Inquiétant pillage archéologique sur le territoire

***MISE À JOUR*** Le bureau du Ndakina a finalement réussi à s’entendre avec la personne concernée, qui a bien compris la situation. Toutefois, Suzie O’Bomsawin, directrice du bureau, mentionne que le pillage se poursuit ailleurs dans la région avec d’autres individus.

 

NICOLET-BÉCANCOUR. Les archéologues de la région lancent un cri du cœur pour que cesse le pillage archéologique dont ils sont témoins depuis le début de l’été sur le territoire de Bécancour et Nicolet.

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«On a eu vent, par le ministère de la Culture et de gens de Bécancour, qu’une personne faisait du détecteur de métal pour découvrir des artefacts. Il déterre et s’approprie des objets comme des pièces de monnaie en argent datant du début de la colonie, ce qui est interdit par la loi», raconte Geneviève Treyvaud, archéologue au bureau Ndakina du Grand Conseil de la Nation Waban-Aki, à Wôlinak.

Le problème, c’est que ce «chercheur de trésors» fait des ravages un peu partout, y compris sur des sites archéologiques reconnus, comme l’île Montesson à Bécancour. En plus de «voler» des artefacts appartenant au patrimoine national, il détruit tout le contexte archéologique entourant ses trouvailles lorsqu’il creuse le sol pour les récupérer. «On a tenté de lui expliquer tout ça, mais il ne veut rien entendre», se désole Mme Treyvaud.

L’archéologie n’est pas un jeu ou un hobby; c’est une discipline scientifique. En effet, le travail d’un archéologue va beaucoup plus loin que le simple fait de déterrer de vieux objets. Il tente de comprendre et d’expliquer pourquoi ces objets ont été retrouvés à tel ou tel endroit. Par exemple, y avait-il un poste de traite, une petite église ou une maison coloniale sur les lieux à une certaine époque? C’est toute l’histoire qui se cache derrière chaque trouvaille qui donne toute sa valeur à l’artefact. Une valeur scientifique, doit-on préciser, puisqu’un bien archéologique ne possède aucune valeur marchande. Les lois canadiennes et québécoises interdisent en effet le commerce d’artefacts.

En plus de piller ici et là, l’individu aurait trouvé plusieurs sites à potentiel archéologique, notamment à Sainte-Angèle-de-Laval. Or, il est en train de les saccager en creusant n’importe comment dès que son détecteur de métal sonne. Une situation inquiétante aux yeux des archéologues, alors qu’une procédure bien précise – à commencer par l’obtention d’un permis de recherches archéologiques – est à suivre lorsqu’un site est découvert et que des fouilles sont faites.

Une loi méconnue

À ce chapitre, la Loi sur le patrimoine culturel est claire: «Nul ne peut effectuer sur un immeuble des fouilles ou des relevés aux fins de rechercher des biens ou des sites archéologiques sans avoir au préalable obtenu du ministre un permis de recherche archéologique et avoir payé les frais établis par règlement du gouvernement pour l’étude de sa demande de permis».

Elle stipule aussi que «quiconque découvre un bien ou un site archéologique doit en aviser le ministre sans délai. Cette obligation s’applique que la découverte survienne ou non dans le contexte de fouilles et de recherches archéologiques.»

Le hic, c’est qu’il s’avère difficile de faire appliquer cette loi: «On n’a pas des yeux partout». C’est le personnel du ministère de la Culture, à Québec et les agents de la Sûreté du Québec qui peuvent intervenir, partage Mme Treyvaud. Ils marchent toutefois sur des œufs dans le dossier en cours: «On ne sait pas trop si c’est le code criminel ou civil qui s’applique.»

Heureusement, des situations comme celle-ci sont plutôt rares. Généralement, les gens sont compréhensifs et coopératifs par rapport au travail des archéologues. Par exemple, lors des grandes fouilles qui ont permis de retrouver le Fort d’Odanak, ces dernières années, les archéologues se sont associés à un homme faisant lui aussi de la détection de métal dans le secteur ciblé. «On l’a emmené avec nous. On lui a montré ce qu’on faisait. On l’a sensibilisé [à notre travail et aussi à la Loi sur le patrimoine culturel]. Il avait amassé des milliers d’artefacts avec le temps et un jour, il va remettre sa collection à un musée.»

Geneviève Treyvaud espère que cesse le pillage dont fait l’objet la région et tend de nouveau la main au chercheur de trésors qui sévit. «J’aime mieux travailler avec ces gens-là [que les dénoncer]. Mais il faut aviser la population, car le patrimoine archéologique, c’est la responsabilité de tout le monde. On ne peut pas laisser faire les gens comme ça.»