L’histoire en 40 000 cartes postales

LA-VISITATION-DE-YAMASKA.  Yves Lebel est un collectionneur dans l’âme. Après les bouteilles, les étiquettes de vin et les timbres, c’est vers les cartes postales que le « ramasseux » s’est tourné en 2008. À l’heure actuelle, M. Lebel estime posséder entre 35 000 et 40 000 cartes postales, de véritables fragments d’histoire du siècle dernier que l’on peut retenter, tel un casse-tête, de reconstituer.

La première carte postale d’Yves Lebel était en fait une première boite de cartes postales qu’il avait achetée pour une centaine de dollars. À cette époque, M. Lebel avait été contraint de passer près de six mois à la maison à la suite d’une opération. C’est en surveillant les encans de philatélie, qui sont souvent combinés aux encans de cartes postales, qu’il a commencé à s’y intéresser. De fil en aiguille, il s’est mis à vendre, à acheter, et à monter sa propre collection.

Il a été charmé par la grande diversité des cartes postales. Depuis les premières illustrées en 1898, tous les thèmes et toutes les époques y sont passés. « Toutes ces images du début du siècle, ça m’a passionné. Il y a quelque chose d’irrationnel là-dedans. Quand tu tombes en amour avec quelque chose, tu ne sais pas toujours pourquoi, mais il faut que tu vives avec », explique M. Lebel.

Les cartes postales sont riches en histoire, notamment parce qu’on y retrouve souvent des bâtiments qui n’existent plus; les rues principales, les églises, les presbytères, les événements tragiques qui ont marqué les villes, les intérieurs d’hôtel, de motels et de restaurants, les bateaux, les gares…

Au-delà de l’imprimé, c’est également grâce aux écrits sur les cartes postales qu’on découvre l’histoire. La correspondance était pratique courante dans les familles canadiennes-françaises qui utilisaient les cartes postales pour donner et prendre des nouvelles des oncles, tantes, cousins, cousines et amis, ou encore pour courtiser et s’écrire des lettres d’amour!

D’ailleurs, certains cachaient leur correspondance en collant une toute petite enveloppe au verso de leur carte postale afin d’y glisser une lettre tout aussi petite. Yves Lebel en possède une sur laquelle on peut lire une femme partager à son amie ses doutes face à son mariage imminent!

Les Canadiens-Français correspondaient beaucoup également avec les gens d’outremer afin d’obtenir des cartes postales en retour. Au début du siècle, entre 1900 et 1920, avec l’apparition de la carte postale illustrée, les gens avaient accès pour la première fois à des images. « En 1905, tu n’étais pas allé en France et il y avait peu de chance que tu y ailles. Dans chaque famille, il y avait une collection de cartes postales, donnant ainsi accès aux images du monde », mentionne le collectionneur.

La collection d’Yves Lebel en bref

  • La vente la plus impressionnante d’Yves Lebel est lorsqu’il a vendu un lot de… 35 000 cartes postales! Il s’agissait de cartes postales plus récentes qui intéressaient moins le collectionneur, qui se concentre désormais davantage sur les cartes datant d’avant les années 60.
  • Le plus grand montant qu’il a obtenu pour la vente d’une carte postale unique est 1000$. Il a lancé les enchères à 20$, mais deux collectionneurs de cartes postales de gare de train l’avaient dans leur mire! Cette carte d’une gare du Canadien Pacifique de Québec apparaissait en double dans la collection de M. Lebel, alors il a vendu son deuxième exemplaire au perdant de l’enchère pour la somme de 600$. « Mais ça, ça n’arrive qu’une fois… c’est une exception! Parfois, je fais des bons coups, d’autres fois moins, et ça finit par s’équilibrer. Mon objectif, c’est de ne pas perdre d’argent et d’avoir du plaisir! »
  • Selon M. Lebel, les cartes les plus recherchées sont les cartes postales de gares de train. « Elles sont moins nombreuses et, en plus, presque toutes les gares sont aujourd’hui détruites », explique M. Lebel. Les ventes de ces cartes postales se font également à l’échelle nationale, ce qui augmente le nombre de collectionneurs potentiellement intéressés. « On y retrouve souvent, en plus d’une belle qualité de photo, des bidons de lait, des chevaux, des valises, des dames bien habillées! Ça fait de beaux environnements », estime-t-il.

Des découvertes inattendues

Lorsqu’Yves Lebel a commencé dans le monde de la carte postale, ce dernier a pris possession d’un lot d’un homme de Vancouver qui venait une fois par année à Montréal afin de participer à un salon de collectionneurs. Lorsque M. Lebel s’est mis à examiner le contenu de la trentaine de boites qu’il venait d’acquérir, il a découvert une carte postale de la maison de son arrière-grand-père où lui-même a grandi, à Cacouna! Une belle trouvaille, d’autant plus que le collectionneur n’avait aucune idée qu’il existait une telle carte.

Les cartes de souhaits

Dans la collection d’Yves Lebel, on retrouve de magnifiques cartes postales d’Halloween embossées datant d’avant 1915. Elles sont très recherchées et se vendent approximativement 170$ américains.

Les cartes postales administratives

Avant que les cartes postales illustrées ne soient autorisées, on retrouvait ce qu’on appelle les cartes administratives. Elles étaient fabriquées par le gouvernement et étaient utilisées par des entreprises, comme les banques, pour envoyer des messages impersonnels. En 1898, les cartes postales illustrées ont été autorisées et les compagnies privées avaient désormais le droit d’en fabriquer. Ce n’était cependant pas le même modèle qu’aujourd’hui, alors que l’adresse était inscrite au verso, et l’image et le texte au recto, ce qui laissait très peu de place à l’image et au message. Quelques années plus tard, ils ont permis la carte postale comme on la connait aujourd’hui.

Les cartes postales patriotiques 

Ces cartes postales patriotiques ont été fabriquées par l’un des premiers éditeurs au Québec et sont les plus anciennes, outre les cartes administratives, de M. Lebel. Elles datent de 1898, alors que ses cartes administratives datent de 1870.

Des pièces uniques

Les cartes postales étaient parfois uniques, dessinées à la main. Celle-ci a été conçue avec un bout d’écorce. « Si elle était neuve, elle vaudrait moins cher, étant donné que c’est une carte hors norme. Avec la marque postale et le destinataire, elle a beaucoup plus de valeur », estime M. Lebel. Il possède également une carte postale en aluminium, mais ce matériau a été peu utilisé, car les gens s’y blessaient.

Les cartes « d’Indiens »

Les cartes postales représentant des autochtones ont beaucoup de valeur et sont régulièrement achetées en Europe. Celle-ci représente le chef de la communauté d’Odanak, M. Watso. « C’est une belle carte et je sais qu’il n’y en aura pas beaucoup. Je me la suis achetée comme cadeau de Noël! », raconte M. Lebel. Ce dernier estime l’avoir eu à bon prix, car dans le temps des fêtes, les gens étaient occupés à autre chose que de magasiner des cartes postales!