tu sais dans quoi tu t’embarques, même si certaines maisons contiennent des surprises! Tandis que dans une entreprise, il y a beaucoup d’inconnus. En cinq ans, beaucoup de variables peuvent changer. Par exemple, dans notre plan d’affaires original, on n’avait pas prévu la Covid-19, parce qu’on ne savait pas que ça existait! On ne savait pas qu’il fallait prévoir deux ans de ralentissement de nos affaires », mentionne M. Rostomian.

La prise en charge d’Eddy Floor Tools

À leur arrivée, MM. Rostomian et Partovi ont pu constater qu’Eddy 91 était une petite entreprise qui ne se donnait pas les moyens de rivaliser avec les grands joueurs internationaux. « Le fondateur, même s’il a fait beaucoup de choses, n’avait pas la vision internationale qu’Adel et moi avions, révèle Alfred Rostomian. On est très fier de dire que le nom Eddy Floor Tools est désormais reconnu en Amérique du Nord, tout particulièrement aux États-Unis où nos plus gros clients sont Home Depot et Lowe’s. On a également commencé à vendre certains de nos produits en Europe depuis 2019, notamment en France et en Allemagne », ajoute-t-il.

D’ailleurs, l’entreprise nicolétaine a été la lauréate du prix MercadOr en tant qu’Exportateur Étoile 2022 dans la catégorie Diversification 5M$ et moins. Ce sont 89% de son chiffre d’affaires qui provient de l’extérieur du Québec, et 56% en dehors du Canada.

Pour ce faire, les deux entrepreneurs n’ont pas chômé durant les cinq dernières années. Selon leur estimation, c’est au-delà de 100 éléments distincts qui ont été améliorés au fil des années, que ce soit la vente et le marketing, la disposition de la chaine de production et la machinerie, ainsi que l’emballage, le design, l’ergonomie et la sécurité du produit.

Tout est dans les détails! « Le marketing était quasiment inexistant. Ce n’était que du bouche-à-oreille un peu passif. Il n’y avait pas de stratégie pour approcher le marcher. Il faut que tu donnes des arguments, il faut que tu convainques les clientèles de prendre ton produit! », insiste Alfred Rostomian.

Plus de 100 000$ ont également été investis dans l’entretien du bâtiment et du terrain situés dans le parc industriel de Nicolet. « Aucun investissement n’avait été fait pour l’entretien du bâtiment dans les deux dernières décennies. La toiture est flambant neuve, on a asphalté autour du bâtiment et on a déboisé l’arrière du terrain », énumèrent les entrepreneurs. S’il le souhaite, le nouveau propriétaire aura l’espace nécessaire pour prendre de l’expansion et construire un nouveau bâtiment de la même grandeur que celui déjà existant, s’il le souhaite.

Le marché de niche d’Eddy

Eddy Floor Tools conçoit et fabrique des outils de préparation de plancher avec comme objectif de rendre les travaux faciles, sécuritaires et efficaces. « On a une technologie pensée différemment. N’importe qui peut louer nos outils et effectuer le travail! », assure Alfred Rostomian.

« Nos outils sont reconnus pour être compacts et légers, et ce sont les deux caractéristiques les plus importantes de notre niche, mentionne-t-il. Quelqu’un qui cherche quelque chose de portatif aimera notre machinerie. »

Chez Eddy, on retrouve des grattoirs à plancher, des polisseuses, des ponceuses et des brise-tuiles. Les anciens propriétaires révèlent que deux nouveaux produits ont été développés au cours des deux dernières années et sont prêts, à quelques détails près, à être lancés sur le marché; au plus grand bonheur du nouveau propriétaire qui prendra bientôt les rênes de l’entreprise. Il s’agit de deux outils un peu plus costauds que ce que l’on retrouve déjà chez Eddy.

C’est Adel Partovi qui est responsable de la recherche et du développement. « J’œuvre à l’amélioration de la qualité des produits existants afin de faire la différence entre notre produit et celle de la compétition. On écoute le client, leurs suggestions et leurs attentes », témoigne M. Partovi. La vente est plutôt la force de son collègue.

Pandémie et ingéniosité

Pour Adel Partovi et Alfred Rostomian, pandémie ne rime pas avec accalmie. Malgré un arrêt de quelques semaines de leur production, les deux entrepreneurs ont plutôt vu une opportunité dans ce fléau mondial.

En effet, les deux hommes ont visé un nouveau marché en créant l’entité SANicolet. « Ce n’est pas juste un projet, car l’entité en est à sa troisième année », disent-ils fièrement.

Il s’agit de vaporisateurs et de brumisateurs à piles conçus pour des produits sanitaires qui, une fois la Covid-19 terminée, peuvent être utilisés pour arroser les plantes à la maison ou encore pour le traitement des moisissures par des entreprises de nettoyage et de décontamination.

« On a beaucoup de succès avec ça! On a d’ailleurs trouvé un distributeur en Europe qui a commencé à développer son marché avec nos produits », concluent-ils.