«L’employeur a misé sur l’épuisement de nos membres»

CONFLIT. «On s’est buté à un employeur qui n’a pas voulu négocier […]. Il a préféré affronter les travailleurs et essayé de les épuiser financièrement et moralement.»

Le président de la section locale 9700 des Métallos, Clément Masse, n’a pas été tendre à l’égard de la partie patronale dans le point de presse suivant l’acceptation de l’offre globale et finale de l’employeur par ses membres, ce mardi (2 juillet), dans une proportion de 79,7%. Un résultat qui l’a visiblement déçu étant donné que son organisation avait recommandé à ses membres de rejeter la proposition de l’employeur.

«Notre rôle, c’est d’analyser l’offre qui est sur la table. [Comme représentants du syndicat], on ne pouvait pas la recommander, explique-t-il. Il y avait beaucoup de pertes d’acquis au niveau de la convention collective, du régime de retraite et de l’organisation du travail […]. On n’est pas gênés de notre recommandation. On l’a fait parce que ce n’était pas un contrat respectable pour nos travailleurs.»

Malgré le dénouement du vote, le président du syndicat s’est dit très fier du travail accompli au cours des 18 mois qu’aura duré le lockout à l’aluminerie de Bécancour. «Les gens nous ont appuyés tout le temps. Malheureusement, ils ont décidé de cesser le combat aujourd’hui […] par épuisement. Sûrement pas parce qu’ils sont satisfaits du contrat […]. On l’a senti à l’assemblée», a mentionné M. Masse.

La menace de fermeture du restant de l’usine a également pesé dans la balance, tout comme la pression sociale, ajoute-t-il, pointant aussi du doigt les interventions du premier ministre François Legault: «[Il] est venu discréditer les travailleurs en mentionnant seulement leur salaire dans le cadre de la négociation alors que ça ne faisait pas partie des enjeux. Il est venu monter la population contre les travailleurs de l’aluminerie de Bécancour et c’est très décevant», lance celui qui est à la tête du syndicat depuis 2001.

Pour lui, c’est une première bataille perdue en 18 ans. «On a toujours eu des ententes négociées. [Cette fois], c’est un échec», indique Clément Masse, qui a d’ailleurs annoncé sa démission à titre de président du syndicat de la section locale 9700 des Métallos au terme de l’assemblée. «Je ne me sens pas à l’aise de mettre en place cette  convention-là avec l’employeur compte tenu que les gens ont rejeté aussi fortement [notre recommandation]», explique-t-il.

Il estime par ailleurs que les derniers mois auront eu pour effet de développer une solidarité syndicale qu’il qualifie d’historique: «C’est exceptionnel. Ce sera un bel exemple à donner [si d’autres conflits éclatent]. Il y a belle solidarité au Québec entre tous les syndicats», fait-il remarquer.

Des propos corroborés par le directeur québécois des Métallos, Alain Croteau: «Je pense que l’employeur a réveillé un mouvement de solidarité incroyable au Québec. Cinq cents sections locales qui appuient de façon récurrente ou forfaitaire à chaque semaine, c’est quelque chose! Je n’ai jamais vu ça en 35 ans de syndicalisme. Pour les prochains combats, je pense que les PME et les grandes entreprises vont y penser à deux fois avant de nous sortir en lockout.»

Il a profité de la tribune pour dénoncer de nouveau les contrats d’énergie pour les alumineries et les aciéries, dans lesquels l’employeur n’a pas à payer ses pénalités au niveau de l’énergie en cas de lockout décrété. «Les contrats spéciaux, il faut que ça cesse», a-t-il conclu.