Philippe Charland: quand la curiosité pique un non-autochtone…

ÉDUCATION. Philippe Charland enseigne l’abénakis depuis près 10 ans au Collège Kiuna. Il est aussi professeur de langue abénakise à l’Université de Sherbrooke. Il est l’une des rares personnes au Québec à parler l’abénakis.

L’enseignant dans la quarantaine vient de remettre à Patrimoine Canada un dictionnaire français-abénakis de près de 5 000 mots, rédigé en collaboration avec le conseil de bande d’Odanak et des membres de la communauté abénaquise. Il s’est inspiré de manuscrits datant des 18e et 19e siècles produits par des jésuites, mais aussi d’ouvrages produits par des Algonquins. Il est en train de peaufiner une nouvelle version de 10 000 mots de ce dictionnaire. «C’est comme un guide qui permet d’aller plus loin».

Pourquoi cette langue? «Quand j’étais aux études… à la fin du siècle passé, je voulais suivre un cours de langue autochtone et je n’en trouvais nulle part», sauf à Odanak. «J’ai suivi des cours pendant une dizaine d’années». Il retransmet au collège Kiuna ce qu’il a appris.

«Je donne le cours à Odanak et à Wôlinak depuis 2014. C’est comme si mon loisir était devenu mon emploi», nous dit M. Charland, qui n’est pas du tout autochtone. Alors pourquoi cette langue en particulier? « C’est comme une découverte. La façon dont les langues algonquines sont faites, c’est souvent une description des choses. C’est un peu un défi de comprendre comment la langue est organisée. Grammaticalement parlant, c’est complexe. Je trouve ça beau. C’est comme une autre façon de voir le monde». Qui a déjà entendu ou lu de la poésie autochtone, comprend l’imagerie qui fait la force de la langue.

L’abénakis est une langue en dormance, très peu utilisée, dit-il. «Il n’y a plus de locuteurs L1 (dont c’est la langue maternelle), mais des gens qui ont réappris» la langue, nous dit M. Charland. L’abénakis qui est une langue à part entière «comme toutes les autres langues autochtones au Québec. Ce n’est pas un dialecte».

Pourquoi enseigner l’abénakis au Collège Kiuna? «C’est l’opportunité pour les langues de se développer dans un cadre structuré». Ces cours se donnent presque en tête à tête avec des groupes de moins de cinq étudiants. «Le fait que ça entre dans un cadre scolaire, ils s’assoient, vont étudier, vont faire des travaux et vont progresser plus vite. Kiuna, c’est ça que ça permet. Le DEC en arts, lettres et communication permet de commencer à former des gens qui pourront éventuellement me remplacer. Maintenant, il y a un cursus qui est créé pour suivre des cours dans un DEC accrédité par le ministère», nous dit Philippe Charland.