Le long voyage des déchets nucléaires

BÉCANCOUR.  Lorsque la centrale nucléaire Gentilly-2 était en exploitation, elle produisait des déchets radioactifs. En fait, elle en produit encore, mais à très petite échelle. En prévision du démantèlement des installations prévu dès 2057, Hydro-Québec doit déplacer et entreposer ces déchets de manière sécuritaire, avant qu’ils ne soient transférés dans un site identifié par la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN), en 2048.

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Il existe trois types de déchets nucléaires, soit de faible, moyenne ou haute radioactivité, et ils sont tous entreposés sur le site de Gentilly-2.

Les déchets de faible intensité radioactive sont entreposés dans des fosses au blindage léger. Ces déchets sont constitués, par exemple, de chiffons, de gants, de toiles de protection, de vadrouilles, etc., qui n’ont pas pu être décontaminés.

Les déchets de moyenne radioactivité sont constitués de résine. « Dans un circuit industriel, au lieu d’avoir un filtre en guise d’écran qui capte les petites particules, ce sont de petites billes gélatineuses qui captent les particules d’impureté par échange chimique. Ces petites billes deviennent éventuellement de moins en moins efficaces, alors au bout d’un moment, il faut les remplacer par des nouvelles », explique Patrice Desbiens, directeur adjoint des installations de Gentilly-2.

Finalement, parmi les déchets les plus radioactifs, on compte le combustible qui a servi à alimenter le réacteur de la centrale nucléaire. En 30 ans d’exploitation, ce sont 129 925 grappes de combustible qui a été irradié. Ces grappes ont toutes été immergées en piscine pour une durée approximative de 6 ans, leur permettant de refroidir suffisamment avant d’être déplacées à nouveau dans des enceintes de stockage CANSTOR, c’est-à-dire des cylindres d’acier insérés dans des coffrages de béton. Ces enceintes d’entreposage à sec sont situées sur le site de la centrale, et toutes les grappes y reposent depuis décembre 2020.

« On pourrait sans problème marcher à proximité de ces enceintes, car toutes les épaisseurs de matériaux autour des grappes font office de blindage, de sorte que la radioactivité est suffisamment atténuée pour circuler sans contraintes », explique M. Desbiens.

Qu’est-ce qu’une grappe? Une grappe de combustible mesure une cinquantaine de centimètres de long et une dizaine de centimètres de diamètre. Chacune d’entre elles pèse 24 kilogrammes (53 livres), un impressionnant poids pour la grosseur de l’objet! Les grappes sont essentiellement composées d’uranium. Elles sont formées de 37 petits tuyaux soudés ensemble, et à l’intérieur de chacun, il y a de petites pastilles d’uranium.

Les quelque 130 000 grappes ont toutes déjà fait fonctionner le réacteur en alimentant la fission nucléaire. « Quand elles ont donné ce qu’elles avaient à donner, on les évacue. C’est un peu comme mettre une bûche dans le poêle », illustre le directeur adjoint.

« Les atomes d’uranium se font fissionner, ça veut dire casser en deux, par un neutron, poursuit-il. Essentiellement, un neutron fait éclater un atome et ça génère de la chaleur. C’est cette chaleur qui est utilisée pour faire bouillir de l’eau et produire de la vapeur. La vapeur fait quant à elle tourner la turbine qui entraine l’alternateur pour produire l’électricité ».

L’entreposage des grappes de combustible irradié

Une fois que les grappes ont terminé leur séjour dans le réacteur, elles ne peuvent pas être entreposées à l’air libre. À leur sortie, les grappes dégagent tellement de chaleur qu’elle fondrait, l’air ambiant n’ayant pas la capacité d’évacuer sa chaleur.

La solution : les entreposer dans une piscine de stockage pendant près de 7 ans. La plus grande des trois piscines de Gentilly-2 mesure 20 mètres de long et 9,2 mètres de profondeur. L’eau est un meilleur agent de refroidissement que l’air et offre un blindage suffisant pour pouvoir circuler librement autour des piscines.

Si elles sont encore remplies d’eau aujourd’hui, c’est parce que l’une d’entre elles contient encore des composantes du réacteur ainsi que des pièces très radioactives qui ont servi à des travaux de maintenance.

En décembre 2020, toutes les grappes avaient été transférées dans les modules CANSTOR, soit l’entreposage à sec. Pour que le transport se fasse en toute sécurité pour les travailleurs, les déchets sont insérés dans des châteaux de plomb, des modules cylindriques blindés ressemblant visuellement à des réservoirs à eau chaude et pouvant peser jusqu’à près de 10 tonnes. Le tout est soulevé grâce à des ponts roulants plutôt costauds qui servent également à soulever les dalles qui scellent le dessus de fosses. Ces ponts roulants reposent sur des rails afin d’être déplacés aisément à l’aide d’une grue.

Prochaine destination : Ontario

En 2048, l’ensemble du combustible qui séjourne temporairement dans les enceintes de stockage CANSTOR sera transféré dans un site identifié par la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN). Un certain nombre de sites ont été identifiés au début de leurs démarches selon une combinaison de critères géographiques et géologiques. Le choix final se fera entre deux sites situés en Ontario et l’on devrait connaitre celui-ci l’an prochain.